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point, par exemple, à la clause qui introduit sur le Congo un régime nouveau et particulier en temps de guerre. Du moins le Gouvernement Français, pour ce qui le concerne, croit devoir maintenir ces rivières et fleuves sous l'empire des règles ordinaires du droit des gens, sauf, bien entendu, la réserve d'accords ultérieurs qui pourraient s'établir dans un ordre d'idées analogue à celui dont s'inspirait une proposition récente du Ministre des États-Unis.

SAID PACHA rappelle les réserves qu'il a dû établir relativement à l'extension des travaux de la Contérence à des territoires non compris dans son programme primitif, réserves mentionnées notamment au Protocole 3, page 33, et au Protocole 4, page 49. Il désire maintenant faire connaître les instructions qu'il a reçues de son Gouvernement à ce sujet. Elles lui prescrivent de s'abstenir de prendre part aux discussions qui ne rentreraient pas dans le cadre du programme dont il s'agit.

Le PRÉSIDENT fait ressortir que cette observation s'applique à la clause étendant la liberté commerciale à l'Est du bassin du Congo. Il croit donc qu'il convient de continuer la discussion des Actes de navigation et de recevoir, une fois l'ordre du jour épuisé, les déclarations de Saïd-Pacha.

L'article III est mis aux voix et adopté.

Au sujet de l'Article IV, M. SANFORD annonce que, comme il a été convenu la Commission, il se réserve de saisir ultérieurement la Conférence d'une proposition amendée, ayant pour objet d'assurer et de protéger l'établissement de voies de communication commerciales entre le Bas et le Haut-Congo et notamment d'un chemin de fer autour des cataractes.

La HAUTE ASSEMBLÉE adopte ensuite sans autre discussion les Articles IV, V, VI, VII, VIII, IX et X du Projet.

L'Article XI étant mis en délibération, le Baron LAMBERMONT suggère un amendement destiné à préciser plus complètement encore que ne le fait le texte du Projet l'irresponsabilité des Gouvernements en cas d'emprunt contracté par la Commission Internationale. Il propose de substituer aux mots : comme assumant aucune garantie ni solidarité les mots suivants : comm? assumant aucune garantie, ni contractant aucun engagement ni solidarité.

Le Baron DE COURCEL et M. BUSCH adhèrent à cette proposition. La HAUTE ASSEMBLÉE adopte l'Article XI avec cette modification.

L'Article XII est également adopté.

Le Comte KAPNIST prend la parole sur l'Article XIII dans les termes suivants :

<< Lorsqu'on a discuté dans la Commission les Articles qui sont devenus aujourd'hui les Articles VI, IX et XIII dans la nouvelle rédaction du Projet, j'ai déclaré que mes instructions ne me permettaient d'adhérer à ces Articles qu'à la condition que tous les autres Plénipotentiaires fussent unanimes en leur faveur, et que, dans ce cas même, je ne pouvais les accepter que sous le bénéfice des réserves que j'aurais à formuler dans la Conférence.

» Je viens donc rappeler ici la réserve générale que j'ai faite en parlant du préambule.

» Cette réserve s'applique plus particulièrement aux articles susmentionnés, attendu que les dispositions qu'ils contiennent tendraient à introduire, si on les généralisait, des innovations assez notables dans le domaine du droit public.

» Je dois donc répéter qu'en adhérant aux règles adoptées par la Conférence

-

pour répondre au vœu éclairé du Gouvernement Impérial d'Allemagne, qui nous a réunis ici en vue d'assurer les rela ions pacifiques et le libre développement des intérêts commerciaux dans les régions de l'Afrique dont nous nous occupons le Gouvernement que j'ai l'honneur de représenter ici entend limiter les effets de son assentiment à ces contrées, où les circonstances locales et les intérêts internationaux actuellement engagés justifient ces règles, mais qu'il réserve expressément sa liberté d'appréciation en tant qu'il s'agirait de les généraliser, ou de les appliquer à d'autres circonstances ou à d'autres contrées.

» Il ne saurait, par conséquent, jamais ressortir de l'adhésion du Gouvernement Impérial de Russie aux Articles en question, un précédent, ou une règle du droit public obligatoire pour lui, à un degré quelconque, pour d'autres circonstances et

d'autres localités.

» Au surplus, je dois faire une réserve toute spéciale quant au 3o alinéa de l'Article XIII qui a trait aux objets considérés comme articles de contrebande de guerre. » Je n'ai pas voulu abuser du droit reconnu à tous les Plénipotentiaires de prendre part, lorsqu'ils le trouveraient nécessaire, aux délibérations de la Commission composée des Représentants des Puissances comprises dans la première série des invitations à la Conférence. C'est pourquoi je me vois obligé de revenir maintenant sur une question qui a été soulevée dans la Commission en mon absence et sans que je puisse exactement me rendre compte, par le Rapport, de la suite qui lui a été donnée.

» Je veux parler de la proposition Anglaise (voir annexe No 10 au Rapport) dans laquelle la houille se trouverait rangée parmi les articles devant être considérés en vertu du droit des gens comme contrebande de guerre.

>> Sans vouloir en aucune façon soulever ici un débat à ce sujet, je dois déclarer, pour me conformer à mes instructions, que le Gouvernement Impérial de Russie n'accepterait en aucun cas une telle interprétation.

» Sur ce point, mes instructions sont péremptoires. Le Gouvernement que j'ai l'honneur de représenter ici refuserait catégoriquement son assentiment à l'article d'un traité, d'une convention, ou d'un Acte quelconque, qui impliquerait la reconnaissance de la houille ou du charbon comme contrebande de guerre.

» Il n'y adhérerait pas même sous la réserve d'une limitation de la portée d'un tel article aux régions qui nous occupent, ou à n'importe quelle autre localité. »

Le Baron LAMBERMONT fait observer que la Commission s'est précisément abstenue, dans la rédaction de son Projet, de rien spécifier quant à l'interprétation ou la portée à donner aux termes de contrebande de guerre.

Sir E. MALET fait ressortir de son côté que, dans sa proposition, reproduite sous le No 18 des documents imprimés, il s'est attaché à éviter les objections qui auraient pu être soulevées, si, conformément aux théories admises par le Gouvernement Britannique, il avait compris la houille parmi les articles de contrebande de guerre. Il a donc visé, séparément, d'abord l'interdiction du trafic des munitions de guerre et, ensuite, l'interdiction du commerce de la houille.

Le Comte KAPNIST dit qu'il a voulu précisément enregistrer la différence qui existe sur ce point entre les vues de son Gouvernement et celles du Gouvernement Britannique.

LA CONFÉRENCE prononce ensuite l'adoption des Articles XIII et XIV.

Sir Edward MALET revient sur les observations présentées par le Marquis de Penafiel au sujet de l'Article I. Le Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne, qui les avait impar

faitement entendues, tiendrait à ce qu'il fût bien constaté que l'amendement du Plénipotentiaire Portugais a été écarté par la Commission.

Le Marquis DE PENAFIEL dit que sa proposition tendait seulement à empêcher la piraterie.

M. de Kusserow rappelle à cette occasion que les Représentants du Gouvernement Allemand n'ont pas adhéré à la motion du Marquis de Penafiel, dans la Commission, parce qu'ils n'ont pas voulu qu'une gêne nouvelle fût créée pour la navigation. D'après la règle consacrée par tous les traités de commerce et de navigation de récente date, les papiers de bord, dont un navire marchand est muni conformément aux lois de son pays, suffisent pour établir sa nationalité.

Le PRÉSIDENT Soumet à la Haute Assemblée l'ensemble du projet concernant la liberté de la navigation sur le Congo et constate son adoption.

Le Baron LAMBERMONT fait connaître que, par suite d'une erreur matérielle, le mémoire du Plénipotentiaire Britannique, concernant le Niger (no 11a des documents imprimés), n'a pas été joint au rapport de la Commission. La Conférence pourrait décider qu'il fût suppléé à cette lacune.

Le Baron DE COURCEL considère que la question est de la compétence personnelle du Baron LAMBERMONT, à qui il appartient d'apprécier quelles pièces doivent être jointes à son Rapport. La Conférence, en intervenant pour décider l'adjonction d'une annexe, paraîtrait émettre une appréciation implicite relativement à son contenu.

Le Baron LAMBERMONT dit qu'il a simplement voulu signaler une lacune dans le document imprimé sous sa direction.

M. BUSCH lit le préambule de l'Acte concernant le Niger. En vue de rapprocher sa rédaction de celle adoptée au sujet du Congo, la Conférence en modifie le texte comme suit :

<< Le Congrès de Vienne ayant établi, par les articles 108 à 116 de son Acte final, les >> principes destinés à régler, entre les Puissances signataires de cet Acte, la libre navi»gation des cours d'eau navigables qui séparent ou traversent plusieurs États, et ces » principes ayant été appliqués à des fleuves de l'Europe et de l'Amérique, les Puis>> sances dont les Plénipotentiaires se sont réunis en Conférence à Berlin ont résolu de >> les étendre au Niger et à ses affluents. >>

A cette fin, Elles sont convenues des Articles suivants :
Les Articles II à VII sont ensuite adoptés sans discussion.

Au sujet de l'Article VIII, paragraphe 2, le Baron LAMBERMONT exprime un doute relativement à l'utilité de la référence à l'Article III inscrite dans ce paragraphe; le régime des affluents se trouve, en effet, déjà réglé dans le paragraphe précédent.

Le Baron DE COURCEL fait observer qu'il peut exister, sur les affluents du fleuve, des voies de communication latérales, auxquelles se rapporterait la référence.

L'Article VIII est adopté tel qu'il est formulé dans le Projet.

La CONFÉRENCE adopte également l'Article IX et l'ensemble du Projet d'Acte.

Le Comte KAPNIST dit à cette occasion ce qui suit :

« Je prie la Haute Assemblée de vouloir bien prendre acte de ce que, pour cette fois du moins, elle est en présence, non pas d'une application large des principes du Congrès de Vienne, mais bien vis-à-vis d'une restriction de ces principes, attendu que, sur

le Niger, il n'y aura non seulement pas de Commission Internationale, mais pas même de Commission de riverains.

» Les Puissances qui domineront sur les bords de ce fleuve mixte, mais heureusement privilégié, veilleront elles-mêmes et sans aucune intervention étrangère à l'élaboration et à l'application des règlements conformes au principe de la libre navigation garantie pour ce fleuve. »

Sir Edward MALET rappelle les discussions auxquelles a donné lieu le commerce des boissons spiritueuses. La Commission a décidé, en dernier lieu, de proposer à la Conférence l'adoption d'un vœu dont le texte se trouve reproduit à la page 92 de son Rapport. Le Représentant de la Grande-Bretagne demande à la Conférence de sanctionner ce vœu et d'en prescrire l'insertion au Protocole.

Le Comte DE LAUNAY établit que, le premier, il a soulevé la question humanitaire dont s'occupe actuellement la Conférence et il appuie la proposition de Sir Edward Malet.

Le Comte VAN DER STRAETEN dit qu'il lui reste quelque doute relativement à l'efficacité pratique qu'aura le vœu soumis à la Haute Assemblée, si les Puissances doivent considérer leur responsabilité morale comme dégagée à la suite de cette manifestation. Il s'agit du salut des races indigènes du centre Africain. Le Comte van der Straeten demande que l'on étende à tous les territoires de la zone franche la déclaration de principe qui, d'après le texte actuel du væu, ne s'appliquerait qu'au seul bassin du Niger. Le Plénipotentiaire Belge retrace les discussions qui ont eu lieu à ce sujet au sein de la Commission. Il raconte, avec émotion, comment, ayant vécu au milieu des populations Indiennes, en contact avec les missionnaires qui s'efforçaient de leur imprimer le sceau de la civilisation, il a constaté le désespoir de ces prêtres chrétiens qui voyaient périr la race indienne succombant aux excès de liqueurs fortes. Le Comte van der Straeten a observé, dans les plantations de l'Amérique du Sud, les mêmes ravages, opérés par les alcools sur les races noires, celles précisément qui habitent le centre de l'Afrique. Le Plénipotentiaire Belge dit que les races indigènes de la zone franche seront sobres ou, bientôt, ne seront plus. Il y a d'ailleurs une différence entre les effets produits par l'alcoolisme sur les races Indiennes, d'une part, et sur les races Africaines, de l'autre. Le nègre ne succombe pas physiquement à l'ivrognerie; il succombe moralement. Si les Puissances ne le sauvent pas de ce vice, on fera de lui un monstre qui dévorera l'œuvre de la Conférence. Aussi le Comte van der Straeten considère-t-il comme insuffisant le vœu consigné au Rapport du Baron Lambermont. Il voudrait que les Puissances prissent l'engagement moral de continuer leur œuvre, comme Elles l'ont pris autrefois, dans le Traité de Vienne, relativement à la suppression de l'esclavage.

On veut concilier les intérêts légitimes du commerce avec ceux de l'humanité. Pour atteindre véritablement ce but, il est indispensable de compléter la résolution dont le texte est proposé par la Commission; le Plénipotentiaire Belge propose d'y pourvoir en ajoutant au vou actuellement en discussion le paragraphe suivant, également destiné à être inséré au Protocole, avec la sanction d'un vote de la Conférence :

་་

En émettant le vœu qu'une entente s'établisse entre les Gouvernements pour régler le commerce des boissons spiritueuses, la Conférence ne juge pas avoir entièrement rempli sa mission d'humanité. Elle entend laisser le complément de sa tâche à des négociations que les Gouvernements représentés à la Conférence engageraient en tenant compte des circonstances pour concilier les intérêts du commerce avec les droits

imprescriptibles des populations Africaines et les principes d'humanité dans toute l'étendue du territoire du Congo. »

Le Comte DE LAUNAY rend hommage aux sentiments élevés qui viennent d'être exprimés par le Comte van der Straeten L'Ambassadeur d'Italie tient à faire observer, à cette occasion, que, lorsqu'il parlait à deux reprises sur cette question, il comprenait dans sa pensée les territoires du Congo comme ceux du Niger, mais qu'il ne se prononçait pas pour l'inter diction absolue du commerce des spiritueux. Dans cet ordre d'idées, le Comte DE LAUNAY s'associe volontiers à la proposition du Comte van der Straeten, parce qu'elle répond à l'objet qu'il a lui-même en vue : concilier les droits de l'humanité avec les intérêts légitimes du commerce.

M. KASSON croit indispensable de contrôler le trafic des boissons spiritueuses. Il désire qu'un effort de plus soit fait dans ce but et que la question soit renvoyée, à cet effet, à l'examen de la Commission.

M. VAN DER HOEVEN estime que l'on ne saurait faire plus que de reconnaître aux États établis dans l'Afrique centrale la faculté de prendre des mesures pour réglementer et surveiller le débit des boissons.

M. BUSCH exprime toute sa sympathie pour la cause philanthropique éloquemment plaidée par le Comte van der Straeten; toutefois, les idées du Représentant de l'Allemagne sont encore indécises en ce qui touche la solution pratique qu'il serait possible de fixer. Il croit avec M. van der Hoeven que le contrôle du débit des boissons est pour le moment le seul moyen pratique, mais que des mesures de cette nature ne sont pas de la compétence de la Conférence. Il n'oserait donc pas adhérer à la proposition du Comte van der Straeten, mais il est prêt dès à présent à s'associer au vœu formulé par la Commission.

Le Baron DE COURCEL estime, comme M. van der Hoeven, que c'est le contrôle du débit des spiritueux que l'on doit s'attacher à faciliter. Mais c'est là une des attributions de l'administration et de la police intérieures qui ressort tout naturellement aux souverainetés locales. Le vœu formulé par la Commission répond aux vues de Sir Edward Malet comme, en général, à celles de la Conférence; il donnera aux Gouvernements l'appoint de force morale nécessaire pour combattre, dans la mesure possible, le fléau contre lequel il s'agit de se prémunir.

M. DE KUSSEROW rappelle un précédent qu'il a déjà cité devant la Commission : le Gouvernement Siamois a récemment conclu avec diverses Puissances un traité qui lui a permis de remédier aux abus du commerce des spiritueux. C'est, en effet, dans l'initiative prise par les Gouvernements locaux que se trouvera le meilleur remède contre la démoralisation des populations par l'abus des liqueurs fortes. Le vœu sur lequel délibère, en ce moment, la Conférence est une garantie que les Gouvernements locaux trouveront toujours auprès des Puissances représentées dans la Haute Assemblée le concours qu'ils leur demanderaient dans cet ordre d'idées.

Le Comte VAN DER Straeten reconnaît les difficultés que soulève la question, mais il a rempli un devoir de conscience en présentant sa motion.

Sur une interrogation de M. Busch, M. KASSON dit qu'il voudrait qu'un dernier effort fût fait dans la Commission pour trouver une formule propre à réunir toutes les adhésions.

Sir Edward MALET croirait également utile une tentative de cette nature.

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