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Le PRÉSIDENT Consulte la Conférence relativement à l'ordre dans lequel elle désire se prononcer sur les propositions qui lui sont soumises en ce moment.

Le Comte DE LAUNAY demanderait la priorité pour le vœu présenté par la Commission. Son adoption marquerait un minimum qui pourrait être complété ultérieurement par l'adoption d'une proposition plus large, s'il s'en trouvait un qui pût réunir l'unanimité des suffrages.

Le PRÉSIDENT met aux voix le vœu proposé par la Commission et la Conférence l'adopte.

M. BUSCH demande ensuite si la Haute Assemblée veut continuer l'étude de la question, en vue de rechercher une solution moins restreinte.

Le Baron DE COURCEL croit que le vœu déjà voté tient compte, dans une juste des considérations diverses qu'il y avait lieu de concilier, et qu'il aura pratiquement des conséquences utiles.

mesure,

Sir Edward MALET demande si les effets du vœu dont il s'agit s'étendront aux territoires compris dans le bassin du Congo.

Le Baron LAMBERMONT répond que la Commission s'est bornée à s'inspirer de la proposition Anglaise qui, elle-même, ne visait que le Niger.

Le Comte DE LAUNAY dit que les préoccupations qu'il a été le premier à émettre s'étendaient à la région du Congo, comme à celle du Niger.

Sir Edward MALET pense qu'il convient d'examiner maintenant si les effets du vœu ne devront pas être étendus au bassin du Congo.

M. VAN DER HOEVEN fait remarquer que l'adoption du vœu par la Commission a été entraînée par ce qu'elle savait de la présence, sur le Niger, de populations musulmanes qui n'ont jusqu'à présent pris aucune part à la consommation des boissons spiritueuses. Dans le bassin du Congo, au contraire, il s'est créé des habitudes dont il est impossible de ne pas tenir compte; il s'est notamment établi des usages commerciaux d'après lesquels les spiritueux remplacent, en quelque sorte, la monnaie, et sont le principal instrument des échanges.

Le PRÉSIDENT résume la question et propose de la renvoyer de nouveau à la Commission, conformément au désir manifesté par un certain nombre de Membres de la Conférence.

Ce renvoi est prononcé.

M. KASSON estime dès à présent que la Déclaration relative à la liberté commerciale, qui a déjà réuni les suffrages des Membres de la Conférence, ne saurait empêcher les Gouvernements riverains de contrôler le trafic des boissons spiritueuses parmi les populations qui sont soumises à leur juridiction.

Sir EDWARD MALET se réfère à la Déclaration faite par lui lors de la première séance et dans laquelle il est dit que le Gouvernement de Sa Majesté verrait avec plaisir étendre à d'autres fleuves de l'Afrique le régime qui sera arrêté par la Conférence. Cette observation vise particulièrement le Zambèze. Le Cabinet de Londres croirait désirable que l'application des principes qui régleront la navigation du Niger s'étendit également à ce fleuve. Le Plénipotentiaire de la Grande-Bretagne se permet donc de demander à MM. les Plénipotentiaires du Portugal s'ils s'engagent à étendre au Zambèze le règlement de navigation que les Puissances ont adopté pour le Niger, dans l'intérêt du commerce et de la civilisation.

Le Marquis DE PENAFIEL saisit avec plaisir l'occasion que lui offre le Plénipotentiaire de l'Angleterre pour déclarer que son Gouvernement a déjà, de sa propre autorité, introduit le régime de la libre navigation sur le Zambèze. Ce fleuve, d'ailleurs, differe encore plus du Niger que celui-ci du Congo, puisque le Portugal est seul souverain sur tout le cours navigable du Zambèze. Du reste, cette question étant en dehors du programme de la Conférence, le Gouvernement Portugais ne peut accepter de discussion sur ce sujet et doit réserver son plein droit d'appliquer dans cette partie de ses domaines les principes qu'il jugera les plus convenables selon les circonstances.

M. BUSCH dit que l'on serait néanmoins heureux si le Portugal se décidait un jour à faire connaître qu'il s'offre à appliquer dans la région du Zambèze le régime conventionnel élaboré par la Conférence.

Le Marquis DE PENAFIEL répond que le Gouvernement Portugais, suivant les circonstances, se montrera toujours aussi libéral qu'il le croira possible, dans ses décisions.

Sir EDWARD MALET remet au Président une proposition concernant la traite et ainsi conçue :

« Selon les principes du droit des gens tels qu'ils sont reconnus par les Hautes Parties Contractantes, la traite des nègres et le commerce qui fournit des nègres à la traite sont interdits, et c'est du devoir de toutes les nations de les supprimer autant que possible. »

Sir EDWARD MALET prononce à l'appui de sa motion les paroles suivantes :

<< La traite des nègres a été mise au ban de l'Europe civilisée par une Déclaration du Congrès de Vienne du 8 février 1815. La même question fut discutée par les Conférences d'Aix-la-Chapelle en 1818, et, finalement, au Congrès de Vérone, une résolution, en date du 20 novembre 1822, proclamait le commerce des nègres d'Afrique comme coupable et illicite « un fléau qui a trop longtemps désolé l'Afrique, dégradé l'Europe et affligé l'hu manité ». Par conséquent, les Puissances s'engagèrent à concourir à tout ce qui pourrait assurer et accélérer l'abolition de ce commerce.

» Le projet de Déclaration ci-dessus est rédigé dans l'intention de faciliter et d'accentuer l'ex écution des principes du Congrès de Vérone qui consacrait le devoir des nations civilisées de concourir à la suppression de la traite.

>> Nous pens ons que les mots « et le commerce qui fournit des nègres à la traite >> sont nécessaires pour développer, d'une manière complète, les principes énoncés et c'est dans l'espoir que cette interprétation sera agréée par les Puissances réunies à la Conférence de Berlin que j'ai l'honneur de soumettre le Projet à leur considération. » Le PRÉSIDENT annonce que cette proposition sera discutée dans la prochaine séance. Le Baron LAM BERMONT expose que, dans un certain nombre de traités, il a été inséré une clause permettant aux Puissances non signataires d'adhérer ultérieurement à ces Actes. Une Puissance contractante était chargée par les autres de recevoir ces adhésions, et de suivre toutes les procédures utiles à cet effet. Le Baron LAMBERMONT désire aussi constater que parmi les Gouvernements représentés dans la Haute Assemblée il en est qui devront soumettre à la sanction parlementaire les accords préparés par la Conférence. Il y aurait lieu d'introduire dans les Actes définitifs un article destiné à réserver cette sanction parlementaire, ou tout au moins de fixer, pour l'échange des ratifications, un délai suffisant pour permettre aux Gouvernements d'obtenir l'adhésion de leurs chambres respectives.

La CONFÉRENCE décide qu'il sera fait mention de ces observations au Protocole et qu'il en sera tenu compte lorsqu'il sera procédé à la confection des Actes définitifs.

Le PRÉSIDENT donne la parole à Said Pacha pour la communication que l'Ambassadeur de Turquie a manifesté le désir de faire à la Haute Assemblée.

SAID PACHA S'exprime en ces termes :

<< Le mandat de la Conférence ayant été limité aux territoires de l'Afrique occidentale, mon Gouvernement considère qu'il n'y a pas lieu pour lui de prendre part aux délibérations qui étendraient le programme primitivement fixé. Je regrette, conséquemment, de devoir m'abstenir de participer à toute extension de la discussion. »

Le PRÉSIDENT donne acte de sa déclaration au Représentant de la Turquie.

M. VAN DER HOEVEN rappelle que, comme il a été mentionné au Protocole No 3, page 33, il avait dû réserver son vote relativement à l'application du régime conventionnel aux régions situées en dehors du bassin géographique du Congo. Conformément aux instructions qu'il a reçues depuis lors, LE PLÉNIPOTENTIAIRE des Pays-Bas est en mesure de joindre son adhésion à celle de ses Collègues.

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Rapport de la Commission chargée d'examiner les projets d'Actes

de navigation pour le Congo et le Niger.

A Messieurs les Membres de la Conférence.

MESSIEURS,

La Conférence a reçu la mission - c'est la deuxième partie de sa tâche d'appliquer au Congo et au Niger les articles 108 à 116 de l'Acte final du Congrès de Vienne (Annexe no 1).

Ces articles, dont le texte est ci-joint, déterminent les conditions administratives et financières d'après lesquelles sera réglée à l'avenir la navigation des fleuves et rivières qui séparent ou traversent plusieurs États, dans toute l'étendue de leur cours navigable ou conventionnel. Ils avaient leur source dans l'article V du traité de Paris, du 30 mai 1814, ainsi conçu :

<< La navigation sur le Rhin, du point où il devient navigable jusqu'à la mer, et réciproquement, sera libre, de telle sorte qu'elle ne puisse être interdite à personne, et l'on s'occupera au futur Congrès des principes d'après lesquels on pourra régler les droits à lever par les États riverains de la manière la plus égale et la plus favorable au commerce de toutes les nations.

» Il sera examiné et décidé de même dans le futur Congrès de quelle manière, pour faciliter les communications entre les peuples et les rendre toujours moins étrangers les uns aux autres, la disposition ci-dessus pourra être également étendue à tous les autres fleuves qui, dans leur cours navigable, séparent ou traversent différents États. >>

Les applications historiques des règles édictées au Congrès de Vienne doivent arrêter notre attention.

Le régime conventionnel du Rhin, celui de l'Escaut, celui du Parana et de l'Uruguay et enfin celui du Danube contiennent tous les principes qui constituent aujourd'hui le droit international en matière de cours d'eau navigables communs à plusieurs États.

Le régime du Rhin a subi dans le cours de ce siècle de nombreuses vicissitudes. L'Acte de navigation de 1804, quoique laissant subsister bien des restrictions et des entraves, fut néanmoins un progrès. Le règlement élaboré par le Congrès de Vienne pour le Rhin et qui devait servir de type d'interprétation des articles 108 à 116 de l'Acte final ne réalisa qu'incomplétement l'émancipation de ce grand fleuve. La convention de Mayence du 31 mars 1831, fruit de seize années de discussions et de négociations, laissa subsister plus d'une difficulté. Ce n'est qu'après la transformation politique de l'Allemagne que la situation changea d'aspect. L'Acte du 17 octobre 1868 donne aux principes du Congrès de Vienne une interprétation plus conforme à leur origine. Les péages fluviaux disparaissent, le transit est affranchi; l'unité de direction est indirectement renforcée, les traitements différentiels cessent et les riverains se trouvent mis dans des conditions de stricte égalité. Les étrangers toutefois, n'obtiennent pas encore de plein droit l'assimilation aux nationaux sous tous les rapports.

Le Congrès de Vienne avait décidé l'application à l'Escaut des principes de son Acte final; mais la création du Royaume des Pays-Bas ne laissa à cette clause qu'un intérêt théorique. La situation changea au lendemain de la révolution Belge. La Conférence de Londres fit alors revivre les dispositions de 1815 en leur prêtant une portée nouvelle. La navigation de l'Escaut fut assujettie, il est vrai, à un péage fluvial; mais les traités du 15 novembre 1831, du 19 avril 1839 et du 5 novembre 1842, avec les règlements qui s'y rattachent, contiennent une série de stipulations et de garanties concernant la police maritime, la conservation des passes, le pilotage, l'éclairage, la pêche.

Onze ans plus tard, les traités conclus par la Confédération Argentine pour le Parana et l'Uruguay font faire un progrès nouveau à la législation fluviale. Non seulement ces Actes stipulent la liberté de navigation pour le pavillon marchand de toutes les nations et l'uniformité du système des taxes, mais ils maintiennent ces garanties pour la marine marchande de toutes les nations même en temps de guerre, sans distinction entre le pavillon belligérant ou neutre. (Annexe no 2.)

Il était réservé toutefois à la législation du Danube de sanctionner définitivement les maximes qui règlent aujourd'hui la navigation fluviale.

Le traité de Paris de 1856 (Annexe no 3) mit le Danube sous la protection des articles du traité de Vienne et ramena ces derniers à leur sens originel et large. Tout péage fluvial fut interdit à moins qu'il n'eût le caractère d'une contre-prestation; les étrangers furent assimilés de plein droit aux riverains et une autorité internationale prit possession des bouches du fleuve dans le but d'en améliorer les conditions de navigabilité.

La Commission Européenne du Bas-Danube se constitua. Au milieu de compétitions diverses et de circonstances politiques parfois très graves, elle remplit son mandat à la satisfaction de toutes les Puissances intéressées et mérita de plus en plus la confiance générale. L'institution, provisoire et précaire au début, parut bientôt indispensable; sa juridiction, d'abord limitée au delta, fut successivement étendue jusqu'à Toultcha, puis jusqu'à Galatz et enfin jusqu'à Braîla. L'Acte du 2 novembre 1865, complété par l'Acte additionnel du 28 mai 1881, a donné à l'action de la Commission Européenne une base stable, reconnue, protégée par toutes les Puissances. Indépendamment des embarca

tions purement fluviales, 2,550 navires traversent aujourd'hui chaque année le port et la passe de Soulina, et le Danube est redevenu l'une des principales voies commerciales du monde.

Ces précédents marquent les phases par lesquelles a passé depuis 1815 la législation internationale des cours d'eau ; ils commentent les articles 108 à 116 de l'Acte final du traité de Vienne et en fixent le sens d'une manière qui a pour elle l'autorité des principes et la consécration de l'expérience.

Ce coup d'oeil jeté en arrière aura peut-être fatigué votre patience. Nous nous rassurons en pensant que les principes dont nous avons retracé rapidement l'origine et les progrès, vous êtes chargés, à votre tour, d'en faire une application qui sera féconde en heureux résultats.

La Conférence a reçu un projet d'Acte de navigation pour le Congo et le Niger (Annexe no 4) et un projet de Déclaration pour assurer la liberté de navigation sur le Niger (Annexe no 5) le premier préparé par MM. les Plénipotentiaires Allemands, le second remis par M. l'Ambassadeur d'Angleterre.

Lorsque ces projets sont venus devant vous en première lecture, vous avez jugé à propos de les déférer à l'examen d'une Commission choisie dans le sein de la Conférence, sous la réserve que les propositions ou résolutions qui pourraient être adoptées concernant la navigation du Congo conserveraient un caractère suspensif jusqu'au moment où seraient connues les décisions applicables au Niger.

A raison de la nature technique et souvent délicate de la matière qu'il s'agissait de traiter, la Commission a cru devoir, de son côté, soumettre les deux projets à une élaboration préalable qu'elle a confiée aux soins d'un sous-comité composé de M. de Kusserow, l'un des Plénipotentiaires Allemands, du Baron Lambermont, l'un des Plénipotentiaires Belges, de M. Engelhardt, Délégué Français, de M. Crowe, Délégué Anglais, de M. Cordeiro, Délégué du Portugal, auxquels ont été adjoints M. Banning, Délégué Belge, et Sir Travers Twiss, jurisconsulte Anglais.

Le Sous-Comité, après un examen attentif et détaillé, a introduit dans les projets des modifications portant tantôt sur le fond, tantôt sur la forme, et la Commission à son tour et à la suite de délibérations prolongées, a arrêté les deux textes (Annexes No 6 et 7) que nous avons l'honneur de soumettre à votre haute approbation et dont nous allons rendre compte séparément, la réserve suspensive restant maintenue.

I

Acte de Navigation du Congo.

Le préambule ne vise pas seulement les Articles du traité de Vienne de 1815, il rappelle et constate la marche progressive des principes protecteurs de la libre navigation des fleuves, principes qu'il inscrit en quelque sorte au frontispice de l'Acte qui, pour la première fois, va les appliquer à un fleuve Africain. Pour faire droit à des observations présentées par MM. les Plénipotentiaires des États-Unis et de Russie, la rédaction du préambule a été combinée de manière à laisser intacte la position de tous les Gouvernements à l'égard des Actes Européens qui déterminent les règles admises en cette matière. M. le Comte de Kapnist s'est réservé de revenir sur ce sujet en Conférence.

ARTICLE PREMIER.

L'Article lor, qui est en concordance complète avec l'Article II de la Déclaration relative à la liberté commerciale. garantit le libre accès du Congo à tous les pavillons et pour toutes les espèces de transports. La règle de l'égalité absolue entre les sujets et les navires de toutes les nations est ici comme partout nettement énoncée. L'une de ces conséquences, d'autant plus digne d'attention qu'elle a été plus souvent contestée, est d'exclure toute distinction entre les sujets des États riverains et ceux des nonriverains.

ART. II.

Cet Article traite des charges qui peuvent atteindre la navigation.

Il interdit d'une manière générale toute entrave ou redevance qui ne serait pas prévue dans l'Acte de navigation.

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