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de François de Pierrebuffiere de l'an 1562, il est vray qu'il contient plusieurs degrez de substitution, au cas que Charles prémier son fils decedât sans enfans; non pas une substitution à ses enfans, qui soit graduelle et perpetuelle comme en iceluy de Charles : si bien que les enfans de Charles ayans fait dés saisir une fois la substitution, elle ne peut plus estre ouverte, ny continuer outre les termes ausquels elle estoit conçûë; du moins encore par la raison du droit, qui ne permet point que les enfans soient censez estre appellez par forme de substitution, ny chargez semblablement de restituer à d'autres, quand ils ne sont qu'en condition qui ne dispose point: et quoy que le contraire se soit quelquefois pratiqué, pour induire une substitution présumée, c'est seulement en faveur des mâles : A quoy les Docteurs et Interpretes de Droit se sont laissez aller par une espece d'interpretation plus benigne, fondée sur l'intention des testateurs, et sur les exemples frequens de pareille disposition dans les grandes et riches familles, dont il s'est fait enfin comme un usage et coûtume generale en la plupart des païs et provinces qui sont regis par le Droit écrit. Ainsi dans le particulier de la cause il fut jugé, par Arrest de Castres l'an 1620 au profit de Charles second de Pierrebuffiere, contre les Dames ses sœurs, qui sont à present parties, et qui soûtenoient lors estre appellées conjointement avec leur frere sous ce nom collectif d'en

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fans et depuis Charles second estant decédé sans enfans, Jean Charles son frere dernier décédé, des biens duquel il s'agit, fut admis par Arrest de cette Cour, du 3 septembre 1627, à succeder à Charles, par forme de substitution, en vertu de la même clause, qui fût étenduë et jugée graduelle, en faveur de ce dernier mâle qui restoit, plûtost que la veuve heritiere testamentaire du défunt: Encore fut-ce un puissant motif de l'offre faite par Jean Charles, de payer les creanciers sur les biens substituez, en cas que les autres ne pûssent suffire, et ainsi ce qui a eu lieu seulement en faveur des mâles, ne peut estre aujourd'huy plus avant continué à l'égard des filles, contre les mots du testament, et la disposition du droit; mais la plus grande difficulté consiste au testament de défunt Jean Charles de Pierrebuffiere, fait en l'année 1629, et confirmé par codicille du mois de janvier 1634, par lequel il a institué le sieur de Meilhards, son cousin, fils d'une fille de François de Pierrebuffiere, son heritier universel, pour sçavoir s'il est valable, et doit avoir effet, à cause que le testateur a esté tué en Duel en l'an 1634, et par consequent dans un crime qui se poursuit même aprés la mort. Comme de fait il y a eû arrest de condamnation du 26 octobre dernier, en quoy d'abord il y auroit apparence de croire qu'il doit valoir, pour ce qu'il a esté fait si long-temps avant le crime contracté, qu'on ne peut dire que ce soit ny le dessein,

ny l'effet du crime, et aussi peu que ce fût une fraude meditée contre la confiscation; joint qu'au temps de sa mort, qui est l'instant même du crime, le testament a commencé de prendre sa force, et recevoir sa confirmation ; le procés qui a depuis suivi, n'ayant esté fait que pour parvenir à la confiscation du tiers des biens que l'on ne dispute point: Mais on dit qu'aux deux tiers restans, le testament doit aussi bien valoir comme la succession legitime s'il n'y avoit point de testament, tant parce que d'ordinaire ces deux choses marchent de mesure, que pour ce que la moderation de la peine dont le Roy a usé par son dernier Edit, a remis les choses pour ce regard en l'état qu'elles estoient auparavant l'Edit de l'an 1602, auquel temps ceux qui estoient tuez en Duel n'étoient puis aprés poursuivis et n'y avoit aucune confiscation de leurs biens, laquelle ayant esté depuis reduite au tiers, il en faut demeurer là, sans étendre la peine outre la disposition de la Loi, qui ne se doit suppléer ou interpreter en tel cas, du moins par la voye ordinaire des jugemens particuliers; et faudroit une nouvelle puissance pour faire cet établissement, si l'on jugeoit qu'il fût necessaire; et de plus, le crime n'ayant esté fait crime de lezemajesté que par fiction de l'Edit, cette fiction doit cesser hors le cas de la peine, à l'effet de laquelle la Loi l'a voulu établir et produire. Ces raisons sont fortes, mais pour les examiner au poids de la verité,

il les faut reduire à leur principe, et à cet effet en reprendre les fondemens. Le testament n'est qu'un acte imparfait auparavant la mort, qui luy donne sa force; c'est pourquoy l'on considere lors principalement quelle peut estre sa valeur, aussi bien qu'au temps qu'il a esté fait de sorte que si quelqu'un meurt condamné pour crime capital, son testament n'est pas valable, quoy qu'il n'y eût rien à desirer au reste, et qu'il fût fait long-temps auparavant ; pource qu'en ce moment qui luy doit donné l'estre, qui est toute la grace d'un testament, comme disoit un ancien, c'est à dire la source de gratification, et l'ouverture à l'effet des liberalitez qui en procedent; le testament n'est plus capable, et l'état de la personne est tellement changé, qu'il n'a plus le droit ny le pouvoir de faire testament: car la loi le privant de tous droits civils, oste par consequent l'effet aux actes qui dependent de sa perseverance en une même volonté jusques au dernier soûpir d'une vie libre et innocente; mais si la mort précede la condamnation, alors le criminel par une bonne fortune semble s'échapper, et éviter la peine, estant consideré comme s'il mourait avec l'absolution, hormis pour la reparation des parties civiles, pour laquelle on continuë d'instruire le procés civilement. Quant à l'état de la personne, il demeure en son entier, si bien que le testament qui ne dépend que de là est valable, parce que le testament est sorti du monde,

et qu'il évite la condamnation, qui est celle qui seule luy pouvait changer sa condition, et le priver de tous les droits dont jouissent les hommes libres par le benefice des Loix du païs où ils ont pris naissance. Il faut toutefois excepter de cette regle ceux auxquels on fait le procés aprés la mort, pource que lors la Loy les repute encore vivans, et par une espece de charme puissant qui n'appartient qu'à elle, évoque les morts, les tirant de leur azile, et du repos de la sepulture, pour les soûtenir par maniere de dire quelque espace de temps en vie, tant qu'ils ayent satisfait au public par l'exemple et par la peine que peut meriter l'atrocité de tels crimes, de sorte qu'en cecy le temps de la mort ne peut estre consideré qu'au temps de la condamnation, qui est comme une seconde mort, qui tranche tous droits et effets civils, et lors de laquelle seulement l'on doit juger de l'état et condition des personnes. Tant y a qu'il est vray de dire qu'en tel cas la mort naturelle n'arreste point la poursuite commencée pour la vengeance d'un crime, et n'en empêche non plus la recherche, ny que l'on ne commence l'accusation bien souvent fort long-temps aprés; comme l'Eglise l'a pratiqué dans les Conciles, contre ceux qu'elle a voulu condamner, même aprés plusieurs siècles: Car ou bien on punit le corps, ou s'il n'est plus en estre, soit à cause du temps, ou soit parce qu'il n'a pû estre recouvré, on punit la memoire et le nom

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