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dent du verbe, qui est regardé comme la forme de la proposition.

Et ainsi A et E conviennent selon la quantité, et diffèrent selon la qualité, et de même I et O.

Mais A et I conviennent selon la qualité, et diffèrent selon la quantité, et de même E et O11.

Les propositions se divisent encore, selon la matière, en vraies et en fausses; et il est clair qu'il n'y en peut point avoir qui ne soient ni vraies ni fausses, puisque toute proposition marquant le jugement que nous faisons des choses, elle est vraie quand ce jugement est conforme à la vérité, et fausse lorsqu'il n'y est pas conforme.

Mais, parce que nous manquons souvent de lumière pour reconnaître le vrai et le faux, outre les propositions qui nous paraissent certainement vraies, et celles qui nous paraissent certainement fausses, il y en a qui nous semblent vraies, mais dont la vérité ne nous est pas si évidente que nous n'ayons quelque appréhension qu'elles ne soient fausses, ou bien qui nous semblent fausses, mais de la fausseté desquelles nous ne nous tenons pas assurés. Ce sont les propositions qu'on appelle probables, dont les premières sont plus probables, et les dernières moins probables. Nous dirons quelque chose dans la quatrième partie, de ce qui nous fait juger avec certitude qu'une proposition est vraie.

CHAPITRE IV.

De l'opposition entre les propositions qui ont même sujet

et même attribut.

Nous venons de dire qu'il y a quatre sortes de propositions, A, E, I, O. On demande maintenant quelle convenance ou disconvenance elles ont ensemble, lorsqu'on fait du même sujet et du même attribut diverses sortes de propositions. C'est ce qu'on appelle opposition.

Et il est aisé de voir que cette opposition ne peut être que de trois sortes, quoique l'une des trois se divise en deux autres.

Car, si elles sont opposées en quantité et en qualité tout ensemble, comme A, O, et E, I, on les appelle contradictoires, comme, tout homme est animal, quelque homme n'est pas animal; nul n'est impeccable, quelque homme est impeccable.

Si elles diffèrent en quantité seulemeut, et qu'elles convien

nent en qualité, comme A, I, et E, O, on les appelle subalternes, comme, tout homme est animal, quelque homme est animal; nul homme n'est impeccable, quelque homme n'est pas impeccable.

Et si elles diffèrent en qualité et qu'elles conviennent en quantité, alors elles sont appelées contraires, ou subcontraires; contraires, quand elles sont universelles, comme, tout homme est animal, nul homme n'est animal.

Subcontraires, quand elles sont particulières, comme, quelque homme est animal, quelque homme n'est pas animal.

En regardant maintenant ces propositions opposées selon la vérité ou la fausseté, il est aisé de juger,

1° Que les contradictoires ne sont jamais ni vraies, ni fausses ensemble; mais si l'une est vraie, l'autre est fausse; et si l'une est fausse, l'autre est vraie : car s'il est vrai que tout homme soit animal, il ne peut pas être vrai que quelque homme n'est pas animal; et si, au contraire, il est vrai que quelque homme n'est pas animal, il n'est donc pas vrai que tout homme soit animal. Cela est si clair, qu'on ne pourrait que l'obscurcir en l'expliquant davantage.

2o Les contraires ne peuvent jamais être vraies ensemble; mais elles peuvent être toutes deux fausses. Elles ne peuvent être vraies, parce que les contradictoires seraient vraies; car s'il est vrai que tout homme soit animal, il est faux que quelque homme n'est pas animal, qui est la contradictoire, et par conséquent encore plus faux que nul homme ne soit animal, qui est la contraire.

Mais la fausseté de l'une n'emporte pas la vérité de l'autre ; car il peut être faux que tous les hommes soient justes, sans qu'il soit vrai pour cela que nul homme ne soit juste, puisqu'il peut y avoir des hommes justes, quoique tous ne soient pas justes.

3o Les subcontraires, par une règle tout opposée à celle des contraires, peuvent être vraies ensemble, comme ces deux-ci, quelque homme est juste, quelque homme n'est pas juste, parce que la justice peut convenir à une partie des hommes, et ne pas convenir à l'autre ; et ainsi l'affirmation et la négation ne regardent pas le même sujet, puisque quelque homme est pris pour une partie des hommes dans l'une des propositions, et pour une autre partie dans l'autre. Mais elles ne peuvent être toutes deux fausses; puisque autrement les contradictoires seraient toutes deux fausses, car s'il était faux que quelque homme fût juste, il serait donc vrai que nul homme n'est juste, qui est la contradictoire, et

à plus forte raison que quelque homme n'est pas juste, qui est la subcontraire.

4o Pour les subalternes, ce n'est pas une véritable opposition, puisque la particulière est une suite de la générale; car, si tout homme est animal, quelque homme est animal; si nul homme n'est singe, quelque homme n'est pas singe: C'est pourquoi la vérité des universelles emporte celle des particulières; mais la vérité des particulières n'emporte pas celle des universelles; car il ne s'ensuit pas que, parce qu'il est vrai que quelque homme est juste, il soit vrai aussi que tout homme est juste; et, au contraire, la fausseté des particulières emporte la fausseté des universelles : car s'il est faux que quelque homme soit impeccable, il est encore plus faux que tout homme soit impeccable. Mais la fausseté des universelles n'emporte pas la fausseté des particulières; car, quoiqu'il soit faux que tout homme soit juste, il ne s'ensuit pas que ce soit une fausseté de dire que quelque homme est juste. D'où il s'ensuit qu'il y a plusieurs rencontres où ces propositions subalternes sont toutes deux vraies, et d'autres où elles sont toutes deux fausses.

Je ne dis rien de la réduction des propositions opposées en un même sens, parce que cela est tout à fait inutile, et que les règles qu'on en donne ne sont la plupart vraies qu'en latin.

CHAPITRE V.

Des propositions simples et composées. Qu'il y en a de simples qui paraissent composées et qui ne le sont pas, et qu'on peut appeler complexes. De celles qui sont complexes par le sujet ou par l'attribut.

Nous avons dit que toute proposition doit avoir au moins un sujet et un attribut; mais il ne s'ensuit pas de là qu'elle ne puisse avoir plus d'un sujet et plus d'un attribut. Celles donc qui n'ont qu'un sujet et qu'un attribut s'appellent simples, et celles qui ont plus d'un sujet ou plus d'un attribut s'appellent composées, comme quand je dis : Les biens et les maux, la vie et la mort, la pauvreté et les richesses viennent du Seigneur; cet attribut, venir du Seigneur, est affirmé, non d'un seul sujet, mais de plusieurs, savoir, des biens et des maux, etc.

Mais, avant que d'expliquer ces propositions composées, il faut remarquer qu'il y en a qui le paraissent, et qui sont néanmoins simples car la simplicité d'une proposition se prend de l'unité

du sujet et de l'attribut. Or, il y a plusieurs propositions qui n'ont proprement qu'un sujet et qu'un attribut; mais dont le sujet et l'attribut est un terme complexe, qui enferme d'autres propositions qu'on peut appeler incidentes, qui ne font que partie du sujet ou de l'attribut, y étant jointes par le pronom relatif qui, lequel, dont le propre est de joindre ensemble plusieurs propositions, en sorte qu'elles n'en composent toutes qu'une seule.

Ainsi, quand JÉSUS-CHRIST dit : Celui qui fera la volonté de mon Père, qui est dans le ciel, entrera dans le royaume des cieux, le sujet de cette proposition contient deux propositions, puisqu'il comprend deux verbes; mais comme ils sont joints par des qui, ils ne font partie que du sujet : au lieu que quand je dis les biens et les maux viennent du Seigneur, il y a proprement deux sujets, parce que j'affirme également de l'un et de l'autre qu'ils viennent de Dieu.

Et la raison de cela est que les propositions jointes à d'autres par des qui, ou ne sont des propositions que fort imparfaitement, selon ce qui sera dit plus bas, ou ne sont pas tant considérées comme des propositions que l'on fasse alors que comme des propositions qui ont été faites auparavant, et qu'alors on ne fait plus que concevoir, comme si c'étaient de simples idées. D'où vient qu'il est indifférent d'énoncer ces propositions incidentes par des noms adjectifs ou par des participes sans verbes et sans qui, ou avec des verbes et des qui; car c'est la même chose de dire Dieu invisible a créé le monde visible, ou Dieu qui est invisible, a créé le monde qui est visible. Alexandre, le plus généreux de tous les rois, a vaincu Darius, ou Alexandre, qui a été le plus généreux de tous les rois, a vaincu Darius : et dans l'un et dans l'autre, mon but principal n'est pas d'affirmer que Dieu soit invisible, ou qu'Alexandre ait été le plus généreux de tous les rois ; mais supposant l'un et l'autre comme affirmé auparavant, j'af— firme de Dieu conçu comme invisible, qu'il a créé le monde visible, et d'Alexandre conçu comme le plus généreux de tous les rois, qu'il a vaincu Darius.

Mais si je disais Alexandre a été le plus généreux de tous les rois et le vainqueur de Darius, il est visible que j'affirmerais également d'Alexandre, et qu'il aurait été le plus généreux de tous les rois, et qu'il aurait été le vainqueur de Darius. Et ainsi c'est avec raison qu'on appelle ces dernières sortes de propositions des propositions composées, au lieu qu'on peut appeler les autres des propositions complexes.

Il faut encore remarquer que ces propositions complexes peuvent être de deux sortes: car la complexion, pour parler ainsi, peut tomber ou sur la matière de la proposition, c'est-à-dire sur le sujet ou sur l'attribut, ou sur tous les deux, ou bien sur la forme seulement.

1o La complexion tombe sur le sujet, quand le sujet est un terme complexe, comme dans cette proposition : Tout homme qui ne craint rien est roi : Rex est qui metuit nihil..

Beatus ille qui procul negotiis,

Ut prisca gens mortalium,

Paterna rura bobus exercet suis,
Solutus omni fenore 45.

HEC

DI

Car le verbe est est sous-entendu dans cette dernière proposition, et beatus en est l'attribut, et tout le reste le sujet.

2o La complexion tombe sur l'attribut, lorsque l'attribut est un terme complexe, comme : La piété est un bien qui rend l'homme heureux dans les plus grandes adversités.

Sum pius Eneas fama super æthera notus 46.

Mais il faut particulièrement remarquer ici que toutes les propositions composées de verbes actifs et de leur régime peuvent être appelées complexes, et qu'elles contiennent en quelque manière deux propositions. Si je dis, par exemple, Brutus a tué un tyran, cela veut dire que Brutus a tué quelqu'un, et que celui qu'il a tué était tyran. D'où vient que cette proposition peut être contredite en deux manières, ou en disant: Brutus n'a tué personne, ou en disant que celui qu'il a tué n'était pas tyran. Ce qu'il est très-important de remarquer, parce que lorsque ces sortes de propositions entrent en des arguments, quelquefois on n'en prouve qu'une partie en supposant l'autre ce qui oblige souvent, pour réduire ces arguments dans la forme la plus naturelle, de changer l'actif en passif, afin que la partie qui est prouvée soit exprimée directement, comme nous remarquerons plus au long quand nous traiterons des arguments composés de ces propositions complexes.

3o Quelquefois la complexion tombe sur le sujet et sur l'attribut; l'un et l'autre étant un terme complexe, comme dans cette proposition: Les grands qui oppriment les pauvres seront punis de Dieu, qui est le protecteur des opprimés.

Ille ego qui quondam gracili modulatus avena
Carmen, et egressus silvis vicina coegi,

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