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et à les mettre à la merci des intrigans et des

fripons.

Les assurances sur la vie, qui sont maintenant si fort en vogue, ne paient pas aux héritiers de l'assuré la somme convenue, si ce dernier a été tué, soit par un accident qu'il aurait provoqué par sa témérité, soit en duel, soit par le fait d'un suicide; et, dans ce dernier cas, plusieurs ont essayé de donner à leur mort volontaire les apparences d'un accident, pour que leurs familles pussent profiter des bénéfices de l'assurance. Aujourd'hui, à quoi bon? Il suffira d'offenser un homme riche et de se faire tuer, ce qui est plus commode.

Ainsi donc, un homme sans délicatesse, mais désespéré, qui verra sa famille dans la détresse, qui sera tourmenté par les poursuites incessantes de ses créanciers, qui voudra mourir, se gardera bien de follement dépenser sa vie par un suicide, car elle vaut de l'argent maintenant : il ira souffleter un richard qui le blessera et paiera ses créanciers, ou le tuera et de plus enrichira sa famille.

La loi américaine ne peut-elle pas faire surgir un vol d'un nouveau genre? De malhonnêtes gens, des chevaliers d'industrie, ne pourront-ils pas tirer au sort

à qui se dévouera pour porter un défi à l'homme ric he? Le fripon désigné ne pourra-t-il pas faire d'immenses dettes fictives, qu'en cas de blessure il déclarera, qu'en cas de mort ses témoins et complices déclareront, dont ils profiteront, dont ils justifieront par des titres que la loi validera, et faire ainsi, que l'homme d'honneur, victime de cette friponnerie, soit ruiné. Cette loi ordonnera-t-elle aux riches de se laisser cracher au visage?

Les créanciers d'un débiteur insolvable ne pourront-ils pas, par de méchans propos, amener entre lui et l'homme solvable une lutte qui leur donne chance de remboursement?

Ce droit de poursuites successives des parens du tué, n'est-ce pas l'épée de Damoclès suspendue sur la tête du vainqueur, et une cause nécessaire de son émigration?

Si le témoignage d'un mourant peut suffire pour établir ses dettes, la vengeance ne pourra-t-elle pas engager ce mourant à déclarer devoir une somme immense , pour ruiner celui qui lui arrachera la

vie?

Si le témoignage d'un second peut suffire pour établir les dettes du mort, ce second, homme im

probe, ne pourra-t-il pas profiter de cette circonstance pour en établir de fictives au profit d'un tiers avec qui il se serait par avance entendu à tout événement, et déclarer que telles ont été les dernières paroles et volontés du mort? Ainsi, le défunt, honnête homme, se trouverait déshonoré par le fait, et le fait sanctionné par la loi.

Sous l'empire d'une telle législation, des usuriers prêteraient cinquante mille écus, avec primes, sur un soufflet à donner.

Mais, sans parler de ces monstruosités, naissant hideuses et avilies, au milieu de ce siècle où tout se rapporte à l'argent, où les sentimens exquis d'honneur, de bravoure, d'affections tendres, semblent s'oublier, s'effacer à l'aspect de l'argent, il est un danger plus grand encore, auquel cette loi américaine donnerait l'essor.

Un homme sans foi, sous l'apparence d'un honnête homme, viendra dire à l'oreille de son adversaire : « Je suis criblé de dettes; l'honneur m'engage à ne pas vous les faire supporter : battons-nous sans témoins.

l'assassinera.

L'autre le remerciera; le premier

Un homme honorable viendra-t-il dire la même

chose, peut-être sera-t-il tué hors des règles de l'honneur, ou assassiné.

Enfin, ces lois engageront des rencontres sans témoins; ces duels sans témoins seront d'horribles duels car en supposant même l'observation du plus rigide point d'honneur, il faut abandonner le blessé, le laisser mourir, ou, si vous le sauvez, retomber sous le couteau de cette loi qui vous ruine pour avoir été brave, généreux et humain.

C'est une digue trop faible que celle des intérêts matériels, mise en opposition avec ceux de son estime propre et de son honneur. Les lois anglaises, qui punissent de mort celui qui tue son adversaire, ne peuvent empêcher les braves Anglais de vider leurs querelles par le duel. L'Allemagne, la Russie, ont aussi leurs lois répressives, et n'obtiennent pas de meilleurs résultats (1). Nous n'en devons pas

(1) Le major Frazer, qui si souvent a été choisi pour témoin, si souvent a été acteur dans ces drames sanglans, me diait qu'en Allemagne un officier qui se bat est quelquefois chassé de son régiment, et, s'il ne se bat pas, chassé plus ignominieusement encore par ses camarades; qu'en Russie, le duel est puni d'un séjour dans une forteresse ou dans un cachot: mais que l'application de la loi, plus sévère que ces peines, est, comme

moins reconnaissance et respect aux législateurs qui font leurs efforts pour le bien-être et la conservation des hommes; et si ces efforts sont vains, c'est que la première loi, celle qui soumet toutes les autres à son empire, est la loi du cœur.

Ainsi donc, en compulsant les lois de toutes les nations, en voyant leurs résultats déplorables et le peu de frein qu'elles apportent, chacun ne peut-il avoir cette conviction, qu'il est impossible d'empêcher le duel; mais que le rendre équitable, qu'en régler non seulement les chances, mais encore le droit, le droit, j'appuie sur ce mot, c'est prévenir non seulement les résultats funestes de pareilles rencontres, mais c'est les diminuer, c'est donner aux faibles la part des avantages qu'ils perdent par le choix de témoins qui ne savent pas imposer leur volonté, c'est rendre cette volonté nulle devant ce droit, c'est rendre le duel moins nécessaire, moins fréquent, moins dangereux.

dans tout autre pays, tombée en désuétude; qu'en général ces poursuites, si elles sont faites, ne le sont que contre celui qui, réellement ayant tort, aurait, sans raison, envoyé un cartel ou provoqué une rencontre par une injuste et impardonnable insulte.

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