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mais on confignera dans les obfervations tous ces endroits notés, parce qu'ayant eu l'aveu de l'auteur même, on peut les regarder comme les feules corrections qu'ils nous ait laiffées.

Cette docilité qu'on ne fauroit trop admirer dans ce grand homme, & qui n'a pas eu plus d'imitateurs que fes talens, doit faire préfumer que s'il eût paru néceffaire à fa troupe de faire quelques corrections plus effentielles, il les eût également avouées.

A l'égard de la langue, qui depuis notre auteur a éprouvé des révolutions comme les modes, on trouvera dans cette édition des remarques grammaticales fur quatorze piéces 1. Elles feront distinguées des obfervations de l'éditeur, parce qu'elles ne font pas fon ouvrage.

On gêne ici fa reconnoiffance, en ne lui permettant pas d'en nommer les auteurs; mais fi le public reconnoît le légiflateur à la loi, l'éditeur qui se tait avec peine, aura-t'il quelque chofe à

1 Ces quatorze piéces fe, Amphytrion, l'Avare, font, l'École des Maris, les Fâcheux, l'École des Femmes, la Critique de l'École des Femmes, le Mifantrope, le Sicilien, le Tartuf

George-Dandin, Pourceaugnac, le Bourgeois Gentilhomme les Femmes Savantes, & le Malade Imaginaire.

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se reprocher: Ces remarques feront toujours imprimées à part & avec des guillemets.

On s'eft efforcé de fuppléer à ce qui manque, à cet égard, aux pièces qui n'ont point été examinées. Il faut que notre jeuneffe, & fur-tout les étrangers, fachent ce que nous appelons une faute de langue, même chez nos plus grands

écrivains.

La grammaire ne fera pas le feul objet de ce Commentaire. Les ufages, les modes, les allufions, les imitations, les anecdotes relatives à chaque comédie, y tiendront leur place. On a lu des recucils & des manufcrits de toute espèce, pour y trouver quelquefois une ligne, un mot effentiel fur Molière. On a confulté même les in

fipides critiques qui ont été faites de ses chefd'œuvres, & l'on a été étonné de voir que le faux goût de notre tems n'a fait que répéter ce que l'ignorance & l'envie avoient fuggéré jadis contre Molière.

C'est un des inconvéniens de notre curiofité littéraire, de faire revivre des noms confacrés à l'oubli. Les Somaize, les Rochemont, les Chevalier, les Chaluffai, les Devife, & tant d'autres fots ennemis de Molière, étoient faits pour refter inconnus:

auffi répondra-t'on rarement à leurs inepties. C'eft aux détracteurs de ce grand homme qui vivent encore, qu'on fe fera un devoir de répondre, mais avec tous les égards qu'on doit à des contemporains chez lefquels une erreur de goût, relativement à l'art dramatique, n'entraîne pas, à beaucoup près, la privation des autres talens.

On ne trouvera point, dans cette édition, la comédie de l'Ombre de Molière, par le fieur Brecour; cette inutile & miférable pièce a déjà été retranchée de la belle édition de Molière in-4o,

On ne l'a point augmentée non plus des extraits des divers auteurs qui ont parlé de Molière, ce qu'ils ont dit d'effentiel fur ce grand homme a dû trouver place dans les Commentaires, ou étoit inutile.

Quant à la vie de Molière à laquelle le lecteur devoit s'attendre, celle qu'a faite M. de Voltaire fera, avec les remarques grammaticales dont on vient de parler, une des richeffes de cette édition; on s'eft contenté, pour l'avide curiosité de nos Biographes, d'y ajouter un fupplément.

On s'eft fait fur-tout un devoir de faire remar

quer cette étendue & cette variété de génie, qui affignent à Molière le premier rang parmi les au

teurs comiques de tous les pays & de tous les fiécles, puifqu'il eft plus naturel & auffi gai qu'Ariftophane, auffi décent & plus utile dans le comique des mœurs que Térence, & beaucoup plus heureux que Plaute dans le comique de fituation, & par le fel de la vraie plaifanterie. C'est par-là fur-tout que cette édition édition peut être de quelque utilité, en ramenant les efprits aux principes d'un art qui fe perd tous les jours parmi nous, & qu'une admiration peu raifonnée des hardiesses de nos voisins dans ce genre, a dénaturé au point d'être entiérement méconnoiffable.

La comédie, fi nous en croyons Cicéron, est l'imitation de la vie, le miroir de l'ufage, & le tableau de la vérité. C'est louer cet art & non pas le définir, dit Pontanus: qua verba non tàm ad comœdia notionem evolvendam, quàm ad eam commendandam pertinent. Ce moine littérateur dit, dans fes Inftitutions, que c'eft un poëme qui, pour nous inftruire des ufages de la vie, imite avec grace & avec gaîté les actions privées de la fociété ob docendam vita confuetudinem, civiles & privatas actiones non fine leporibus & facerüis imitatur. Il eft fingulier que ce foit un homme de fa robe qui, dans l'art de la comédie, nous faffe une

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néceffité des graces & de la gaîté! Si c'est avoir défini la comédie de Molière qui n'existoit pas encore, c'eft avoir rejeté bien loin celle de nos jours.

La malignité naturelle aux hommes, a dit M. Marmontel, eft le principe de la comédie; je croirois plutôt qu'elle eft un de fes moyens, & qu'un ordre de justice sociale en eft le vrai principe; c'eft dans ce point-de-vue qu'on peut trouver la raifon morale de l'ancien ufage d'avoir des fous dans les Cours, car, comme dit la Fontaine, Ils donnent toujours Quelques traits aux fripons, aux fots, aux ridiculęs *.

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Aucun Légiflateur humain n'a pu pourvoir à tout; il n'est aucun d'eux qui n'ait laiffé dans la fociété plus ou moins de défauts impunis, & qui en bleffent à chaque inftant l'harmonie. Les bonsmots, la raillerie telle qu'on la vit s'établir naturellement à Sparte, furent les premiers vengeurs de la raison & du bon ordre.

Ce furent ces principes & ce befoin relatif à de plus grands intérêts, qui d'abord donnèrent la naiffance à la Tragédie. Les loix ne pouvoient arrêter dans leurs écarts les chefs d'une nation chez

1 Jacques Pontanus, Jéfuite, mourut à Ausbourg

Poétiques font de 1597.

Fable 8. Liv. 3. Le fou

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en 1626. Ses inftitutions qui vend la fagesse.

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