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LE SÉNATEUR.

Je veux que vous voyiez cela. On la va répéter pour en donner le divertissement au peuple.

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plaisir. Allons, messieurs, venez. Voyons si cela ira bien.

D. PEDRE.

La peste soit du fou, avec sa mascarade!

LE SÉNATEUR.

Diantre soit le fâcheux, avec son affaire!

SCÈNE XXII.

UN SÉNATEUR, TROUPE DE DANSEURS.

ENTRÉE DE BALLET.

(Plusieurs danseurs, vêtus en Maures, dansent devant le sénateur, et finissent la comédie.)

FIN DU SICILIEN.

SUR

LE SICILIEN.

Il étoit réservé à Molière de créer tous les genres de comédie. Jusqu'alors on n'avoit cherché dans les petites pièces qu'à égayer les spectateurs, et l'on ne s'étoit pas montré difficile sur le choix des moyens. On ne croyoit pas que la grâce, la délicatesse et l'élégance des manières pussent entrer dans des comédies qu'on ne considéroit que comme des farces destinées à reposer l'attention long-temps occupée ou par une tragédie, ou par une comédie de caractère. LE SICILIEN prouva qu'on pouvoit réussir dans un genre absolument différent. C'est la première de nos petites pièces où l'on trouve cette galanterie légère, cette finesse de sentiment qui ne convenoient auparavant qu'aux comédies plus étendues. Ce modèle charmant a été plusieurs fois imité; mais, en voulant fuir la farce, on est tombé dans l'excès opposé : la délicatesse est devenue de l'affectation, la grâce de la manière, et la finesse du faux bel esprit. De là toutes ces comédies de boudoir qui se sont succédées au théâtre françois malgré les réclamations des partisans de l'ancien genre.

Molière, en donnant à Isidore une coquetterie aimable, nous a laissé quelque idée du caractère de sa femme : jamais il ne réussit mieux que quand il parle d'elle. Presque tous les caractères d'amoureuses qui se trouvent dans ses pièces ont des rapports plus ou moins éloignés avec cette jeune femme, qu'il aimoit éperdument, et dont il avoit le malheur d'être

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jaloux. Celui d'Isidore présente plusieurs traits qui la font reconnoître. On a vu, dans la Vie de Molière, que son plus grand tort étoit d'être légère, et de se montrer flattée des hommages qu'on lui rendoit. Ce défaut est retracé dans la septième scène du SICILIEN. «A quoi bon dissimuler, dit naivement. « Isidore? Quelque mine qu'on fasse, on est toujours bien aise « d'être aimée. Ces hommages à nos appas ne sont jamais pour « nous déplaire. Quoi qu'on en puisse dire, la grande ambiation des femmes est, croyez-moi, d'inspirer de l'amour. « Tous les soins qu'elles prennent ne sont que pour cela; et « l'on n'en voit point de si fière qui ne s'applaudisse en son « cœur des conquêtes que font ses yeux.» Don Pèdre témoigne de la jalousie. «Je ne sais pas pourquoi cela, poursuit Isidore, « et si j'aimois quelqu'un, je n'aurois point de plus grand plai-, « sir que de le voir aimé de tout le monde. Y a-t-il rien qui « marque davantage la beauté du choix qu'on a fait ? Et n'est« ce pas pour s'applaudir que ce que nous aimons soit trouvé « fort aimable?» Quelques années après, Molière fit un portrait plus détaillé de sa femme dans LE BOURGEOIS GENTILHOMME : nous reviendrons sur cette scène, l'une des plus agréables et des plus touchantes qu'il ait composées.

La scène du portrait mérite d'être remarquée": la galanterie d'Adraste, la manière aimable et naturelle dont Isidore y répond, la jalousie de don Pèdre, produisent un tableau charmant. Cette situation a été souvent imitée, mais n'a jamais été aussi bien rendue.

On trouve dans LE SICILIEN un trait de mœurs qui peut donner lieu à quelques observations. Adraste s'est introduit chez don Pedre comme un peintre : « Je manie, dit-il, fort bien le « pinceau, contre la coutume de France, qui ne veut pas qu'un ❝gentilhomme sache rien faire. » Cela montre qu'à cette

époque, la noblesse ne pouvoit, sans se dégrader, cultiver les arts agréables : c'étoit sans doute un excès de bienséance qui devoit déplaire à un esprit aussi juste que Molière. Mais dans le siècle suivant, n'est-on pas tombé dans l'excès opposé, qui est encore plus blâmable? La manie des arts se répandit dans la noblesse et dans la magistrature: on se fit une gloire de les cultiver; et cette occupation fit négliger les devoirs les plus essentiels : souvent tout étoit sacrifié à la folle vanité de passer pour un artiste. Si Molière eût vécu, quels traits n'eûtil pas lancés contre ces amateurs ridicules!

Il y a des rapports entre le dénoûment du SICILIEN et celui de L'ÉCOLE DES MARIS : dans celle-ci, Isabelle échappe à son tuteur en se faisant passer pour Léonor; dans LE SICILIEN, Isidore fuit avec Adraste, et trompe don Pèdre, qui croit accorder sa protection à Zaïde. Cette dernière situation est peutêtre plus forte que celle de L'ÉCOLE DES MARIS, parce que le jaloux unit lui-même les deux amants.

Louis XIV fit à cette époque reprendre LE BALLET DES MUSES dont il a déjà été parlé. Molière, qui n'avoit aucun désir d'achever MÉLICERTE, y substitua LE SICILIEN, pièce bien supérieure. Peut-être faut-il attribuer à cette circonstance le nouveau ton qu'il se permit d'introduire dans les com dies en un acte. La fête étoit essentiellement galante : des farces auroient pu déplaire à cette espèce de spectateurs: il falloit donc leur donner une pièce qui joignît aux effets comiques la délicatesse des pastorales.

Voyez Réflexions sur Mélicerte.

LE TARTUFFE,

COMÉDIE

EN CINQ ACTES ET EN VERS,

Représentée et défendue le 5 août 1667. Reprise à Paris, sur le théâtre du Palais-Royal, le 5 février 1669.

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