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Quel est celui d'entre nous qui n'ait entendu raconter l'histoire de duels où l'assassinat est resté sans vengeance? Qui n'en a vu d'affreux par leurs formes? Quel est l'homme d'honneur qui ne voudrait mettre un terme à ces déplorables résultats, qui ne s'empressera de me donner ses conseils, et de venir tendre une main amie à celui dont la faible voix ne pourrait être entendue sans un généreux concours? Vous tous qui avez du cœur, reculerez-vous devant une œuvre que vous avouez bonne et philantropique? Ne serait-il pas encore méritoire d'avoir donné l'essor à une idée conservatrice, quand même vous échoueriez devant une volonté plus forte? Ce n'est pas l'apologie du duel que vous entreprenez de faire, quand vous viendrez dire que l'expression du regret d'avoir fait une offense est d'une énergie plus noble peut-être que celle que l'on porte au combat; quand vous viendrez joindre vos efforts aux miens pour éviter des résultats funestes; quand vous viendrez proclamer que le plus bel apanage du vrai courage est la générosité.

Et vous, critiques irréfléchis, voyez mon intention et non le livre; attachez-vous à la pensée et non aux formes. Vous viendrez me demander, sans.

doute, de quel droit nous érigeant en censeurs, nous venons régler vos volontés. Pouvons-nous donc rien imposer? Pouvons-nous vous empêcher de la suivre, cette volonté que vous revendiquez? Est-ce que ceux qui prendront pour règle les conseils qui partent de notre profonde conviction et de notre conscience ont rien qui les y force?

Répondez à votre tour, mais ne tentez pas de m'arrêter dans le chemin d'une action que je crois bonne, noble et généreuse. Venez à mon aide, tous les braves de ma patrie; à mon aide, vous tous qui m'avez dit : Osez !

Rappelez-vous les fautes absurdes que vous avez vu faire aux témoins (1); les querelles mal rapatriées où les antagonistes restent mécontens d'euxmêmes et des autres; les divergences d'opinions parmi les seconds; les demandes injustes, les querelles qu'elles suscitent; les exigences difficiles à combattre, les propositions inadmissibles et souvent ridicules, et permettez-moi de vous citer quelques exemples:

(1) « Ce ne sont ni les balles ni les épées qui tuent, ce sont les >>> témoins. >> (Opinion rationnelle d'un maitre d'armes.)

D

Vous m'avez insulté dans ce que j'ai de plus

cher, disait un homme à un autre ; je viens moi» même vous en demander raison.

- Je suis à vos ordres, quels que soient vos » motifs.

- A merveille; mais j'ai le choix des armes.
Vous avez le choix des armes.

»- J'ai le choix des distances.

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Vous pouvez prendre vos distances.

Et comme je suis l'insulté, je dois tirer le , premier.

- Tuez-moi donc de suite, reprit l'autre, ou > remettons à nos témoins le soin de régler cette affaire.

D

Privé du libre usage d'une jambe par suite d'une blessure, ne pouvant se fendre, M. *** reçoit une insulte aussi grave qu'inattendue. Il avait le choix des armes; il fait un mauvais choix de témoins; ceux de l'adversaire imposent leur volonté. Forcé de se battre à l'épée, victime facile à abattre, il trouve la mort au lieu de la vengeance.

M. B., gravement insulté, pouvait choisir ses armes. L'adversaire demande l'épée, puis ensuite veut le pistolet, puis le sabre, puis de la convention du sabre sans pointe. Les droits de B. sont méconnus : tout est accepté.

M. de C., dans un duel au signal, accepté sans son consentement, tire au troisième coup frappé, comme l'honneur lui en faisait une loi, et son adversaire reste à le viser long-temps, et jusqu'à ce que M. de C. se soit tourné vers ses témoins en leur disant : « J'ai » sans doute tiré au second coup, Messieurs. » Seulement alors les témoins se précipitent et arrêtent l'adversaire, qui n'avait pas tiré parce qu'il avait oublié d'armer, et seulement à cause de cet oubli; autrement, il n'était plus temps. Qu'en serait-il résulté?

M. ***, dans un duel au signal, tue son adversaire avant le troisième coup, et reste impuni.

Qui ne pourrait venir encore citer de nouveaux et douloureux faits à l'appui de ceux-ci?

Afin de prouver qu'il faut aussi se tenir en garde contre son adversaire, et que l'épée qui menace est le meilleur bouclier, je citerai le duel suivant :

Le comte D. C. se battait avec M. de ***; ce dernier blessé, les témoins crient d'arrêter; mais n'écoutant que sa fureur, il se précipite sur D. C. qui rompait l'épée basse, et M. *** devait le tuer sans l'agilité avec laquelle il para ce coup.

M. ***, victime de son emportement, trouva la mort dans ce combat.

Il est aussi des duels qui peuvent servir de règles aux témoins:

Le comte de S*** est obligé, étant témoin dun de ses amis, de le prendre au corps, et reçoit luimême un coup d'épée pour l'arrêter. L'adversaire était blessé; il arrête ce combat au risque de sa vie et fait son devoir.

M. de S., frappé par un jeune homme, ne répond à cette insulte qu'en lui demandant s'il était brave.

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