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Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers, les gens tenant notre cour de parlement, que ces présentes ils fassent lire, publier et registrer, et le contenu en icelles garder et observer inviolablement, sans y contrevenir ni permettre qu'il y soit contrevenu; car tel est notre plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes.

Donné à Saint-Germain-en-Laye, au mois d'août, l'an de grâce 1679, et de notre règne le 37o.

Et plus bas :

Signé LOUIS.

Par le Roi,

COLBERT.

Visa, LETELLIER, pour servir à l'édit concernant les duels.

Et scellé du grand sceau de cire verte, sur lacs de soie rouge et verte.

Registrées, ouï, et ce requérant, le procureur-général du Roi, pour être exécutées suivant leur forme et teneur.

A Paris, en Parlement, le premier septembre mil six cent soixante-dix-neuf.

Signé DONGOIS..

Sire, s'écriaient les prélats présidés par le cardinal Mazarin, dans leurs remontrances au roi, Votre Majesté est le seul dispensateur de la gloire; c'est pourquoi, Sire, si Votre Majesté veut efficacement réformer un désordre qui affaiblit son État; si elle veut ménager le sang de ses plus nobles sujets pour s'en servir dans les armées; si elle veut détourner la colère de Dieu, à qui le sang répandu par le meurtre demande continuellement vengeance; il faut qu'elle déclare ses sentimens par des marques d'infamie sur les coupables; il faut que ses discours particuliers s'accordent avec ses édits; il faut qu'elle parle dans le cabinet comme dans les tribunaux de la justice, et qu'étant persuadée qu'il y a de la lâcheté dans les duels, elle imprime une opinion si juste dans l'esprit de sa noblesse.»

En effet, le noble cœur du roi ne pouvait s'accorder avec ses ordonnances; il eût souffert avec mé

pris, par respect pour ses lois, et peut-être même chassé de sa cour, le lâche marqué du sceau de l'infamie; il eût dit au courtisan, comme le maréchal de*** (1) disait àM.*** qui avait reçsu un soufflet sans en tirer vengeance : « Allez vous laver, monsieur. » Et ce gentilhomme resta entaché jusqu à ce qu'il eût trouvé l'occasion de se faire tuer, ce qu'il fit trop tard pour son honneur. Enfin, ces peines terribles, ces déplorables édits, ces infamantes représailles, pliaient devant l'infamie d'un refus de combattre, et rendaient ces lois inutiles et cruelles en même temps: l'esprit du siècle le voulait ainsi.

Une plaisanterie philosophique de Molière les frappa encore d'un nouvel anathème; elles tombèrent en désuétude, et les duels en devinrent moins fréquens :

LE SICILIEN, Scène XIII.

Un personnage arrive et lui dit :

Seigneur, j'ai reçu un soufflet; vous savez ce

(1) Il était lui-même l'un des juges du point d'honneur, l'un des signataires sévères du Réglement contre les duels.

» qu'est un soufflet lorsqu'il se donne à main ou» verte sur le beau milieu de la joue. J'ai ce soufflet » fort sur le cœur, et je suis dans l'incertitude si, » pour me venger de l'affront, je dois me battre avec mon homme, ou bien le faire assassiner.

)

-Assassiner, c'est le plus sûr et le plus court chemin, reprend le Sicilien; quel est votre en» nemi ?

> - Parlons bas, s'il vous plaît, etc. »>

Au jour où nous sommes, je lis dans les journaux qu'aux États-Unis il vient d'être présenté un projet de loi contre les duels, dont voici les principales dispositions :

«En cas de mort dans un duel, les créanciers du défunt auront sur le survivant la même action qu'ils avaient sur leur débiteur, puisque c'est par le fait du survivant qu'ils sont privés

du gage de leur créance; il sera également obligé de pourvoir aux besoins de la famille du défunt.

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Si l'un des deux adversaires a été blessé ou estropié de telle sorte qu'il ne puisse plus pourvoir à ses besoins et à ceux de sa famille, le plus âgé des enfans, ou autre parent du blessé, ouvrira contre l'auteur de la blessure une action en dommages et intérêts. Si le plus âgé des enfans ou autre parent laisse passer une année sans exercer son droit, le second plus âgé aura une seconde année pour le faire, et le même droit passera successivement à tous les parens.

» Dans le cas où, par suite de blessures ou amputation après un duel, l'un des combattans ne sera plus en état de payer ses dettes, elles tomberont, comme en cas de mort, à la charge de celui par le fait duquel le malheur sera arrivé.

» L'assertion du mourant sera un témoignage suffisant et légal, quant au chiffre, de la nature de ses dettes. Le témoignage de son second suffira pour rendre cette assertion légale, même si ce second avait perdu le droit de témoigner dans toute autre affaire de nature différente.

De tous les projets qui ont été faits sur cette matière, celui-ci, loin d'atteindre le but qu'on se propose (la répression), ne me paraît propre qu'à compromettre la vie et la fortune des gens d'honneur,

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