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nière, il reçut le miên très-affirmativement. Voilà de ces choses que l'on voit sans pouvoir les croire, et qu'il faut se détacher de vouloir faire croire à ceux qui n'auront pas été témoins de ces faits,

Le lundi 20 du courant je fus à la première représentation de Varon, tragédie de M. le Marquis de Grave: elle me parut assez réussir, et le mériter assez peu.

Le plan en est neuf cependant, et assez bien imaginé; en général même, la pièce est conduité assez sensément. Les acteurs se disent assez ce qu'ils se doivent dire, quoique d'une façon trèscommune et en fort mauvais vers. Il y a eu du mérite ou de la difficulté à faire une pièce implexe avec trois personnages seulement; il est vrai, en récompense, que l'exposition en est louche, obscure, ne met au fait de rien.

J'avoue que les expositions de pièces implexes sont bien difficiles, en ce qu'il faut cacher avec soin ce dénouement aux spectateurs; aussi l'auteur a-t-il coupé court à cet inconvénient, en donnant une exposition qui est le plus fier logogriphe qu'il soit possible de présenter; mais les plus grands défauts sont que toutes les situations de cette pièce, qui devroient être belles, ne sont point traitées et sont manquées ; qu'il n'y a nulle chaleur et nul intérêt ; le seul qu'on puisse y trouver, est un intérêt de curiosité; on veut savoir comment cela finira ; aussi quand on reverra cette

tragédie, si tant est qu'on en ait le courage, on s'y ennuiera mortellement; parce qu'étant au fait du dénouement, on n'y trouvera que des scenes ratées et qui auroient du être pathétiques, et le froid le fera d'autant mieux sentir, (je veux dire, le froid qui naît du manque total d'intérêt), que les détails ne rachètent point le vice énorme du fonds, que les vers en sont détestables, et qu'on n'écrit pas plus mal et plus foiblement que cette pièce est écrite,

Une chose qui m'a frappé à la représentation de cette tragédie, c'est que le plan de cette pièce m'a paru être de la main d'un poëte, et l'exécution de ce plan, de la main d'un homme qui a du sens, mais qui n'a ni génie, ni talent, et trèsmédiocrement d'esprit. En sorte que je croirois presque (et c'est une idée qui n'est venue qu'à moi) que le plan de cette tragédie a été donné à M. le Marquis de Grave, et qu'il en a fait seulement les vers, qui sont des vers de qualité ; ceci n'est purement qu'une conjecture, et qui ne pose sur rien que sur l'idée que j'ai eue. Mais en supposant que M. de Grave soit entièrement l'auteur de cette pièce, elle ne peut pas lui faire déshonneur, quoique très-foible. Malgré son succès prétendu, cette tragédie ne sera jamais remise au théâtre après sa nouveauté. C'est une drogue qui ne peut avoir qu'une réussite momentanée; elle ne devoit pas même l'avoir : elle a pourtant eu seize représentations.

Le jeudi 23, je partis pour Estioles, pour y jouer mon Opéra-comique, que nous avons effectivement représenté le 27 et le 29 du courant, précédé du Prologue de l'Espérance, et suivi d'Ar cagambis.

Comme madame Duperron est grosse, et que Manisson, son beau-père, a eu une attaque d'apo plexie, elle n'a pu tenir la parole qu'elle avoit donnée de jouer le rôle de Catherine; ; et ses enfans, dont nous avions besoin dans le Prologue de l'Espérance, n'ont pu conséquemment prendre les rôles qui leur étoient destinés; il a donc fallu me retourner, et voici comme j'en suis venu à bout.

J'ai rejeté, dans les rôles des enfans de M. Meulan, les rôles du petit et de la petite Duperron. J'ai fait remplacer, par une fille de charge de la maison le rôle d'Arcagambis, qu'on avoit donné au petit Duperron.

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Et dans l'Opéra-comique, mademoiselle Rémond, femme-de-chambre de madame de Meulan, a joué le rôle de Catherine; M. de la Galaizière a joué le rôle de S. Albon; M. de Petitval celui de Richard; M. Terré celui de Varambon; et moi, j'ai fait celui de Poitevin, le rôle de Pierrot ayant été rempli par M. de Romgoll.

A quelques égards, le Rossignol a été aussi bien joué qu'à Berny; il y a eu même des rôles mieux rendus. Par exemple, celui de Varambon et celui de S. Albon, en observant cependant pour ce der

nier, que si M. de la Galaizière l'a mieux joué que M. de Montazet, M. de Montazet le chante mieux que M. de la Galaizière; il a une voix admirable et est bon musicien: à tout prendre, au reste, je donnerois la préférence aux acteurs de Berny; c'est beaucoup, au reste, de les avoir balancés.

Le Prologue de l'Espérance, a beaucoup réussi vis-à-vis des père et mère; c'est tout ce que je prétendois. Je ne voulois pas autre chose; c'étoit une marque d'amitié que je voulois leur donner, et non pas une pièce, en composant cette misère.

Pendant les dix jours que je suis resté à Estioles, j'ai trouvé le temps de changer, dans ma comédie de la Vérité dans le Vin, le rôle de l'Abbé en celui d'un Chevalier de Malte.

Moyennant ce changement, je crois qu'elle pourra bien être jouée à Berny, du moins Son Altesse m'a-t-elle témoigné en avoir envie, et c'est pour cela que j'ai travaillé.

FIN.

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