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DE L'OFFENSE.

11 est difficile de définir l'offense. Tel homme à qui on dira une grossièreté ne s'en formalisera pas; tel autre, pour une simple contradiction, se formalisera; celui-ci prendra pour une injure grave ce qui n'est qu'une impolitesse ; celui-là, au contraire, ayant frappé un homme au visage, dira qu'il a été d'abord grièvement insulté, et voudra encore choisir ses armes. La plus grande difficulté est de classer l'injure, parce qu'elle est telle qu'on la sent, et on la sent de mille manières différentes. Il faut donc nécessairement, pour mettre une ligne de démarcation entre les offenses, en séparer l'injure réellement grave, celle qui attaque l'honneur; et la plus grave de toutes, un coup frappé au visage. S'il faut, en certaine occasion, bien de la retenue, cette retenue est comptée et pour ainsi dire récompensée par l'avantage qu'elle donne sur l'agresseur.

Un fils ne peut guère être impartial lorsqu'il croit son père offensé; il est plus que jamais nécessaire de

faire passer son ardeur par la filière froide des témoins; et pour qu'il puisse prendre sa défense, il faut que son père ait été bien réellement et bien gravement offensé; qu'il n'ait pas provoqué l'offense par une offense égale; qu'il ait raison, et enfin que l'agression soit flagrante et facile à établir. Cette demande d'une réparation, de la part d'un fils, doit être appréciée à sa juste valeur par les témoins, qui peuvent refuser, qui doivent refuser ce duel, si l'insulte n'est pas flagrante.

DU DUEL ET DE L'APPEL.

L'homme qui se bat, se bat nécessairement pour venger une injure, ou pour donner à son adversaire satisfaction de l'injure que lui-même a faite. Si elle est sans raison, c'est un tort qui n'appartient qu'à lui, dont il est seul juge; pour l'expier, il compromet sa vie. Mieux vaudrait, sans doute, avouer ses torts afin de s'épargner des regrets. Mais ce serait un tort plus grand encore, fût-ce même de la part d'un frère, que de vouloir tirer vengeance de celui qui donne satisfaction ou qui la reçoit, et que le sort des

armes favorise. Trop souvent on a vu des témoins, des amis, demander compte du sang répandu, đemander même, par avance, à en répandre encore, ce qui est assez pour influer sur le moral du combattant. Pour être équitable, en semblable occasion, ce serait le cas, pour celui qui reçoit cette double attaque, d'avoir recours aux duels des temps passés, et de faire revivre l'usage des seconds. Il est tout aussi rationnel que des étrangers soient les champions de tel ou tel, que de se battre, sans raison, avec tel ou tel, parce qu'on a eu affaire à son ami. Cette injuste provocation tendrait nécessairement à perpétuer une querelle à l'infini. Ce n'est plus une réparation qu'on demande, c'est la vie de l'homme qui s'est bravement conduit et qui finirait infailliblement par succomber.

DES TÉMOINS ET DE LEURS DEVOIRS.

Ces devoirs se multiplient, selon les circonstances, et sur cette matière on pourrait écrire un volume. Dans le choix qu'on fait de ses témoins, si la bravoure est quelque chose, si l'expérience est beau

coup, la moralité est plus encore, car ils ont un autre rôle à jouer après le combat, celui d'en être juges, d'être les jurés vengeurs de la victime, si l'un des combattans a été tué ou blessé hors des règles adoptées par eux.

Le témoin est, pour ainsi dire, le confesseur de celui qui lui accorde sa confiance; il doit garder le secret de sa conférence avec celui qu'il assiste, obtenir l'aveu de sa pensée, de son désir. Ainsi, par exemple, un combattant peut dire à son témoin: Faites tous vos efforts pour que cette affaire ne s'arrange pas, ma querelle est déterminée par une cause secrète. Il peut dire aussi : Faites tous vos efforts pour que l'affaire s'arrange; il éprouve des regrets ou désire ne pas se battre; il lui suffira que son honneur soit sauvé, etc., etc. Si les propositions qui lui sont faites, à lui temoin, s'accordent mal avec ses principes d'honneur, après les avoir combattues, il doit se récuser, sans jamais trahir le secret de l'homme qui lui confie soit sa faiblesse, soit sa haine ou son désir de vengeance, à peine d'être considéré lui-même comme manquant de délicatesse.

Mais si les témoins doivent juger de la nécessité ou de l'inutilité de l'affaire, cependant, dans la conférence toute confidentielle et préparatoire qu'ils ont avec l'ami dont ils prennent charge, il est loisible à ce dernier, s'ils n'ont aucune déférence à son opinion, de les remercier. Le droit de cette séparation est acquis au combattant comme aux témoins; car, supposé que ces derniers lui proposent une chose qu'il regarde comme contraire à son honneur, s'il croit ne pouvoir y souscrire, comme il serait trop tard pour revenir sur l'avis des témoins au moment du combat, il les récuse à l'instant et en choisit d'autres. Ainsi, s'il est du devoir des témoins d'apporter dans ces conférences le calme et la conciliation, ils doivent cependant considérer le point d'honneur, et ne faire que ce que leur cœur leur dicte et ce qu'ils feraient pour eux-mêmes.

Il est d'usage de recevoir les regrets ou les excuses qui sont valablement présentées par les témoins. Il y aurait plus que mauvaise volonté à ne pas s'en contenter si elles sont acceptables; cependant on ne peut l'établir comme règle, car ce serait donner à certaines gens une trop grande facilité à chercher

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