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de son Etat. Fait à Paris le premier juillet mil six

cens cinquante et un. Signé par Messieurs les maréchaux de France: Et plus bas.

QUILLET

RESOLUTION

DE MESSIEURS LES PRELATS SUR CETTE MATIERE.

Nous, desirans satisfaire à l'obligation que le S. Esprit nous a imposée de regir l'Eglise de Dieu, de pourvoir charitablement aux necessitez du prochain, et de procurer le salut des ames autant qu'il nous sera possible; Aprés avoir veû la déclaration faite par plusieurs Gentilshommes de refuser toutes sortes d'appels, et de ne se jamais battre en Duel pour quelque cause que ce puisse estre; et en suite le Jugement rendu par Messieurs les Maréchaux de France sur ladite Déclaration, avons jugé à propos d'approuver la genereuse et Chrétienne conduite des uns et des autres, touchant ladite Déclaration et ledit Jugement, et de fulminer en même temps de nouveaux anathêmes contre l'insolence et la barbarie des Duels: la Nature en a de l'horreur, la Raison les

condamne, des Loix civiles et celles de l'Eglise détestent ces noires fureurs, et le Ciel est armé de ses plus rigoureuses vengeances pour punir des crimes si monstrueux.

Ce sont ces cruels excès qui causent en même tems le deshonneur des Loix, l'opprobre de la Nature humaine, l'injure de la Religion, la honte du Christianisme, l'affoiblissement de l'Etat, le scandale des peuples, la colere du Ciel, et la perte des

ames.

N'est-ce pas éteindre les sentimens de l'humanité, et se depouiller des lumieres de la raison, de vouloir détruire son semblable, et s'exposer soy-même au danger de se perdre, pour venger une passion farouche qui semble imiter la fureur des tigres, ou pour établir un Point d'honneur imaginaire, qui fait une discipline sanguinaire et cruelle de l'homicide, qui donne des regles au meurtre, et déguise l'assassinat en methode et mesure, pour seduire bien souvent les plus lâches esprits et les plus foibles courages.

Le Decret du Pape Estienne defend la mauvaise coûtume de prouver son innocence par l'eau bouillante et par le fer chaud; et saint Thomas juge fort à propos que c'est en même temps condamner les Duels. En effet, quelle apparence de commettre au sort des armes sa réputation, sa vie, son éternité, puisque même bien souvent il arrive par un juste

jugement de Dieu, que le plus adroit et le moins timide tombe sous le bras du plus foible.

Que les Princes donc et les Magistrats arment leur autorité d'une nouvelle vigueur pour noircir d'infamie ces Gladiateurs, qui au mépris du Christianisme semblent vouloir faire revivre le Paganisme et l'Idolatrie. Vous diriez que nous respirons encore l'haleine contagieuse de ces siecles malheureux, dans lesquels on sacrifioit aux Idoles le sang et la vie des humains. O Princes, ô Juges, ô Grands de la terre, qui estes les Arbitres de la fortune des hommes ; si par les Loix civiles vous devez procurer que les pauvres soient secourus des alimens qui leur sont necessaires; quel compte aurez vous à rendre devant Dieu, si vous ne travaillez comme vous le pouvez, à tarir les sources de sang, qui au langage de l'Ecriture, sont celles de tous les crimes?

pour

L'usage du sang étoit expressément defendu chez les Hebreux deux raisons principales: la premiere, pour abolir l'Idolatrie; et la seconde, pour condamner la cruauté. Dieu seul doit estre le maître. de la vie des hommes, et le sang des animaux devoit estré reservé dans les sacrifices pour reconnoître le souverain domaine de Dieu, et racheter la vie des hommes pecheurs par l'effusion du sang des victimes Mais sous les loix de l'Evangile, le Prophete Isaïe nous prédit que les combats, les guerres et le carnage doivent cesser sous la paix de l'Eglise, et

sous l'empire du Messie, qui est le vray Salomon pacifique; ce sang ne doit estre versé que pour la gloire de Dieu et le soutien du Trône, pour accroître les couronnes de la Religion et celle de l'Estat, pour les avantages de la foy, et pour les interests de nôtre legitime Monarque. Ce sang que l'insolence des duellistes, et le silence des Juges répand indignement, demande une autre vengeance, qui doit donner de la terreur à ceux qui ont quelque sentiment de la crainte de Dieu. La voix du sang qui se répand sur la terre porte sa clameur jusques dans le Ciel, et encore davantage la voix du sang du Fils de Dieu, qui crie bien mieux que celle d'Abel, comme l'explique saint Gregoire.

Si donc le spectacle d'un Dieu mourant fait impression sur nos cœurs, et si l'image de son cruel martire n'est point effacée de nos memoires, condamnons pour jamais les duels, ayans horreur de ces detestables pratiques, qui font sacrifier aux demons un sang precieux, qui doit estre ménagé pour le service d'un Dieu, lequel, par un excés d'amour qui n'a rien de pareil, a prodigué le sien pour éteindre nos crimes et nos ingratitudes, et en même temps levons les mains au Ciel pour attirer les benedictions de Dieu sur cette illustre noblesse, qui a renoncé si chretiennement à ces fausses maximes, pour embrasser avec religion parfaite celles de l'Evangile. Assurez-vous, Messieurs, que cette loüable reputation

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