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Cyrus l'avait mis au rang de ses satrapes, et lui avait donné d'assez grandes richesses. Un autre en eût été content; mais le Lydien, avec son anneau, se sentait en état de monter plus haut. Il ne pouvait souffrir de se voir borné à une condition où il avait tant d'égaux et un maître. Il ne pouvait se résoudre à tuer Cyrus, qui lui avait fait tant de bien. Il avait même quelquefois du regret d'avoir renversé Crésus de son trône. Lorsqu'il l'avait vu conduit au supplice, il avait été saisi de douleur. Il ne pouvait plus demeurer dans un pays où il avait causé tant de maux, et où il ne pouvait rassasier son ambition. Il part, il cherche un pays inconnu: il traverse des terres immenses, éprouve partout l'effet magique et merveilleux de son anneau, élève à son gré et renverse les rois et les royaumes, amasse de grandes richesses, parvient au faîte des honneurs, et se trouve cependant toujours dévoré de désirs. Son talisman lui procure tout, excepté la paix et le bonheur. C'est qu'on ne les trouve que dans soi-même; qu'ils sont indépendants de tous ces avantages extérieurs auxquels nous mettons tant de prix, et que, quand dans l'opulence et la grandeur on perd la simplicité, l'innocence et la modération, alors le cœur et la conscience, qui sont les vrais siéges du bonheur, deviennent la proie du trouble, de l'inquiétude, de la honte et du remords.

LE VILLAGEOIS ET LE SERPENT.

Ésope conte qu'un manant,

Charitable autant que peu sage,
Un jour d'hiver se promenant
A l'entour de son héritage.

Aperçut un serpent sur la neige étendu,
Transi, gelé, perclus, immobile, rendu,

N'ayant pas à vivre un quart d'heure.

Le villageois le prend, l'emporte en sa demeure;

Et sans considérer quel sera le loyer
D'une action de ce mérite,

Il l'étend le long du foyer,

Le réchauffe, le ressuscite.

L'animal engourdi sent à peine le chaud,
Que l'âme lui revient avecque la colère.
Il lève un peu la tête, et puis siffle aussitôt;
Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut
Contre son bienfaiteur, son sauveur, et son père.
"Ingrat, dit le manant, voilà donc mon salaire !
Tu mourras." A ces mots, plein d'un juste courroux,
Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête;
Il fait trois serpents de deux coups,
Un tronçon, la queue, et la tête.
L'insecte, sautillant, cherche à se réunir;
Mais il ne put y parvenir.

Il est bon d'être charitable:

Mais envers qui? c'est là le point.
Quant aux ingrats, il n'en est point
Qui ne meure enfin misérable.

LE NIL, ET LE GANGE.

Un jour deux fleuves, jaloux l'un de l'autre, se présentèrent à Neptune, pour disputer le premier rang. Le dieu était sur son trône d'or, au milieu d'une grotte profonde. La voûte était de pierres ponces, mêlées de rocailles et de conques marines. Les eaux immenses venaient de tous côtés, et se suspendaient en voûte au-dessus de la tête du dieu. Là paraissaient le vieux Nérée, ridé et courbé comme Saturne, le grand Océan, père de tant de Nymphes; Téthys, pleine de charmes; Amphitrite avec le petit Palémon; Ino et Mélicerte, la foule des jeunes Néréides couronnées de fleurs. Protée même y était accouru avec ses troupeaux marins, qui, de

Cyrus l'avait mis au rang de ses satrapes, et lui avait donné d'assez grandes richesses. Un autre en eût été content; mais le Lydien, avec son anneau, se sentait en état de monter plus haut. Il ne pouvait souffrir de se voir borné à une condition où il avait tant d'égaux et un maître. Il ne pouvait se résoudre à tuer Cyrus, qui lui avait fait tant de bien. Il avait même quelquefois du regret d'avoir renversé Crésus de son trône. Lorsqu'il l'avait vu conduit au supplice, il avait été saisi de douleur. Il ne pouvait plus demeurer dans un pays où il avait causé tant de maux, et où il ne pouvait rassasier son ambition. Il part, il cherche un pays inconnu: il traverse des terres immenses, éprouve partout l'effet magique et merveilleux de son anneau, élève à son gré et renverse les rois et les royaumes, amasse de grandes richesses, parvient au faîte des honneurs, et se trouve cependant toujours dévoré de désirs. Son talisman lui procure tout, excepté la paix et le bonheur. C'est qu'on ne les trouve que dans soi-même; qu'ils sont indépendants de tous ces avantages extérieurs auxquels nous mettons tant de prix, et que, quand dans l'opulence et la grandeur on perd la simplicité, l'innocence et la modération, alors le cœur et la conscience, qui sont les vrais siéges du bonheur, deviennent la proie du trouble, de l'inquiétude, de la honte et du remords.

LE VILLAGEOIS ET LE SERPENT.

Ésope conte qu'un manant,

Charitable autant que peu sage,
Un jour d'hiver se promenant
A l'entour de son héritage.

Aperçut un serpent sur la neige étendu,
Transi, gelé, perclus, immobile, rendu,

N'ayant pas à vivre un quart d'heure.

Le villageois le prend, l'emporte en sa demeure;

ce temps-là, découvrir où est ma source et mon origine. que les débordements déréglés des autres fleuves les campagnes, le mien, toujours régulier, répand dans ces heureuses terres d'Égypte, qui sont jardin qu'une campagne. Mes eaux dociles se ant de canaux qu'il plaît aux habitants, pour s et pour faciliter leur commerce. Tous pleins de villes, et on en compte jusques à vingt la seule Égypte. Vous savez que mes catadoupes

aractes font une chute merveilleuse de toutes mes eaux

certains rochers en bas, au-dessus des plaines d'Égypte. On dit même que le bruit de mes eaux, dans cette chute, rend sourds tous les habitants du pays. Sept bouches différentes apportent mes eaux dans votre empire; et le Delta qu'elles forment est la demeure du plus sage, du plus savant, du mieux policé et du plus ancien peuple de l'univers: il compte beaucoup de milliers d'années dans son histoire et dans la tradition de ses prêtres. J'ai donc pour moi la longueur de mon cours, l'ancienneté de mes peuples, les merveilles des dieux accomplies sur mes rivages, la fertilité des terres par mes inondations, la singularité de mon origine inconnue. Mais pourquoi raconter tous mes avantages contre un adversaire qui en a si peu ? Il sort des terres sauvages et glacées des Scythes, se jette dans une mer qui n'a aucun commerce qu'avec des barbares; ces pays ne sont célèbres que pour avoir été subjugués par Bacchus suivi d'une troupe de femmes ivres et échevelées, dansant avec des thyrses en main. Il n'a sur ses bords ni peuples polis et savants, ni villes magnifiques, ni monuments de la bienveillance des dieux: c'est un nouveau venu qui se vante sans preuve. O puissant dieu, qui commandez aux vagues et aux tempêtes, confondez sa témérité.

C'est la vôtre qu'il faut confondre, répliqua alors le Gange. Vous êtes, il est vrai, plus anciennement connu; mais vous n'existiez pas avant moi. Comme vous, je descends de hautes

leurs vastes narines ouvertes, avalaient l'onde amère pour la revomir comme des fleuves rapides qui tombent des rochers escarpés. Toutes les petites fontaines transparentes, les ruisseaux bondissants et écumeux, les fleuves qui arrosent la terre, les mers qui l'environnent, venaient apporter le tribut de leurs eaux dans le sein immobile du souverain père des ondes. Les deux fleuves, dont l'un est le Nil et l'autre le Gange, s'avancent. Le Nil tenait dans sa main une palme, et le Gange, ce roseau indien dont la moelle rend un suc si doux que l'on nomme sucre. Ils étaient couronnés de jonc. La vieillesse des deux était également majestueuse et vénérable. Leurs corps nerveux étaient d'une vigueur et d'une noblesse au-dessus de l'homme. Leur barbe, d'un vert bleuâtre, flottait jusqu'à leur ceinture; leurs yeux étaient vifs et étincelants, malgré un séjour si humide. Leurs sourcils épais et mouillés tombaient sur leurs paupières. Ils traversent la foule des monstres marins; les troupeaux de Tritons folâtres sonnaient de la trompette avec leurs conques recourbées; les dauphins s'élevaient au-dessus de l'onde, qu'ils faisaient bouillonner pas les mouvements de leurs queues, et ensuite se plongeaient dans l'eau avec un bruit effroyable comme si les abîmes se fussent ouverts.

Le Nil parla le premier ainsi: O grand fils de Saturne, qui tenez le vaste empire des eaux, compatissez à ma douleur; on m'enlève injustement la gloire dont je jouis depuis tant de siècles: un nouveau fleuve, qui ne coule qu'en des pays barbares, ose me disputer le premier rang. Avez-vous oublié que la terre d'Égypte, fertilisée par mes eaux, fut l'asile des dieux, quand les géants voulurent escalader l'Olympe ? C'est moi qui donne à cette terre son prix: c'est moi qui fais l'Égypte si délicieuse et si puissante. Mon cours est immense: je viens de ces climats brûlants dont les mortels n'osent approcher; et quand Phaéthon, sur le char du Soleil, embrasait les terres, pour l'empêcher de faire tarir mes eaux, je cachai si bien ma tête superbe, qu'on n'a point encore pu,

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