Vous buviez fur fon refte, & montriez d'affecter
Le côté qu'à fa bouche elle avoit fû
porter.
Sur les morceaux touchés de fa main délicate,
Ou mordus de fes dents, vous étendiez la
patte
Plus brufquement qu'un chat deffus une fouris,
Et les avaliez tous ainfi que des pois gris.
Puis, outre tout cela, vous faifiez fous la table
Un bruit, un triquetrac de pieds infupportable,
Dont Trufaldin, heurté de deux coups trop preffans,
A puni par deux fois deux chiens très-innocens,
Qui, s'ils euffent ofé, vous euffent fait querelle:
Et puis après cela votre conduite eft belle?
Pour moi, j'en ai fouffert la gêne fur mon corps.
Malgré le froid, je fue encor de mes efforts.
Attaché deffus vous comme un joueur de boule
Après le mouvement de la fienne qui roule,
Je penfois retenir toutes vos actions,
En faifant de mon corps mille contorsions.
Mon Dieu, qu'il t'est aisé de condamner des chofes,
Dont tu ne reffens pas les agréables caufes!
Je veux bien néanmoins, pour te plaire une fois,
Faire force à l'amour qui m'impofe des lois.
Déformais...
TRUFALDIN, LÉLIE, MASCARILLE
MASCARILLE.
Nous parlions des fortunes d'Horace.
C'eft bien fait. Cependant me ferez-vous la
Que je puiffe lui dire un feul mot en fecret?
Il faudroit autrement être fort indifcret.
(Lélie entre dans la maifon de Trufaldin.)
SCÈNE VII.
TRUFALDIN, MASCARILLE.
COUTE: fais-tu bien ce que je viens de faire?
Non, mais fi vous voulez, je ne tarderai guère, Sans doute, à le favoir.
TRUFALDIN.
D'un chêne grand & fort,
Dont près de deux cens ans ont déjà fait le fort,
Je viens de détacher une branche admirable,
Choifie expreffèment de groffeur raisonnable,
Dont j'ai fait fur le champ, avec beaucoup d'ardeur,
(Il montre fon bras.)
Un bâton à-peu-près... oui, de cette grandeur,
Moins gros par l'un des bouts, mais, plus que trente gaules,
Propre, comme je penfe, à roffer les épaules;
Car il est bien en main, vert, noueux & massif.
Mais pour qui, je vous prie, un tel préparatif?
Pour toi premièrement; puis pour ce bon apôtre,
Qui veut m'en donner d'une, & m'en jouer d'une autre,
Pour cet Arménien, ce marchand déguisé,
Introduit fous l'appas d'un conte fuppofé.
MASCARILLE.
Quoi, vous ne croyez pas?...
TRUFALDIN.
Ne cherche point d'excufe,
Lui-même heureufement a découvert fa rufe,
En difant à Célie, en lui ferrant la main,
Que pour elle il venoit fous ce prétexte vain:
Il n'a pas apperçu Jeannette, ma fillole,
Laquelle a tout oui parole pour parole;
Et je ne doute point, quoiqu'il n'en ait rien dit,
Que tu ne fois de tout le complice maudit.
Ah, vous me faites tort. S'il faut qu'on vous affronte,
Croyez qu'il m'a trompé le premier à ce conte.
TRUFALDIN.
Veux-tu me faire voir que tu dis vérité?
Qu'à le chaffer, mon bras foit du tien affifté;
Donnons-en à ce fourbe & du long & du large,
Et de tout crime après mon efprit te décharge.
MASCARILLE.
Oui-dà, très-volontiers, je l'époufterai bien,
Et par-là vous verrez que je n'y trempe en rien.
( à part.)
Ah, vous ferez roffé, monfieur de l'Arménic,
Qui toujours gâtez tout!
SCÈNE VIII.
LÉLIE, TRUFALDIN, MASCARILLE.
TRUFALDIN à Lélie, après avoir heurté à fa porte.
UN mot, je vous fupplie.
Donc, monfieur l'impofteur, vous ofez aujourd'hui
Duper un honnête homme, & vous jouer de lui?
MASCARILLE.
Feindre avoir vu fon fils en une autre contrée,
Pour vous donner chez lui plus librement entrée?
TRUFALDIN bat Lélie.
Vuidons, vuidons fur l'heure.
LÉLIE à Mafcarille, qui le bat aussi.
Quoi donc je ferois homme...
MASCARILLE le battant toujours & le chassant. Tirez, tirez, vous dis-je, ou bien je vous affomme.
Voilà qui me plaît fort; rentre, je fuis content.
(Mafcarille fuit Trufaldin qui rentre dans fa maison.)
LÉLIE revenant.
A moi par un valet cet affront éclatant !
L'auroit-on pu prévoir l'action de ce traître,
Qui vient infolemment de maltraiter fon maître ?
MASCARILLE à la fenêtre de Trufaldin.
Peut-on vous demander comment va votre dos ?
LÉLIE.
Quoi, tu m'ofes encor tenir un tel proposa
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