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reçoit de lui de ne pouvoir pécher. Or cet ordre devait être suivi dans le don divin, que l'homme reçût par un premier libre arbitre de pouvoir ne pas pécher; et par le dernier, de ne pouvoir pécher; l'un comme épreuve, l'autre comme récompense. Mais comme cette fragile nature a péché quand elle pouvait pécher, une grâce plus abondante la délivre pour l'amener à cette liberté de ne pouvoir pécher... Ainsi la volonté de la justice et de l'équité sera inamissible dans l'homme au même degré que le désir de la félicité... Eh quoi! parce que Dieu ne peut pécher, niera-t-on son libre arbitre? La volonté de cette Cité sainte sera donc une en tous et indivisible en chacun, volonté libre, délivrée de tout mal, remplie de tout bien, jouissant des intarissables délices de l'éternelle joie dans l'oubli de ses fautes et de ses misères, mais non dans l'oubli de sa délivrance et de la reconnaissance qu'elle doit à son libérateur (1). »

On comprend assez d'après cela quelle est la vraie nature de la liberté. Durant le cours de la vie actuelle, qui est une vie d'épreuve, notre libre arbitre peut faire le mal, il doit pouvoir choisir entre le bien et le mal; mais cela n'appartient nullement à l'essence de sa liberté, c'est une imperfection qui doit s'effacer à mesure qu'il réalisera davantage la fin de sa nature, et elle disparaîtra complètement le jour où, l'épreuve accomplie, il aura définitivement atteint le terme de sa destinée. Alors il continuera d'agir en vertu de sa propre détermination et même de son choix, mais le mal ne lui offrira plus aucun attrait,

(1) Civ. Dei, lib. xxn, n. 30.

et sa détermination sera tout entière pour le bien. C'est là l'idéal de la liberté.

Il y a des écrivains qui regardent la liberté humaine comme une faculté pleinement indépendante, pouvant se déployer sans règle et sans but, au gré de ses caprices. Nous n'avons qu'un mot à dire sur une pareille doctrine. La liberté créée ne saurait se confondre avec l'indépendance; l'indépendance absolue n'appartient qu'à Dieu, parce que Dieu seul est par soi; et encore l'indépendance divine est nécessairement réglée par la raison. Prétendre que la volonté humaine n'est libre qu'autant qu'elle est affranchie de toute règle, c'est tomber dans l'athéisme; car s'il existe un Dieu intelligent et sage, toute force, toute faculté doit avoir sa loi suivant laquelle elle agisse et se développe c'est l'ensemble de ces lois qui constitue l'ordre universel. La volonté créée a nécessairement pour règle la volonté même de Dieu; et c'est en lui obéissant fidèlement, comme nous l'avons dit tout à l'heure, qu'elle devient véritablement libre. M. Donoso Cortès a fait à ce sujet une remarque fort juste. « Quelques-uns, dit-il, confondant la notion de la liberté avec celle d'une indépendance absolue, demandent pourquoi l'on dit que l'homme devint esclave lorsqu'il tomba sous la juridiction du démon, en même temps qu'on affirme qu'il était libre quand il était placé absolument sous la main de Dieu. A quoi l'on répond: on ne peut pas affirmer de l'homme qu'il est esclave pour la raison qu'il ne s'appartient pas à lui-même, auquel cas il serait toujours esclave, puisqu'il ne s'appartient jamais à lui-même d'une

manière indépendante et souveraine; mais on affirme de lui qu'il est esclave seulement lorsqu'il tombe sous la main d'un usurpateur, comme on affirme de lui qu'il est libre, lorsqu'il n'obéit qu'à son maître légitime. Il n'y a pas d'autre esclavage que celui où tombe l'homme qui se soumet à un tyran, ni d'autre tyran que celui qui exerce un pouvoir usurpé, ni d'autre liberté que celle qui consiste dans l'obéissance volontaire aux pouvoirs légitimes (1). »

(1) Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, liv. 11, ehap. 1.

CHAPITRE III.

De l'immortalité de l'âme.

La spiritualité et la liberté de l'âme prouvent qu'elle est immortelle. Notre âme ne périra point avec notre corps, elle continuera de subsister, la même qu'elle est ici, avec ce qui constitue son individualité propre, pour recevoir sa récompense ou son châtiment suivant qu'elle aura bien ou mal usé de sa liberté durant le cours de la vie organique; et sa vie n'aura point de fin. Telle est la foi de l'Église, telle a toujours été sa doctrine.

Ce serait perdre le temps que de s'arrêter à prouver que jamais l'Église n'a varié ou hésité sur cet article, il n'est personne qui ne sache que toutes les institutions chrétiennes tendent à nous rappeler sans cesse et de toutes les manières que ce monde n'est point notre patrie, qu'il n'est qu'un lieu de pèlerinage et d'épreuve, et que la vie présente n'est qu'une préparation et un acheminement à une vie supérieure qui n'aura pas de fin. Ce caractère du christianisme, nul ne le conteste; et les ennemis de l'Église lui reprochent plutôt d'accorder une trop large place aux intérêts de la vie future, au détriment des intérêts actuels de l'homme. L'immortalité de l'âme

est au fond de toutes les pensées chrétiennes, et il n'est pas dans l'Église une seule pratique qui ne rappelle ce dogme aux fidèles. Aussi cette grande vérité est le fondement de l'ordre religieux, et sans elle le christianisme n'aurait pas de sens.

Les ancêtres religieux des chrétiens professaient comme eux le dogme de l'immortalité de l'âme. « L'immortalité de l'âme, dit Dom Calmet, est un dogme fondamental de la religion juive et chrétienne. Les anciens patriarches ont vécu et sont morts dans la persuasion de cette vérité... Moïse l'a marquée en disant que Dieu avait inspiré sur le visage d'Adam un souffle de vie; qu'il avait créé l'homme à son image et à sa ressemblance.... C'est dans l'espérance de l'immortalité et d'une autre vie que les patriarches ont reçu les promesses du Seigneur. Car quelle récompense a reçue Abraham dans cette vie de tant d'actions de vertu qu'il a pratiquées, lui qui a vécu toute sa vie comme étranger sans posséder un pouce de terre dans le pays qui lui était promis? Quand ce patriarche meurt, et qu'il est réuni à ses pères, selon le langage de l'Écriture (1), ce n'est pas à dire qu'il est mis dans le même tombeau que ses pères. On sait qu'il était originaire de Chaldée, que ses pères y avaient été enterrés; que pour lui il eut sa sépulture dans la terre de Chanaan, dans un sépulchre qu'il y avait acheté. C'est donc qu'il alla trouver ses pères dans l'autre vie. J'en dis de même d'Aaron et de Moïse qui se réunirent à leurs pères en mourant, c'està-dire qui entrèrent dans le lieu où leurs ancêtres atten

(1) Gen., xxv, 8.

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