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le chaud, il le définit, ce qui rassemble les corps semblables et définit les dissemblables: Quod congregat homogenea et disgregat heterogenea.

Et le froid, ce qui rassemble les corps dissemblables et désunit les semblables: Quod congregat heterogenea et disgregat homogenea 114. C'est ce qui convient quelquefois au chaud et au froid, mais non pas toujours, et ce qui de plus ne sert de rien à nous faire entendre la vraie cause qui fait que nous appelons un corps chaud et un autre froid; de sorte que le chancelier Bacon avait raison de dire que ces définitions étaient semblables à celle qu'on ferait d'un homme en le définissant: un animal qui fait des souliers et qui laboure les vignes. Le même philosophe définit la nature : Principium motus et quietis in eo in quo est 115; le principe du mouvement et du repos en ce en quoi elle est. Ce qui n'est fondé que sur une imagination qu'il a eue que les corps naturels étaient en cela différents des corps artificiels, que les naturels avaient en eux le principe de leur mouvement et que les artificiels ne l'avaient que de dehors; au lieu qu'il est évident et certain que nul corps ne peut se donner le mouvement à soi-même, parce que la matière étant de soi-même indifférente au mouvement et au repos, ne peut être déterminée à l'un ou à l'autre que par une cause étrangère, ce qui ne pouvant aller à l'infini, il faut nécessairement que ce soit Dieu qui ait imprimé le mouvement dans la matière, et que ce soit lui qui l'y conserve.

La célèbre définition de l'âme paraît encore plus défectueuse : Actus primus corporis naturalis organici potentia vitam habentis; l'acte premier du corps naturel organique qui a la vie en puissance 116. On ne sait ce qu'il a voulu définir car, 1° si c'est l'âme en tant qu'elle est commune aux hommes et aux bêtes, c'est une chimère qu'il a définie, n'y ayant rien de commun entre ces deux choses. 2o Il a expliqué un terme obscur par quatre ou cinq plus obscurs; et, pour ne parler que du mot de vie, l'idée qu'on a de la vie n'est pas moins confuse que celle qu'on a de l'âme, ces deux termes étant également ambigus et équivoques.

Voilà quelques règles de la division et de la définition; mais quoiqu'il n'y ait rien de plus important dans les sciences que de bien diviser et de bien définir, il n'est pas nécessaire d'en rien dire ici davantage, parce que cela dépend beaucoup plus de la connaissance de la matière que l'on traite que des règles de la logique.

CHAPITRE XVII.

De la conversion des propositions, où l'on explique plus à fond la nature de l'affirmation et de la négation, dont cette conversion dépend, et premièrement de la nature de l'affirmation.

(Les chapitres suivants sont un peu difficiles à comprendre, et ne sont nécessaires que pour la spéculation. C'est pourquoi ceux qui ne voudront pas se fatiguer l'esprit à des choses peu utiles pour la pratique, peuvent les passer.)

J'ai réservé jusqu'ici à parler de la conversion des propositions, parce que de là dépendent les fondements de toute l'argumentation dont nous devons traiter dans la partie suivante; et ainsi il a été bon que cette matière ne fût pas éloignée de ce que nous avions à dire du raisonnement, quoique, pour bien la traiter, il faille reprendre quelque chose de ce que nous avons dit de l'affirmation ou de la négation, et expliquer à fond la nature de l'une et de l'autre.

Il est certain que nous ne saurions exprimer une proposition aux autres que nous ne nous servions de deux idées : l'une pour le sujet et l'autre pour l'attribut, et d'un autre mot qui marque l'union que notre esprit y conçoit.

Cette union ne peut mieux s'expliquer que par les paroles mêmes dont on se sert pour affirmer, en disant qu'une chose est une autre chose.

Et de là il est clair que la nature de l'affirmation est d'unir et d'identifier, pour le dire ainsi, le sujet avec l'attribut, puisque c'est ce qui est signifié par le mot est.

Et il s'ensuit aussi qu'il est de la nature de l'affirmation de mettre l'attribut dans tout ce qui est exprimé dans le sujet, selon l'étendue qu'il a dans la proposition; comme quand je dis que tout homme est animal, je veux dire et je signifie que tout ce qui est homme est aussi animal; et ainsi je conçois l'animal dans tous les hommes.

Que si je dis seulement quelque homme est juste, je ne mets pas juste dans tous les hommes, mais seulement dans quelque homme.

Mais il faut pareillement considérer ici ce que nous avons déjà dit, qu'il faut distinguer dans les idées la compréhension de l'extension, et que la compréhension marque les attributs contenus

dans une idée; et l'extension, les sujets qui contiennent cette idée.

Car il s'ensuit de là qu'une idée est toujours affirmée selon sa compréhension, parce qu'en lui ôtant quelqu'un de ses attributs essentiels, on la détruit et on l'anéantit entièrement, et ce n'est plus la même idée; et, par conséquent, quand elle est affirmée, elle l'est toujours selon tout ce qu'elle comprend en soi. Ainsi, quand je dis qu'un rectangle est un parallélogramme, j'affirme du rectangle tout ce qui est compris dans l'idée du parallelogramme; car, s'il y avait quelque partie de cette idée qui ne convînt pas au rectangle, il s'ensuivrait que l'idée entière ne lui conviendrait pas, mais seulement une partie de cette idée : et ainsi le mot de parallelogramme, qui signifie l'idée totale, devrait être nié et non affirmé du rectangle. On verra que c'est le principe de tous les arguments affirmatifs.

Et il s'ensuit, au contraire, que l'idée de l'attribut n'est pas prise selon toute son extension, à moins que son extension ne fût pas plus grande que celle du sujet.

Car si je dis que tous les impudiques seront damnés, je ne dis pas qu'ils seront eux seuls tous les damnés, mais qu'ils seront du nombre des damnés.

Ainsi, l'affirmation mettant l'idée de l'attribut dans le sujet, c'est proprement le sujet qui détermine l'extension de l'attribut dans la proposition affirmative, et l'identité qu'elle marque regarde l'attribut comme resserré dans une étendue égale à celle du sujet, et non pas dans toute sa généralité, s'il en a une plus grande que le sujet; car il est vrai que les lions sont tous animaux, c'est-à-dire que chacun des lions renferme l'idée d'animal; mais il n'est pas vrai qu'ils soient tous les animaux.

J'ai dit que l'attribut n'est pas pris dans toute sa généralité, s'il en a une plus grande que le sujet ; car n'étant restreint que par le sujet, si le sujet est aussi général que cet attribut, il est clair qu'alors l'attribut demeurera dans toute sa généralité, puisqu'il en aura autant que le sujet; et nous supposons que, par sa nature, il n'en peut avoir davantage.

De là on peut recueillir ces quatre axiomes indubitables.

AXIOME I. L'attribut est mis dans le sujet par la proposition affirmative, selon toute l'extension que le sujet a dans la proposition; c'est-à-dire que si le sujet est universel, l'attribut est conçu dans toute l'extension du sujet; et si le sujet est particu

lier, l'attribut n'est conçu que dans une partie de l'extension du sujet. Il y en a des exemples ci-dessus.

AXIOME II. L'attribut d'une proposition affirmative est affirmé selon toute sa compréhension, c'est-à-dire selon tous ses attributs. La preuve en est ci-dessus.

AXIOME III. L'attribut d'une proposition affirmative n'est point affirmé selon toute son extension, si elle est de soi-même plus grande que celle du sujet.

AXIOME IV. L'extension de l'attribut est resserrée par celle du sujet, en sorte qu'il ne signifie plus que la partie de son extension qui convient au sujet; comme quand on dit que les hommes sont animaux, le mot d'animal ne signifie plus tous les animaux, mais seulement les animaux qui sont hommes.

CHAPITRE XVIII.

De la conversion des propositions affirmatives.

On appelle conversion d'une proposition, lorsqu'on change le sujet en attribut, et l'attribut en sujet, sans que la proposition cesse d'être vraie, si elle l'était auparavant, ou plutôt en sorte • qu'il s'ensuive nécessairement de la conversion, qu'elle est vraie, supposé qu'elle le fùt.

Or, ce que nous venons de dire fera entendre facilement comment cette conversion doit se faire; car, comme il est impossible qu'une chose soit jointe et unie à une autre, que cette autre ne soit jointe aussi à la première, et qu'il s'ensuit fort bien que si A est joint à B, B aussi est joint à A, il est clair qu'il est impossible que deux choses soient connues comme identifiées, qui est la plus parfaite de toutes les unions, que cette union ne soit réciproque, c'est-à-dire que l'on ne puisse faire une affirmation mutuelle des deux termes unis en la manière qu'ils sont unis; ce qui s'appelle conversion.

Ainsi, comme dans les propositions particulières affirmatives, par exemple, lorsqu'on dit : Quelque homme est juste, le sujet et l'attribut sont tous deux particuliers, le sujet d'homme étant particulier par la marque de particularité que l'on y ajoute, et l'at

tribut juste l'étant aussi, parce que son étendue étant resserrée par celle du sujet, il ne signifie pas que la seule justice qui est en quelque homme; il est évident que si quelque homme est identifié avec quelque homme, quelque juste aussi est identifié avec quelque juste; et qu'ainsi il n'y a qu'à changer simplement l'attribut en sujet, en gardant la même particularité, pour convertir ces sortes de propositions.

On ne peut pas dire la même chose des propositions universelles affirmatives, à cause que, dans ces propositions, il n'y a que le sujet qui soit universel, c'est-à-dire qu'il soit pris selon toute son étendue, et que l'attribut, au contraire, est limité et restreint; et partant, lorsqu'on le rendra sujet par la conversion, il faudra lui garder sa même restriction, et y ajouter une marque qui le détermine, de peur qu'on ne le prenne généralement. Ainsi, quand je dis que l'homme est animal, j'unis l'idée d'homme avec celle d'animal, restreinte et resserrée aux seuls hommes, et partant, quand je voudrai envisager cette union comme par une autre face, en commençant par l'animal, et affirmer ensuite l'homme, il faut conserver à ce terme sa même restriction, et de peur que l'on ne s'y trompe, y ajouter quelque note de détermination.

De sorte que de ce que les propositions universelles affirmatives ne peuvent se convertir qu'en particulières affirmatives, on ne doit pas conclure qu'elles se convertissent moins proprement que les autres; mais comme elles sont composées d'un sujet général et d'un attribut restreint, il est clair que lorsqu'on les convertit, en changeant l'attribut en sujet, elles doivent avoir un sujet restreint et resserré, c'est-à-dire particulier.

De là on doit tirer ces deux règles.

RÈGLE I. Les propositions universelles affirmatives peuvent se convertir en ajoutant une marque de particularité à l'attribut devenu sujet.

RÈGLE II. Les propositions particulières affirmatives doivent se convertir sans aucune addition, ni changement, c'est-à-dire en retenant pour l'attribut devenu sujet, la marque de particularité qui était au premier sujet.

Mais il est aisé de voir que ces deux règles peuvent se réduire à une seule qui les comprendra toutes deux.

L'attribut étant restreint par le sujet dans toutes les propositions affirmatives, si on veut le faire devenir sujet, il faut lui conserver sa restriction, et par conséquent lui donner une marque

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