Cependant, plusieurs écrivains ont entrepris la défense des nominations aux bénéfices accordées au roi par le concordat; quelques auteurs, parmi eux, ont réduit ce droit à un simple patronage, tel que le roi l'exerce pour d'autres bénéfices dont il a toujours eu la nomination. Un patron laïc qui présente à des bénéfices, disent-ils, n'usurpe point l'autorité spirituelle: l'évêque donne seul l'institution ecclésiastique, comme pape la donne sur le brevet et la nomination des rois pour les évêchés et les abbayes. le D'autres ajoutent que le roi nomme non seulement à ces bénéfices comme patron, mais encore comme magistrat politique, protecteur de l'Eglise et fondateur. Il est, disent-ils, de l'intérêt du clergé que les évêques soient agréables au roi, afin d'être appuyés de sa protection; leur nomination intéresse l'Etat, où les prélats tiennent un rang considérable; ils sont ducs, comtes, seigneurs hauts-justiciers, feudataires, et quelques-uns pairs du royaume : ainsi, le souverain doit s'assurer de leur fidélité et de leur capacité. Mais l'élection exclut-elle ou affaiblit-elle les devoirs des prélats envers le souverain? leurs vertus et leurs talens élevaient beaucoup au-dessus de leur naissance, il n'opposa pas la même digue à l'ambition de la noblesse. François Ier demandait un jour au président de Selve, s'il connaissait les dispositions de ceux qu'il avait nommés aux bénéfices : J'en sais une, répondit ce magistrat, ils regardent la qualité d'évêque comme la plus éminente, et celle d'abbé comme la plus commode. (Edit.) Le concordat exige que le roi nomme aux évêchés un ecclésiastique qui soit au moins dans sa vingt-septième année, qui ait le degré de docteur ou de licencié en théologie, ou en droit canon ou civil, dans ane université célèbre, et qui soit idoine, On n'exige point toutes ces qualités des princes parens du roi; on dispense aussi quelquefois du degré de docteur ou de licencié les personnes dont la naissance approche de celle des princes du sang; mais le brevet denomination doit en exprimer les raisons. On accorde aussi la même grâce aux religieux mendians et d'un ordre réformé, auxquels leurs constitutions défendent de recevoir des grades dans les universités; mais on demande qu'ils aient une science éminente. Cette dispense des grades n'empêche point de faire une enquête juridique sur les mœurs et les autres qualités du religieux nommé à un évêché : cette information de mœurs lui est commune avec les autres sujets que le roi nomme à ces prélatures. On commence par leur faire prononcer, signer et jurer la profession de foi qu'on attribue au concile de Trente; ensuite, si le sujet n'est point dispensé de la qualité de gradué, il prouve, par un acte en bonne forme, qu'il a l'âge requis, qu'il est docteur ou licencié, etc. On prouve par des témoins dignes de foi, qui sont ordinairement des évêques, que ses mœurs sont bonnes, et qu'il a l'expérience, la prudence, la science, la capacité et l'idonéité requises : les témoins exposent les preuves de leurs témoignages. Selon les usages de France, l'enquête des mœurs vrai et des autres qualités d'un sujet nommé à un évêché se faisait autrefois devant son évêque diocésain; on a observé cette pratique jusqu'à Innocent XII. Il est que les papes avaient souvent fait des tentatives pour obliger à faire ces enquêtes devant les nonces; mais l'ordonnance de Blois enjoignit de faire ces informations devant les archevêques ou évêques des lieux où les ecclésiastiques nommés auraient résidé les cinq dernières années qui auraient précédé leur nomination. Les nonces ayant fait des entreprises contraires à cette loi, la France s'y est d'abord opposée (1); mais la cour de Rome, profitant du peu de fermeté du clergé, obtint premièrement que ces enquêtes seraient faites indifféremment devant le nonce ou les évêques; et au commencement du pontificat d'Innocent XII, le roi consentit qu'elles fussent faites devant le seul nonce,. qui n'a aucune juridiction dans le royaume. Les nonces, de leur autorité, ont imposé une taxe pour ces informations: cette taxe d'abord était de 100 liv.; elle est aujourd'hui de 200 et plus : quoiqu'elle soit onéreuse et contraire aux ordonnances, les prélats nommés aiment mieux la payer que de se brouiller avec la cour de Rome (2). (1) Voyez un Mémoire de M. Dupuy, sur cette matière, imprimé en 1652, à la fin de son Commentaire sur le Traité des libertés de l'Eglise gallicane. (2) Il résulte des faits exposés ci-dessus, que la pragmatique est non seulement une loi de l'Eglise, puisqu'elle n'est que le précis des canons du concile de Bâle, mais encore une loi de l'Etat, puisqu'elle a été faite et publiée dans une assemblée nationale, et que loin d'avoir été abrogée par une loi contraire, son exécution a été réclamée, plus de quarante-quatre ans après le concordat, par les Etats-généraux assemblés à Orléans en 1560. Le concordat, au contraire, loin d'être une loi de l'Etat, est déclaré opposé aux conciles de l'Eglise universelle et aux libertés de l'Eglise gallicane, par un arrêt du Parlement (Lib. de l'Egl. gall., c. 2a); et cet arrêt n'a été donné que depuis un édit de Charles IX, rendu sur les remontrances de cette Cour, et conforme d'ailleurs au vou du clergé de France, qui n'a jamais reçu le concordat comme loi. Dans l'assemblée de 1635, les promoteurs représentèrent que dans le Recueil des affaires du clergé, on avait inséré le concordat, ce qui pouvait impliquer une approbation tacite du clergé, quoiqu'il eat toujours fait difficulté d'en admettre les dispositions. Ils requirent en conséquence qu'il plût à l'assemblée de pourvoir à cet inconvénient : voici la réponse de l'assemblée : 11 a été déclaré et protesté que ledit concordat n'est mis dans les liores du clergé que pour la commodité des ecclésiastiques qui peuvent en avoir besoin, et non pour une plus grande approbation. NOTICE SUR L'ÉTAT DES JUIFS EN FRANCE, DEPUIS L'ORIGINE DE LA MONARCHIE, JUSQU'AU SIÈCLE Saint Justin, dans son Dialogue avec Triphon, nous apprend que les Juifs choisirent, par une commune délibération, des personnes qu'ils envoyèrent par toute la terre, et et par le moyen desquelles ils publièrent les plus atroces calomnies contre les chrétiens et contre leur auteur. On ne sait pas au juste à quelle époque ces émissaires pénétrèrent dans les Gaules; mais il est certain qu'il y en avait sous Marc-Aurèle, car Bardesane, qui écrivait dans la Mésopotamie en l'an 170, dit positivement, dans son livre contre le Destin, que les Juifs pratiquent la circoncision, que Moïse leur a commandée, en quelques lieux qu'ils demeurent, soit en Syrie, soit dans la Gaule, en Italie, en Grèce ou parmi les Parthes. Quoi qu'il en soit, ils étaient encore peu nombreux à cette époque; et selon toutes les apparences, il n'y en avait point à Lyon, car on ne voit pas qu'ils aient pris part à la cruelle persécution de l'an 177, tandis qu'ils étaient, pour l'ordi |