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Vignand Lib.

8-3-27.

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Création du Panthéon.

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Jugements de la

presse. Histoire des relations de Mirabeau avec la cour.

A l'époque où nous sommes parvenus, les constitutionnels croyaient déjà apercevoir le moment où la révolution serait achevée et consolidée; ils croyaient presque y toucher. La nouvelle administration était établie et se montrait généralement dévouée au rétablissement de l'ordre. Un nouveau clergé, plein de zèle pour la révolution, venait de remplacer l'ancien, dont on craignait l'esprit aristocratique. Les tribunaux étaient organisés. Le système constitutionnel était en un mot réalisé, il ne restait plus qu'à achever la nouvelle législation et à ramener les habitudes d'ordre et de calme que deux années d'incertitudes et d'agitation avaient troublées; c'est à quoi l'assemblée et les nouvelles autorités travaillaient activement.

Les espérances des constitutionnels n'étaient pas dénuées de tout fondement. Les émeutes, quoique fréquentes encore, l'étaient moins qu'auparavant; elles étaient surtout moins fortes, moins durables et plus faciles à dissiper. Nous verrons même, dans la suite

TOME V.

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de ce volume, que le travail tendait à reprendre cette activité qui est le signe le plus évident de la sécurité des esprits et de la confiance dans l'avenir.

Cet état des choses paraissait aussi éminemment favorable aux projets que la cour avait conçus. Il lui rendait la liberté d'action et servait admirablement ses plans, soit qu'elle consentît à suivre celui de Mirabeau, soit qu'elle persistât dans celui qu'elle avait formé avec Bouillé. Ce fut dans ces circonstances que survint la mort de Mirabeau.

C'était pour la cour surtout que cet événement était regrettable, et il a été généralement considéré comme un malheur irréparable pour elle. Les faits cependant ne semblent pas confirmer cette opinion. Une tentative du genre de celle qu'il méditait, devait inévitablement amener une réaction révolutionnaire terrible, une réaction pareille à celle qui suivit le voyage de Varennes, et, pour la cour, il eût mieux valu que le projet de ce tribun hardi eût été enseveli avec lui dans le tombeau. Quoi qu'il en soit, elle ne fut pas seule frappée de cette perte. Malgré les bruits qui avaient couru, on voyait encore en Mirabeau un des plus fermes soutiens de la révolution. Sa mort fut un deuil public. Il est peu d'hommes dont la perte ait été accompagnée de tels et de si universels regrets.

SEANCE DU 2 AVRIL. - M. le président. J'ai en ce moment une fonction bien douloureuse à remplir... (Un murmure sourd se répand successivement dans toutes les parties de la salle; on entend ces mots, plusieurs fois répétés : Ah! il est mort.) Je dois vous annoncer la perte prématurée que vous venez de faire de M. Mirabeau l'aîné;... il est mort ce matin à huit heures et demie. Je ne vous rappellerai pas les applaudissements que vous avez donnés si fréquemment à ses talents; il a des titres bien plus grands à nos regrets et aux larmes que nous versons sur sa tombe. (Un morne silence règne dans toute l'assemblée.)

M. Barrère. Mirabeau est mort. Les grands services qu'il a rendus à sa patrie et à l'humanité sont connus. Les regrets publics éclatent de toutes parts; l'assemblée nationale ne témoignera-t-elle pas aussi les siens d'une manière solennelle? Ce n'est pas sur les bords de la tombe qui vient de s'ouvrir que je réclamerai de vaines distinctions; c'est à l'opinion publique, c'est à la postérité à lui assigner la place honorable qu'il a méritée, c'est à ses collègues à consigner leurs justes regrets dans le monument authentique de leurs travaux. Je demande que l'assemblée dépose dans le procèsverbal de ce jour funèbre le témoignage des regrets qu'elle donne à

la perte de ce grand homme, et qu'il soit fait, au nom de la patrie, une invitation à tous les membres de l'assemblée d'assister à ses funérailles. (Ce discours est prononcé d'une voix altérée. Des députés en grand nombre mêlent leurs larmes à celles que répand l'orateur.)

M. La Rochefoucauld-Liancourt. J'appuie la motion de M. Barrère par une considération qui sera, j'en suis sûr, d'un grand poids pour l'assemblée. Rappelez-vous qu'une des dernières fois que le collègue que nous regrettons en ce moment est monté à la tribune, il a pris l'engagement solennel de combattre les factieux de quelque côté qu'ils soient. Cet engagement, que ses grands talents lui donnaient le moyen de remplir avec succès, lui a valu des applaudissements répétés ; il est un titre de plus, un titre bien précieux à vos regrets. Cet engagement a retenti dans les cœurs de tous les bons citoyens; il est l'engagement particulier, il est le devoir nécessaire de tous ceux qui sont disposés à tout sacrifier pour faire triompher l'intérêt public et le bien de l'État. Je demande qu'on aille aux voix.

Un ecclésiastique du côté droit. Je demande que l'assemblée fasse imprimer le travail de M. Mirabeau sur les successions.

M. Beaumetz. Hier, au milieu des souffrances, il a fait appeler M. l'évêque d'Autun, et en lui remettant ce travail, il lui a demandé, comme une dernière marque d'amitié, qu'il voulût bien le lire à l'assemblée. Je ne doute pas que M. l'évêque d'Autun ne s'empresse de remplir ce devoir sacré; et je ne crois pas que personne puisse lui refuser d'exercer ici les fonctions d'exécuteur testamentaire du grand homme que nous pleurons tous.

M. le président. On a fait la motion d'envoyer une députation aux funérailles de M. Mirabeau. (Un très-grand nombre de voix : Nous irons tous, tous.) En ce cas, lorsque je saurai l'heure, je prendrai les ordres de l'assemblée; je vais maintenant mettre aux voix les autres motions qui ont été faites.

L'assemblée décide à l'unanimité que ses regrets seront exprimés dans le procès-verbal; que M. l'ancien évêque d'Autun (l'assemblée a été pendant quelques minutes inactive et agitée) sera invité à faire lecture de l'ouvrage de M. Riquetti et que cet ouvrage sera imprimé.

SÉANCE DU 3 AVRIL. M. le président. Une députation de la section de la Grange-Batelière demande à être admise à la barre, pour présenter une pétition relative aux honneurs funèbres à accorder à M. Mirabeau.

L'assemblée décide que la députation sera admise : la députation est introduite.

L'orateur de la députation. Les vrais citoyens doivent être consternés de la perte que vient de faire la nation, dans la personne de M. Mirabeau. D'après l'adhésion des sections de la capitale, nous venons vous prier de déterminer un temps pour le deuil de ce grand homme, et de décider que son corps sera déposé au champ de la fédération où l'on prononcera son oraison funèbre. Il faut prouver que les honneurs rendus jusqu'à ce moment aux rois appartiennent aussi aux hommes qui font le bonheur et la gloire de leur pays. (On applaudit.)

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M. le président. L'assemblée a déjà manifesté combien elle est sensible à la perte de M. Mirabeau, recommandable par un civisme égal à ses talents. Ce n'est point à ceux qui ont travaillé avec lui à établir la liberté, qu'il est nécessaire de rappeler ses services : l'assemblée va délibérer.

La députation se retire.

M. Goupil. Les Anglais déposèrent le corps de Newton dans le tombeau des rois quatre membres de la chambre haute, puisqu'il y des chambres hautes dans ce pays, assistèrent à ses funérailles. Voilà de grands exemples qu'il faut imiter en suivant les règles que prescrivent les mœurs et les convenances religieuses.

M. le président. On m'annonce que le département de Paris demande à vous présenter une pétition qui pourrait influer sur votre délibération.

L'assemblée décide que la délibération sera suspendue.

La députation du département de Paris est admise à la barre. M. La Rochefoucauld, président, porte la parole. L'administration du département de Paris a compté pendant quelques jours M. Mirabeau parmi ses membres. Revêtus de deuil, nous venons aujourd'hui émettre devant vous notre vœu pour que l'ère de la liberté soit l'époque d'un honneur rendu à celui qui a bien mérité de la patrie. Nous allons vous faire lecture de l'arrêté que nous avons pris.

Extrait des registres du directoire de département.

M. le procureur général syndic a dit : « Messieurs, huit jours sont à peine écoulés depuis qu'assis au milieu de vous, Mirabeau y présentait avec son éloquente énergie les moyens de régénérer la tranquillité publique, et déjà Mirabeau n'est plus. Quand la mort frappa cet Américain illustre, dont le nom rappelle à la fois tout

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