Images de page
PDF
ePub

ÉDIT DU ROY

POUR LA DÉFENSE DES duels.

Donné à Blois au mois d'avril 1602.

Leu, publié, et enregistré au Parlement de Paris, le 7° jour de juin 1602.

Henry par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, à tous presens et à venir, salut. Ayant la corruption de ce siecle introduit une opinion et coustume damnable parmi plusieurs de nostre noblesse, et autres nos sujets qui font profession de porter les armes, lesquels croyans avoit esté offensez de fait, ou de parole, estiment estre obligez d'honneur de faire appeller au combat celluy duquel ils pretendent avoir receu l'offense; s'en seroient ensuivis de si grands et pitoyables accidens par la perte d'un grand nombre de gentils-hommes de valeur, à nostre extreme regret et déplaisir, et au dommage irreparable de nostre Estat, que nous nous estimerions indignes d'en porter le sceptre, si nous diffe

rions davantage de reprimer l'énormité de ce crime la severité de nos Loix. Et d'autant plus que par nous sçavons combien cette effusion du sang humain est detestable devant Dieu, lequel nous ordonne par exprez de luy laisser la vengeance, et que no soyons homicides: neanmoins il semble que ce divin commandement soit venu à tel mépris que le gentilhomme, qui s'estime estre interessé en l'honneur, confesse par telles actions de ne pouvoir estre gentilhomme, s'il est chrestien obeissant à ce qui est ordonné de Dieu. Outre cela notre autorité royale est grandement offensée par tels actes, se presumant un particulier, sans nostre permission, de donner camp pour le combat dans nostre Royaume, et de faire la justice luy-mesme, sous pretexte de conserver l'honneur, lequel neanmoins l'oblige devant toutes choses de porter respect à son Prince souverain, et obeissance aux Lois de sa Patrie. Pour ces causes et considerations, ne voulans rien obmettre de ce qui se doit et peut servir au bien, honneur et conservation de nostre noblesse, que nous tenons pour le principal nerf de nôtre Etat et pour conserver nostre autorité souveraine, et décharger nostre conscience de l'énormité de tels actes; ne pouvant aussi supporter plus longuement les justes plaintes de plusieurs peres et autres, qui craignent que la temerité de jeunesse précipite leurs enfans à ces mauvais conseils et combats, recherchez d'au

cuns, par ambition, au peril de leurs ames et honneurs, et acceptez par d'autres, qui estiment ne pouvoir éviter le combat, pour crainte d'estre tenus moins courageux que leurs ennemis : Aprés avoir eû sur ce l'avis des Princes de nôtre sang, autres Princes, officiers de nôtre Couronne, et plusieurs grands et notables personnages de nôtre Conseil, avons par cétui nôtre present Edit perpetuel irrevocable, dit statué et ordonné, disons, statuons et ordonnons : Premierement, que nous admonestons et exhortons tous nos sujets de la qualité et condition susdite, et leur enjoignons de vivre et conserver ensemble à l'avenir en toute bonne amitié, concorde et union, comme freres et bons compatriotes doivent faire, se porter honneur et respect selon leurs qualitez, âges, dignitez et charges, suivant les Loix, Ordonnances et Constitutions de nôtre Royaume; leur défendant de se provoquer par injure, ni s'offenser l'un l'autre par paroles, ni par faits, sur peine d'encourir nôtre indignation. Et afin de reprimer la licence et audace de ceux qui entreprennent d'appeler ou faire appeler au combat les autres, soit dedans ou dehors de nôtredit Royaume, sous pretexte de tirer raison d'une offense, ou autre cause, Nous les avons declarez et declarons criminels de lezemajesté : Semblablement ceux qui appelleront pour un autre, ou qui seconderont, accompagneront, ou assisteront lesdits appelez; Ordonnons qu'ils soient

punis comme tels par nos amez et feaux les gens tenans nos Cours souveraines, ou autres nos Officiers, selon la rigueur de nos Ordonnances, sans que la peine de mort et confiscation de biens puisse estre par eux moderée sous quelque prétexte que ce soit. Voulons et ordonnons pareillement estre procedé par mème rigueur contre ceux qui ayant esté appelez iront au combat, et tous autres qui les accompagneront et seconderont en icelui. Mais afin que ceux qui prétendent avoir esté offensez, ou seront appellez audit combat ne puissent se plaindre qu'ils demeurent interessez en l'honneur, obéissant à notre present Edit; Nous ordonnons à nos tres-chers et bien-amez cousins les Connétable et Maréchaux de France, soit que lesdits Maréchaux soient à notre suite, ou ailleurs en nôtredit royaume, et aux Gouverneurs et Lieutenans Généraux de nos provinces, chacun en l'étenduë de son Gouvernement, qu'aussi-tôt qu'ils seront avertis par la partie offensée, à laquelle nous enjoignons de ce faire, ou par autres qui auront esté presens, ou en auront connaissance, qu'aucuns de la qualité susdite prétendront avoir reçû injure à laquelle il échet faire réparation; faire appeler pardevant eux les deux parties, ausquelles ils défendront de nôtre part d'en venir au combat, ny entreprendre pour raison de ce aucune chose l'une contre l'autre par voye de fait directement ou indirectement, sur peine de vie: Et après

les avoir ouïes en la presence des Seigneurs et gentils-hommes qui seront sur les lieux, et autres qui y seront appellez par eux; Nous leur donnons pouvoir d'ordonner par jugement souverain sur la reparation de l'injure ce qu'en leurs loyautez et consciences ils jugeront estre raisonnable. A quoy lesdites parties seront tenues d'aquiescer et se conformer, sur peine tant à celluy qui aura fait l'injure, qu'à celluy qui prétendera l'avoir reçue, d'encourir nôtre indignation, d'estre bannis de notre Cour, ou de son païs, et autre plus rigoureuse punition qu'il écherra de faire selon la qualité du fait, de tenir prison fermée jusqu'à ce qu'ils ayent satisfaits à la susdite Ordonnance, sans que celuy qui refusera d'y obéir puisse estre élargi à caution ou autrement, pour quelque cause ou prétexte que ce soit, sinon pour cause de maladie pressée; auquel cas il ne pourra encore estre élargi que sous bonne et sure garde, qui sera ordonnée par lesdits juges, et en baillant bonne et suffisante caution, partie appellée, de réintégrer la prison dedans le temps, et ainsi qu'il sera ordonné. Et si celuy qui sera condamné à faire reparation, s'absente, sera par eux décerné prise de corps contre sa personne, laquelle sera réellement et de fait exécutée, nonobstant oppositions ou appellations quelconques, pour lesquelles ne sera différé; sans qu'iceluy puisse en aucune sorte estre élargi, que premierement il n'ait satisfait à ladite

« PrécédentContinuer »