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» donnée au moment où l'un des adversaires tire, » puisqu'un pistolet est chargé et que l'autre ne l'est » pas ?>

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Remarquez, me dit un honorable président,

qu'à ce duel la chance, la seule chance est d'avoir » ou de n'avoir pas l'arme chargée. Or, tirer avant » ou après le signal, peu importe. On ne tuera pas avec le pistolet sans poudre, et l'on tuera avec l'autre. Ce n'est donc pas un assassinat de tirer trop » tôt.

« Tu n'as pas le sens commun dans l'art. 10, me » dit un ami. Il est bien égal de tirer plus tôt ou plus » tard, puisque d'avance le sort a décidé lequel des » deux combattans serait tué ou blessé. »

L'importance de tirer simultanément, la voici: lorsqu'un homme se bat avec une arme chargée, il peut calculer ainsi : Je tirerai le premier, se dit-il; si je tue mon adversaire, j'en serai débarrassé tout d'abord. Si j'ai eu le mauvais choix des armes, ma vie sera en sa puissance, et comme c'est un homme courageux et généreux en même temps, j'aurai une grande chance dans sa générosité. En effet, celui

qui vient d'acquérir la certitude que sa vie est hors de danger, éprouve à son insu un bien-être qui le porte à tous les mouvemens de générosité; et puis tirer sur un homme maintenant sans défense aucune, un homme qui ne peut plus lui faire de mal, à qui il peut donner la vie, accorder une grâce, un pardon, tout cela est entraînant; il tire en l'air, ou remet son arme aux témoins. Il a fait une bonne action, il le croit du moins, il s'en va le cœur content. Son offense est bien effacée s'il a reçu l'offense; effacée s'il l'a faite, car il rendu raison, et on ne lui doit plus que de la reconnaissance. Il se dit tout cela et s'applaudit. Et moi je dis qu'il a laissé un félon sur la terre, un drôle qu'il faut punir sévèrement, qu'il faut flétrir, car il a eu pour lui toutes les chances d'un combat qui devait être égal. Cet homme eût commis un assassinat, je le répète. Et c'est pour cela même que ces mots qui paraissent irréfléchis (peut en toute conscience lui brûler la cervelle) ont été mis comme une digue à la trahison. Les témoins verront donc bien qu'il faut poursuivre celui qui, faisant un calcul si bas, tue parce qu'il a eu la chance de l'arme chargée : car il ne peut plus obtenir sa grâce, celui qui la lui eût généreusement faite n'étant plus.

DISSERTATION

ET

ANCIENNES LOIS

SUR LES DUELS.

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