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tière, qui est tout et qui n'est rien? N'est-ce pas à la fois se moquer du bon sens et de la logique? Si je m'adressais spécialement aux philosophes, je discuterais plus longuement ces étranges assertions du panthéisme; mais comme je m'adresse surtout aux hommes qui placent le bon sens et la saine raison au-dessus des subtilités de la sophistique, je crois inutile d'insister davantage : il est trop manifeste que le dieu du panthéisme est une vaine idole qui n'a de Dieu que le nom, et que cette doctrine, envisagée de près, est un athéisme très-peu déguisé.

CHAPITRE II.

Preuves de l'existence de Dieu.

Je n'ai point l'intention de m'étendre longuement sur les preuves de l'existence du Dieu vivant et véritable; les négations de quelques hommes, chez la plupart desquels une science orgueilleuse a corrompu le bon sens, ne suffisent point à ébranler une vérité que proclame la grande voix du genre humain tout entier. Que nous font à nous, que font à l'humanité les rêves prétendûment philosophiques de quelques esprits curieux qui, enfermés en euxmêmes, s'égarent dans la vanité de leurs pensées? Où est donc leur force contre Dieu? où est en particulier le point d'appui du panthéisme? « Il le cherchera, répondronsnous avec un grand orateur, dans les ténèbres d'une métaphysique abstruse: il s'isolera de toutes les réalités, de tous les sentiments et de tous les besoins, pour se composer un labyrinthe dont la pensée ne saura plus retrouver les issues. Il en perdra lui-même le fil; enfermé dans la prison subtile qu'il se sera construite, il sera pris du rire de l'orgueil qui s'est trompé lui-même, et appelant à lui, du fond corrompu des âges, les esprits curieux des

doctrines rares, il jettera sur Dieu et sur le genre humain l'anathème du mépris. Dieu passera sans l'entendre, et le genre humain sans lui répondre. Faisons comme eux, passons aussi (1). »

« Dieu, dit encore le P. Lacordaire, est ici-bas le plus populaire de tous les êtres, tandis que le panthéisme est un système purement scientifique. Au milieu des champs, appuyé sur son instrument de travail, le laboureur lève ses yeux vers le ciel, et il nomme Dieu à ses enfants par un mouvement simple comme son âme. Le pauvre l'appelle, le mourant l'invoque, le pervers le craint, l'homme de bien le bénit, les rois lui donnent leurs couronnes à porter, les armées le placent en tête de leurs bataillons, la victoire lui rend grâce, la défaite y cherche un secours, les peuples s'arment de lui contre leurs tyrans; il n'est pas un lieu, un temps, une occasion, un sentiment où Dieu ne paraisse et ne soit nommé. L'amour lui-même, si sûr de son charme, se confiant dans son immortalité propre, n'ose pas pourtant se passer de lui, et il vient aux pieds de ses autels lui demander la confirmation des promesses qu'il a tant de fois jurées. La colère croit n'avoir atteint son expression suprême qu'après avoir maudit cet adorable nom, et le blasphême est un hommage encore d'une foi qui se révèle en s'oubliant. Que dirai-je du parjure? Voilà un homme qui est en possession d'un secret d'où dépend sa fortune, son honneur; lui seul le connaît sur la terre, lui seul est son juge. Mais la vérité a un complice éternel en Dieu; elle appelle Dieu à son secours,

(1) Lacordaire, Conférences de Notre-Dame de Paris, 45e Conf., De l'existence de Dieu.

elle met le cœur de l'homme aux prises avec le serment, et celui-même qui sera capable d'en violer la majesté ne le fera pas sans un tremblement intérieur, comme devant l'action la plus lâche et la plus forcenée. Et pourtant qu'y a-t-il dans cette parole: je le jure? Rien qu'un nom, il est vrai, mais c'est le nom de Dieu. C'est le nom qu'ont adoré tous les peuples, auquel ils ont bâti des temples, consacré des sacerdoces, adressé des prières; c'est le nom le plus grand, le plus saint, le plus efficace, le plus populaire que les lèvres de l'homme aient reçu la grâce de prononcer (1). »

Il n'est donc pas besoin de prouver longuement l'existence de Dieu. Il convient néanmoins de s'y arrêter un instant, afin de justifier de plus en plus à nos propres yeux et aux yeux de tous le droit de Dieu à cette inaltérable popularité qui s'attache à son nom.

L'un des plus grands apôtres du Fils de Dieu fait homme, introduit dans le conseil des sages d'Athènes, y prononça ces paroles mémorables: Dieu n'est point éloigné de chacun de nous, car c'est en lui que nous avons l'être, le mouvement et la vie (2).

Jamais homme n'a rien dit de plus sublime. Non, Dieu n'est point éloigné de chacun de nous, ils nous touche par tous les points de notre être; c'est en lui que nous vivons, que nous respirons, que nous agissons; et si cela est vrai de l'homme tout entier, il faut le dire d'une façon

(1) Lacordaire, Conférences de Notre-Dame de Paris, 45e Conf., De l'existence de Dieu.

(2) Quamvis non longe sit ab unoquoque nostrûm; in ipso enim vivimus, et movemur, et sumus. » Act. apost. XVII, 27-28.

plus spéciale de la partie supérieure de l'homme, de son âme oui, notre âme vit en Dieu, elle se meut en Dieu, de telle sorte que sans Dieu elle ne peut ni penser ni connaître. Dieu, comme l'a dit saint Augustin, est le soleil de notre intelligence et de toutes les intelligences créées, elles ne voient que dans sa lumière et par l'éclat auguste de ses rayons. Comment se fait-il donc que beaucoup d'entre elles ne remarquent point cette lumière sans laquelle elles ne verraient rien? Entrons dans quelques développements.

Nous portons tous au fond de nos âmes l'idée et le sentiment de Dieu; cette idée et ce sentiment nous sont tellement naturels, qu'ils s'éveillent et se développent avec une étonnante facilité, et qu'une fois éveillés, ils ne meu, rent plus, comme l'atteste la croyance universelle des peuples. Parmi nos anciens docteurs, nul n'a fait ressortir avec autant de force que Tertullien ce sentiment intime de la Divinité, en montrant comment il éclatait dans la vie et dans le langage de chaque jour du peuple païen luimême; il y a consacré tout un livre, qu'il a très-justement nommé le témoignage de l'âme en faveur du dogme de l'existence de Dieu. Que d'autres, dit l'éloquent docteur Africain, invoquent à l'appui de la doctrine chrétienne le témoignage des poëtes et des philosophes, moi j'en appelle à un témoignage plus connu, plus vulgaire et plus sûr, celui de l'âme; et non pas de l'âme formée dans les écoles, cultivée dans les bibliothèques et nourrie dans les académies, mais de l'âme simple, nue, sans érudition, telle que la possèdent ceux qui n'ont qu'elle, telle qu'on la trouve sur les places publiques et dans les carrefours. C'est cette

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