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Les adversaires de la mesure répondaient que la principale cause de la disparution du numéraire était le manque de confiance; que chacun conservait l'argent de préférence aux assignats; qu'il se formait de petites bourses pour les éventualités de l'avenir et que c'était là qu'allait s'enfouir toute la monnaie; qu'une émission d'assignats de 5 livres ferait disparaître ce qui restait d'argent en circulation, et que le pauvre, auquel la monnaie serait toujours nécessaire, supporterait, en définitive, la différence en perte, au plus grand profit des agioteurs.

L'assemblée décréta une proposition intermédiaire de Beaumetz, d'après laquelle la fabrication fut résolue, mais l'émission retardée jusqu'après la fabrication de la menue monnaie. Les assignats de 5 livres furent mis en circulation au commencement de juillet.

A cette époque, un usage, dont nous avons vu un exemple, page 59, s'était déjà généralisé : divers particuliers avaient émis des billets de confiance au-dessous de 5 livres ; une caisse patriotique ou de secours s'était établie dans ce but à Paris; et des administrations départementales avaient adopté la même mesure, sous leur propre responsabilité. L'assemblée les approuva et affranchit même ces billets du droit d'enregistrement. Nous verrons que de l'abus qu'on en fit bientôt, il naquit de graves embarras pour l'assemblée législative.

- A la suite d'un rapport de Roederer du 23 avril, l'assemblée termina, le 9 mai, un décret contenant les principes généraux sur l'administration des contributions indirectes. Roederer avait demandé que cette administration fût confiée à des corps de finances, à des régies centrales, et non aux administrations départementales qui n'offraient pas les garanties désirables de connaissances administratives, d'énergie, etc.; que ces régies fussent dans la dépendance du pouvoir exécutif, mais non d'une manière absolue, à cause de l'influence que les ministres pourraient exercer par le grand nombre des employés de cette administration; que par conséquent le roi ne pût choisir les régisseurs généraux que dans les employés du grade inférieur et ne les destituer que sur l'avis des autres régisseurs; que les employés immédiatement inférieurs aux régisseurs généraux fussent choisis par le ministre des contributions entre trois sujets présentés par les régisseurs généraux; que les préposés inférieurs fussent nommés par la régie; qu'en outre, pour empêcher tout emploi illégal ou détournement des fonds, le produit des recettes des différentes, régies fût versé dans les caisses de district et que les caisses et registres des régies locales fussent vérifiés par les directoires de district. (L'assemblée adopta toutes ces

dispositions sans discussion et établit deux régies par le décret du 9 mai, modifié en partie par un autre du 27, l'une du timbre et de l'enregistrement, à laquelle furent réunis les domaines, l'autre des douanes. La première fut organisée par le décret du 18 mai, qui la plaça sous la direction de douze administrateurs ou régisseurs généraux.

Le 21 mai fut terminé un décret en cinq titres sur l'organisa tion des monnaies et la surveillance et vérification du travail de la fabrication des espèces d'or et d'argent.

Le 26 mai l'assemblée adopta sans discussion, sur les rapports de Camus et de Barrère, deux décrets qui coordonnaient définitivement les dispositions adoptées antérieurement sur la liste civile. Le 5 juin, la réclamation du duc d'Orléans, relative à la dot de Louise-Élisabeth, fille du régent, fut remise par Cochard sous les yeux de l'assemblée (voir t. IV, p. 401). Le rapporteur déclara que le comité de liquidation persistait dans son avis pour le payement de cette dette. On demanda à gauche l'ajournement à la prochaine législature; mais Maury, Cochard et Madier réclamèrent, et Lavie observa que cette question paraissait être une affaire de parti, d'après l'acharnement du côté droit à en demander la discussion. Ces paroles furent suivies d'une agitation extrême, au milieu de laquelle l'assemblée décréta le renvoi à la nouvelle législature.

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A la séance du 17 juin, Lecouteulx présenta, au nom du comité des finances, l'état général des dons patriotiques, montant à 2,194,696 livres.

A celle du 19, sur un rapport de Camus, l'assemblée décréta la fabrication de six cents millions d'assignats. Ainsi fut, pour la première fois, dépassée la somme de douze cents millions, fixée solennellement par les décrets antérieurs. Ce vote, d'ailleurs, ne fut précédé d'aucune discussion. Au lieu d'un rapport, Camus s'était borné à lire deux notices, que l'on trouvera dans l'Appendice.

A la séance du 20, Talleyrand fit un rapport sur le change et sur la disparition des monnaies. La principale cause, selon lui, de la rareté du numéraire, était l'excès de l'importation sur l'exportation de la part du commerce français: On avait acheté une énorme quantité de grains, et la compensation n'ayant pas eu lieu par les échanges, il avait fallu payer en numéraire. Rewbell vota l'impression de ce discours, afin, dit-il, qu'on vît bien que l'opinion de l'évêque d'Autun sortait de la rue Vivienne et de la patte des commissaires de la trésorerie.

A la séance du 25, l'assemblée décréta que les cloches des églises supprimées dans les départements seraient fondues et cou

lées en monnaic, à raison de 24 pièces d'un sou à la livre, et de 48 demi-sous.

-Par suite de l'émigration, qui avait redoublé après l'arrestation du roi, une grande quantité de métaux précieux étaient exportés de France. Tous les jours il arrivait des procès-verbaux de municipalités annonçant des saisies de lingots d'or et d'argent. Par le dé→ cret du 28 juin, qui défendait aux Français la sortie du royaume, toute exportation de métaux précieux avait été prohibée également. L'amnistie du 14 septembre eut pour effet d'abolir cette prohibition. Le 8 juillet, un secours de trois millions fut accordé aux hôpitaux. Le 12, l'assemblée termina un décret organique en deux titres sur les mines. Le 21, fut rendu un décret sur le commerce du Levant et de Barbarie; le 28, un autre en trois titres sur les relations du commerce de Marseille dans l'intérieur du royaume, dans les colonies et à l'étranger.

Le 6 août, l'assemblée termina un décret en treize titres sur la législation générale des douanes.

Le 16, le décret sur l'organisation de la trésorerie nationale, dont plusieurs parties déjà avaient été adoptées à la fin de juin et au commencement de juillet, fut enfin achevé. Il se divisait en quatre parties, dont la première était relative à la trésorerie elle-même; la deuxième, à la recette; la troisième, à la dépense; la quatrième, à la comptabilité. La nomination à toutes les places du trésor fut attribuée au comité de trésorerie (voir t. IV, p. 549). C'est à cette administration que devaient être versées toutes les recettes, et c'était à elle à transmettre aux ministères les fonds qui leur étaient assignés.

- Le 26, il fut décrété que les vases et ustensiles de cuivre des églises supprimées seraient employés pour la fabrication des monnaies.

Le 9 septembre, l'assemblée vota une somme de 300,000 liv. pour être distribuée aux artistes qui, par leurs travaux et leurs recherches dans les arts utiles, auraient mérité d'avoir part aux récompenses nationales. Le 17, elle fixa à 100,000 liv., pour 1791, le secours annuel pour le soutien des arts de peinture, sculpture et gravure.

Le 15, elle termina un décret en quinze titres, sur l'administration forestière.

- Le 17, le décret sur la comptabilité fut terminé. Cochard avait présenté un rapport à ce sujet le 7 septembre, et la discussion avait eu lieu le 8. Les chambres des comptes avaient déjà été supprimées par plusieurs décrets antérieurs (depuis le 2 septembre 1790). A

l'avenir, le corps législatif devait voir et apurer lui-même les comptes de la nation. A cet effet était établi un bureau de comptabilité, composé de quinze commissaires, à la nomination du roi. Ces commissaires devaient recevoir tous les comptes et en faire le rapport à l'assemblée législative. Par le décret du 25 fut organisée la régie des poudres et salpêtres.

Un décret du 26 régla les détails relatifs à la perception des contributions foncière et mobilière et du droit des patentes.

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Le 29 septembre, enfin, l'assemblée décréta la continuation des impôts existants pour 1792, et détermina les différentes ressources de cette année. Les contributions mobilière et foncière, pour 1792, furent fixées comme pour 1791, la première à 60 millions et la seconde à 240 millions. Mais en adoptant ce dernier chiffre pour 1791, par son décret du 17 mars, l'assemblée avait considéré cette somme comme représentant le sixième du revenu net, et statué par le même décret que nul citoyen ne serait obligé de payer plus du sixième de son revenu. Cette fois, par le décret du 29 septembre la fixation de ce maximum fut réservée à la légisIature.

- Le 21 août l'assemblée avait ordonné que toutes les administrations financières lui rendissent des comptes détaillés; et en conséquence, le 9 septembre, Montesquiou avait lu un rapport sur la situation générale des finances. Dans la séance du 28, l'abbé Maury interrompit l'ordre du jour pour attaquer vivement ce rapport qu'il traita de roman. Il s'ensuivit une scène de désordres et d'injures, qui rappelait les séances les plus orageuses de l'assemblée. Duport répondit à Maury que l'assemblée n'avait pas de compte de gestion à rendre; qu'elle n'avait pas administré ni été dépositaire des deniers; que ses comptes c'étaient les décrets qu'elle avait rendus pendant la session, à la vue du public; que l'état présenté par Montesquiou n'avait pas la prétention d'être un compte rendu à la nation, mais n'était que le tableau résumé des opérations par lesquelles les finances avaient été relevées. L'assemblée passa à l'ordre du jour.

Le rapport de Montesquiou était divisé en trois parties: 1o état des finances avant l'assemblée nationale; 2o état des finances durant l'assemblée nationale; 3° état des finances tel que l'assemblée nationale va le remettre à la prochaine législature. Les deux premières parties sont purement historiques et peu détaillées. La deuxième ne commence à présenter d'intérêt qu'au moment où le rapporteur analyse les comptes du trésor public. La troisième énumère les charges et les ressources de l'avenir.

On trouvera dans l'Appendice une analyse plus détaillée de ce travail.

Montesquiou termina son rapport en présentant diverses considérations générales et en réfutant ceux qui prétendaient que les opérations de l'assemblée nationale avaient augmenté le déficit. Cette accusation, jointe à l'imputation d'avoir consommé les capitaux de l'État, formait en effet le principal grief, articulé par les royalistes, contre l'assemblée nationale. Bergasse la développa longuement dans une brochure publiée à l'occasion du rapport de Montesquiou. Comme son principal argument consiste dans une évaluation plus forte de la dette et une évaluation plus faible des ressources, et que toutes ces évaluations étaient complétement incertaines, nous n'avons pas à nous y arrêter.

Nous terminons cette partie par le tableau suivant, que le Moniteur place à la suite du rapport de Montesquiou. Nous rappellerons, à cette occasion, que d'après un recensement fait en juin 1791, le nombre des citoyens actifs de Paris était de 77,371, qui avaient à nommer 779 électeurs.

Noms

des régions.

1. Nord... 11

72 621 3,169

3. Est.

4. Sud-E..

9

54 476 2,993

9 48

744,917 4,738,691 85,089,000 158,111,407 73,022,407 2. N.-Est. 9 63 592 2,822 445,132 2,670,160 27,305,400 49,422,412 24,117,012 9 53 575 2,964 485,447 3,097.233 30,604,700 55,634,410 25,029,710 389,150 2,344,787 16,016,700 29,520,565 13,503,865 382,133 2,4C0,425 25,713,200 46,532,765 20,819,565 479,057 2,947,306 24,976,304 45,196,334 20,220,035 457,719 2,927,121 28,872,400 52,754,273 23,881,873 504,948 3,518,200 36,215,800 67,962,251 31,746,451) 509,857 2,546,100 25,206,300 47,012,969 21,806,469

5. Sud.... 6. S.-Ouest 7. Ouest... 8. Nord-O.

666616666

411 2,813

9 58 436
9 61 475

3,320 2,956 9 71 615 2,859 9. Centre. 9 64 457 3,107

• TOTAL. 83 544 4658 27,003 4,298,360 27,190,023 300,000,000 552,147,386 252,147,386|

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