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MACHINE A COLONNE D'EAU

CONSTRUITE A SAINT-NICOLAS (MEURTHE) EN MAI 1860.

Par M. J. P. PFETSCH, ingénieur-directeur des mines de sel et salines de Saint-Nicolas-Varangéville.

Les constructions de l'établissement des mines de sel gemme et salines de Saint-Nicolas-Varangéville furent commencées sous ma direction et d'après mes plans au mois de septembre 1855.

A côté de la fabrication du sel cristallisé, la société propriétaire se proposait, comme objet principal, l'exploitation du sel gemme; aussi le fonçage d'un puits fut-il commencé en même temps que les premières constructions de l'usine.

Le fonçage rencontra, à 30 mètres de profondeur, des sources d'eau douce dont l'abondance augmenta bientôt d'une manière considérable; de sorte que pour rendre le travail des mineurs moins pénible et plus rapide, on construisit à côté du puits, à la profondeur où l'on se trouvait, un bassin cimenté où les eaux furent recueillies pour être ensuite élevées au jour à l'aide d'une pompe.

Avant d'arriver à la première couche de sel, on fit précéder le travail du fonçage d'un trou de sonde, destiné à faire connaître, en temps opportun, la présence d'une nappe d'eau qui pourrait se trouver immédiatement au-dessus du sel. Cette hypothèse était d'autant plus vraisemblable qu'une saline voisine exploitait une source salée.

Quoi qu'il en soit, à une profondeur de 79",60, on rencontra le sel complétement à sec.

Plusieurs couches de sel de différentes épaisseurs furent traversées jusqu'à 87 mètres de profondeur, où l'on ouvrit des galeries dans une couche qui a 7", 10 de puissance.

Cependant on reconnut bientôt que ce sel gemme n'était pas assez pur pour être livré au commerce, et il fut résolu que l'on poursuivrait le fonçage dans le but de trouver du sel plus convenable.

Enfin, à 108,50 de profondeur, on traversa la onzième couche de sel, au-dessous de laquelle est un banc de marne d'une grande épaisseur; car on ne l'a pas complétement traversé, quoiqu'on ait pénétré jusqu'à 7,50 pour faire un puisard. Là fut arrêté le fonçage.

Le sel gemme de la onzième couche est très-beau. Les galeries principales y ont été ouvertes sur une largeur de 9 mètres et 5,50 de hauteur, et les galeries latérales, sur 8 mètres de largeur et 5,50 de hauteur.

Le deuxième fonçage et les travaux d'installation du fond se sont faits, en même temps que l'on extrayait, chaque jour, le sel gemme nécessaire pour la fabrication du sel raffiné.

Jusqu'à présent la préparation de l'eau salée s'était faite à l'usine, dans de grands bassins construits au jour, en y soumettant le sel gemme à la dissolution.

On comprendra facilement que l'eau salée coûtait cher par ce mode de préparation; aussi n'était-ce là qu'un procédé tout à fait transitoire.

Dès le commencement du fonçage, en effet, on avait déjà l'idée de préparer l'eau salée au fond du puits, lorsque les galeries seraient suffisamment avancées : l'eau devait se saturer tout en faisant, de distance en

distance, dans le sel, des entailles verticales destinées à faciliter l'abatage par la mine. Enfin, l'eau salée devait être élevée, à l'aide de pompes, dans les réservoirs supérieurs ayant servi jusque-là à la préparation de l'eau salée.

Cette saturation de l'eau, par les entailles, devait faire disparaître trois inconvénients notables:

1 Il n'y aurait plus d'abatage à payer pour le sel destiné à la dissolution.

2o La marne et toutes les matières insolubles contenues dans le sel gemme resteraient dans les galeries, au lieu d'être enlevées par la machine d'extraction d'abord, et retirées ensuite des bassins de dissolution par des ouvriers manœuvres.

3 Enfin, le sel gemme aussi reviendrait moins cher, puisque les entailles faites par l'eau douce permettraient de faire une économie considérable dans la main-d'œuvre des mineurs.

Pour préparer l'eau salée au fond de la mine, il fallait d'abord diriger vers les galeries la quantité d'eau douce à employer, puis avoir les moyens de la remonter comme eau salée.

Le problème à résoudre était celui-ci : préparer au fond du puits, et remonter ensuite au jour, dans une année, 96.000 mètres cubes d'eau salée, tant pour la fabrication à l'usine même que pour un établissement de produits chimiques projeté à peu de distance de la saline.

En comptant pour une année 300 jours de travail, il

y a à remonter par jour,

96.000

300

par seconde, oc, 0037 d'eau salée.

320.; ce qui fait

Le poids d'un mètre cube d'eau salée saturée étant

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de 1.200 kil., il faut élever du fond du puits, par seconde, à une hauteur de 174 mètres,

0,0037 1.200 = 4,440, d'eau salée; d'où le

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Mais à cause des frottements de la machine et de la résistance de l'eau dans les tuyaux des colonnes, cette force doit être portée à 13,20 chevaux-vapeur.

L'acquisition d'une machine à vapeur de cette force et d'une pompe eût été assez coûteuse. Puis seraient venues les dépenses de combustible et d'entretien.

Il ne pouvait pas être question ici d'exécuter un pareil projet. On s'est donc arrêté à l'idée d'utiliser la force que possède l'eau dirigée au fond du puits, en vertu de sa hauteur de chute de 174 mètres, force qui, appliquée à une pompe, devait remonter l'eau salée à une certaine hauteur.

Pour utiliser la chute de l'eau, il y avait à choisir entre l'emploi d'une turbine et celui d'une machine à colonne d'eau.

La disposition du puits et diverses autres circonstances ont fixé le choix sur une machine à colonne d'eau.

Lorsqu'on a vu les machines à colonne d'eau construites aux salines situées entre Rosenheim et Berchtesgaten (Bavière), par M. le directeur général de Reichenbach, ce choix s'explique de lui-même. L'observateur est saisi d'admiration quand il considère ces machines en mouvement et qu'il voit agir d'aussi énormes forces, sans apercevoir nulle part la moindre trace de ces chocs et contre-coups que produisent presque toutes les autres machines.

Qu'étaient les machines à colonne d'eau avant que

M. de Reichenbach les ait transformées? L'ingénieux mécanisme des pistons régulateurs qu'il a appliqué à ces machines atteste, à lui seul, le génie inventif de cet habile ingénieur.

La machine à colonne d'eau de Saint-Nicolas-Varangéville est complétement construite dans le système de Reichenbach; seulement elle est montée horizontalement. Elle est à double effet et a été très-bien exécutée, sur dessins, dans les ateliers de construction de M. Dyckhoff, à Bar-le-Duc.

Jusqu'à présent, on n'a généralement construit que des machines à colonne d'eau verticales; elles étaient surtout employées comme moteurs de pompes, soit pour les puits de mines, soit pour refouler l'eau salée dans des conduites d'une très-grande étendue. Là, en effet, on a pu tirer parti avantageusement du mouvement vertical des machines à colonne; il suffisait de disposer la pompe immédiatement au-dessus ou au-dessous de la machine.

En tous cas, il est difficile de donner à ces sortes de machines une fondation inébranlable, sans être entraîné à des dépenses relativement énormes. Aussi a-t-on renoncé ici au mouvement vertical; on a obtenu à peu de frais toute la solidité désirable, en plaçant le cylindre de la machine à colonne d'eau dans une position horizontale, en face du cylindre horizontal de la pompe. Il a été facile de donner une très-bonne assise à l'ensemble de la machine en l'assujettissant sur deux grosses pièces de bois de chêne, ainsi qu'on le voit par les fig. 1 à 4, Pl. IV. On a relié fortement entre elles les deux pièces de bois par quatre larges bandes de fer entaillées dans le bois et solidement boulonnées.

Toute la fondation consiste donc dans ces deux pièces de chêne placées sur quelques poutres en tra

TOME XVII, 1860.

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