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voudraient, j'en suis sûr, l'abolition du duel, si cela était possible. Ce brave et malheureux Carrel la vou lait aussi; mais trop sensible au point d'honneur, il en sentait en lui l'impossibilité, lorsqu'il m'écri

vait :

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J'admets avec vous la haute utilité de ce travail, et comptez bien, Monsieur, que dans toutes les difficultés du point d'honneur où je pourrai

me trouver engagé pour moi ou pour mes amis, je n'irai chercher que dans votre Code du Duel mes règles de conduite. Vos préceptes conviendront, sans nul doute, aux gens de bien de toutes » les opinions, etc., etc. »

M. Carrel n'a été atteint que par excès de bravoure. On m'a dit qu'il avait marché droit à son adversaire, et qu'il avait fièrement attendu le feu sans s'effacer il pouvait à ce duel marcher de côté, et devait s'effacer. Ce qu'il a fait était un acte de sa volonté, et ses témoins n'y pouvaient rien.

si

Et moi qui viens traiter avec vous de ces matières graves et si sérieuses, n'ai-je pas un fils dont les jours me sont chers! N'est-ce pas un deuil que cette

pensée, qu'il pourra un jour, le pauvre enfant, donner son sang pour conserver sa réputation et son avenir; et pouvez-vous croire que si j'eusse senti la possibilité d'éteindre le mal, j'eusse entrepris la tâche difficile de le régulariser pour l'amoindrir? Laissons cette œuvre à mon député, qui pourrait bien faire comme un brave général de ma connaissance, qui de guerrier et duelliste était devenu agronome et législateur, par dessus tout ennemi juré du duel. Déblatérer, à chaque instant, contre la monomachie était devenu chez lui une habitude et presque une monomanie; ses amis, soumis sans cesse à cette fixité d'idées qu'il leur présentait sous toutes les formes, voulurent savoir si réellement elle était incrustée dans son esprit; ils se réunirent, et au milieu d'un dîner qui leur rappelait ces joyeux banquets de leur temps de guerre et de jeunesse, l'un d'eux lui dit, à travers la table :- Mon cher ami, tu dois être content et glorieux de ton fils, car il est grand et fort, surtout fort sage; il a adopté tes principes sur le duel, avec toutes leurs conséquences. Hier il s'est pris de querelle au spectacle avec un jeune officier, et il a reçu un soufflet dont il n'a pas demandé réparation. C'est une atroce calomnie!

s'écria le vieux général en se levant de son siége le sang au visage; par Dieu, vous mentez! et vous m'en rendrez raison! On eut toutes les peines à le calmer, et le sourire revint sur ses lèvres lorsqu'on lui dit que son fils lui cachait un duel qui ne pouvoit que lui faire honneur. Ainsi ferait mon député, j'en suis sûr; il est spirituel, il est brave en même temps; et je lui crois assez d'ame pour être sûr qu'il transgresserait le premier sa loi, s'il avait un ami à qui son assistance fût indispensable.

Sans nul doute ce législateur veut le bien, et il ferait un pas vers le bien, si son projet de loi avait pour but d'obliger les témoins à rendre compte, devant un jury ad hoc, de la conduite qu'ils ont tenue. Il y a des circonstances où les témoins pourraient être passibles eux-mêmes d'une peine sévère.

En voici une preuve récente. Deux officiers, servant dans le même régiment (en Autriche), devaient se battre jusqu'à ce que mort s'en suivît. Les témoins trouvèrent bon (sans doute pour éluder la loi contre les duels) que les adversaires tirassent au sort à qui se brûlerait la cervelle. Celui qui eut`la funeste chance demanda trois jours pour régler ses

affaires, et, ces trois jours révolus, ce malheureux se suicida. Les témoins furent condamnés, je crois, à cinq ans de séjour dans une forteresse. Cette condamnation de témoins qui outrepassent leurs pouvoir est juste et rationnelle.

Mais qu'on se rappelle bien que les lois contre les duels n'ont produit que d'affreuses catastrophes, que d'iniques condamnations; que l'esprit de tous les temps les a repoussées; que ce ne sont pas des lois nouvelles contre les combats singuliers qu'il serait nécessaire de promulguer, mais des lois réglementaires de ces combats, qui les rendraient moins fréquens, moins atroces et plus conformes au point d'honneur. Et que ma dernière parole soit pour maudire les duels d'exception.

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