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DOYEN ET PROFESSEUR HONORAIRE M. BAUDRY-LACANTINERIE, ☀, ◊ I. MM. SAIGNAT, *, ◊ I.

PROFESSEURS

HONORAIRES

BARCKHAUSEN, O., I., membre correspondant de l'Institut.

MM. MONNIER, *, I., Doyen, professeur de Droit romain, chargé d'un cours complémentaire d'Histoire du droit public français (Doctorat).

DE LOYNES, I., professeur de Droit civil.

VIGNEAUX, ✪ I., professeur d'Histoire du droit.
LE COQ, *, ✪ I., professeur de Procédure civile.
LEVILLAIN, ✪ I., professeur de Droit commercial.
MARANDOUT, I., professeur de Droit criminel.
DUGUIT, I., assesseur du Doyen, professeur de Droit constitu-
tionnel et administratif, chargé d'un cours complémentaire de
Principes du droit public et droit constitutionnel comparé (Doc-
torat ès sciences politiques et économiques), et d'un cours
d'Histoire du Droit français Doctorat juridique).

DE BOECK, I., professeur de Droit international public, chargé
d'un cours complémentaire de Droit international privé (Li-

cence.

DIDIER, I., professeur de Droit maritime et de Législation industrielle, chargé d'un cours complémentaire de Droit commercial approfondi et comparé (Doctorat).

CHÉNEAUX, I., professeur de Droit civil, chargé d'un cours complémentaire de Droit civil approfondi (Doctorat).

SAUVAIRE-JOURDAN, A., professeur d'Economie politique et Science financière, chargé d'un cours complémentaire de Legislation et Economie coloniales.

BENZACAR, A., professeur d'Economie politique, chargé d'un cours complémentaire de Législation française des finances et Science financière (Doctorat).

FERRON, A., professeur de Droit civil, chargé d'un cours complémentaire de Droit civil compare (Doctorat), et d'un cours d'Eléments du Droit civil (Capacité).

BARDE, I., professeur de Droit administratif, chargé d'un cours complémentaire d'Eléments du Droit public et Droit administratif (Capacité).

FERRADOU, A., professeur de Droit romain, chargé d'un cours complémentaire d'Histoire des Doctrines économiques (Doctorat).

MM. BENOIST, I., Secrétaire.

PLATON, I., ancien élève de l'Ecole des Hautes Études, sous-bibliothécaire.

LALANNE,, commis au secrétariat.

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LA

GRÈVE

AU POINT DE VUE JURIDIQUE

INTRODUCTION

Dans le contrat de travail comme dans tout autre contrat, chaque partie prétend imposer ses conditions à l'autre. Tant que l'ouvrier traite seul avec le patron, il est, vis-à-vis de ce dernier, dans des conditions d'infériorité par trop écrasantes. Le patron, en effet, peut, grâce à sa fortune, envisager avec tranquillité cet avenir qui, pour le sans-travail, n'est que misère; il peut, le plus souvent, se passer de celui qui, en dehors de son usine, ne saurait où gagner sa vie ; enfin, il est mieux au courant de la situation du marché et sait à l'avance s'il devra augmenter ou diminuer son personnel, tandis que l'ouvrier ne connaît que ses besoins immédiats et pressants. Aussi l'ouvrier comprend qu'il n'y a pour lui qu'un seul moyen de traiter dans des conditions d'égalité, c'est une Pouget

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étroite union avec ses camarades. Ainsi naissent spontanément ces concerts entre salariés, permanents à travers les âges comme les intérêts mêmes de la classe ouvrière.

Les concerts pour formuler un programme commun de revendications portent le nom de coalition, et le moyen de vaincre la résistance des patrons est la cessation simultanée du travail dans leurs ateliers, la grève. Il arrive aussi que les patrons, soit pour imposer leurs conditions à la classe. ouvrière, soit pour lutter à armes égales contre des groupements trop puissants, s'unissent, se coalisent et tâchent d'imposer leur volonté par la fermeture simultanée de leurs ateliers on appelle lock-out cette grève patronale. La grève est donc distincte de la coalition, comme la cessation collective du travail l'est du concert qui lui est antérieur; elle est la sanction de la coalition et non pas la coalition elle-même.

Nous nous proposons d'étudier la grève au point de vue juridique. Nous n'aurons donc à nous occuper que de sa nature et de ses conséquences, civiles ou pénales.

Après avoir constaté que les coalitions, longtemps prohibées, sont aujourd'hui devenues licites, sauf certaines d'entre elles, nous aurons à nous poser les questions suivantes :

Quels sont les effets de la grève sur les rapports des parties unies par le contrat de travail, et, afin de les déterminer, quelle est exactement sa nature juridique?

La grève, que nous aurons vu être un droit reconnu par la loi, ne peut-elle, soit à raison du mode d'action, soit à raison du but poursuivi, faire encourir certaines pénalités ou engager la responsabilité délictuelle de ses auteurs ou des tiers intervenant pour la soutenir ?

Quel effet la grève peut-elle produire sur l'exécution des engagements contractés par le patron envers des tiers?

Telles sont les questions que nous aurons à traiter.

CHAPITRE PREMIER

HISTOIRE DU DROIT DE COALITION. SES LIMITES ACTUELLES

Les grèves ont apparu dès l'antiquité et sont certainement un phénomène naturel à toutes les sociétés où le travail libre se trouve en présence du capital. On a prétendu que la retraite de la plèbe sur le mont Aventin présentait tous les caractères d'une grève politique, ayant pour objet d'obtenir certaines réformes par une pression sur les pouvoirs publics. Il est en tout cas certain que les coalitions ont dù devenir fréquentes pendant le Bas-Empire, malgré l'organisation corporative de cette époque, par suite de l'augmentation de la classe libre et pauvre, résultant en grande partie des nombreux affranchissements d'esclaves que produisit l'influence du christianisme. On les trouve, en effet, prévues et punies par deux constitutions de Zénon (1). Ces textes semblent bien viser, d'après le mot « artifices >> qui y est employé, non seulement les coalitions de marchands ou d'entrepreneurs en vue d'élever le prix des marchandises, mais aussi de ceux qui doivent fournir leur travail manuel.

En France, la législation pénale a longtemps rigoureusement réprimé les coalitions, surtout les coalitions ouvrières, sans d'ailleurs parvenir à les empêcher de se produire. Nous

(') Code, liv. VIII, t. X, de ædificiis privatis, 12, § 9. — Code, liv. IV, t. IX, de monopoliis, éd. Krueger.

étudierons, en premier lieu, les dispositions répressives édictées contre elles, soit par l'ancien régime, soit par la Révolution et les gouvernements qui l'ont suivie; nous verrons ensuite comment le délit de coalition a été abrogé par la loi du 27 mai 1864; nous rechercherons enfin quelles coalitions sont encore prohibées par notre droit.

SECTION PREMIÈRE

HISTORIQUE DES DISPOSITIONS PÉNALES ÉDICTÉES CONTRE LES GRÈVES

§ I. Sous le régime de la réglementation et du monopole.

I. Les coalitions étaient prohibées sous l'ancien régime parce qu'elles constituaient une révolte contre l'ordre social. La corporation, investie d'un monopole, assurait un service d'intérêt général; ses statuts étaient placés sous le contrôle et la garantie de l'autorité publique; on ne pouvait tolérer qu'ouvriers ou patrons vinssent, par une pression violente résultant de leur accord, jeter le trouble dans l'industrie et tâcher de modifier des rapports qui n'avaient presque rien de contractuel.

Dans les premiers temps de cette formation corporative, alors que l'industrie renaissait lentement dans notre pays, l'entente dut être complète entre patrons et ouvriers. Pour cette époque seulement est vrai ce que dit Proudhon du régime antérieur à 89, pendant lequel, selon lui, « l'ouvrier existait dans la corporation et dans la maitrise, comme l'enfant, la femme et le domestique dans la famille » ('). Le maître et le compagnon travaillaient côte à côte, vivaient de la même vie,

(') De la capacité politique des classes ouvrières.

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