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tissus de laine et de coton de toute sorte, la coutellerie et la quincaillerie, par des droits ad valorem de 25 p. 100.(Les doctrines du cabinet français n'étaient pas, en 1839, aussi libérales que celles professées en 1832; l'application d'un système électoral très-restrictif, le développement du régime parlementaire avaient produit leurs fruits et préparé la subordination des intérêts généraux à des intérêts privés. Des influences redoutables s'étaient organisées contre toute modification de tarifs; elles avaient paralysé l'union douanière avec la Belgique; elles devaient paralyser tout projet d'alliance avec le Zolverein et faire peser leur domination sur le Gouvernement de Juillet jusqu'à sa dernière heure. Aussi les commissaires français restreignirent-ils beaucoup le champ de la négociation; toutefois ils n'hésitaient pas à consentir à la levée des prohibitions, sur la coutellerie, les plaqués, la quincaillerie, la verrerie, la poterie et certains articles manufacturés en laine; ils proposaient de remplacer ces prohibitions par des droits variant entre 20 et 30 p. 100 de la valeur. Nos négociateurs inclinaient même à un tarif plus réduit à l'égard des fils de lin et de chanvre.

Les complications diplomatiques produites par la question d'Orient, la tiédeur que cette difficulté amena dans les relations de l'Angleterre et de la France, interrompirent les négociations. Elles furent inutilement reprises en 1843: le traité, qui devait engager les deux nations pour douze années, ne fut pas conclu.

II.

De nouvelles communications ne devaient être échangées entre le cabinet de Saint-James et le cabinet français qu'après une nouvelle période décennale; dans le cours de ces dix années, des faits considérables, sous le rapport économique, s'accomplirent en Angleterre. Les grandes réformes douanières dont Huskisson avait fait pressentir la nécessité dès 1824 furent commencées en 1842 et poursuivies avec la plus infatigable énergie. Il serait peut être utile, à titre d'enseignement, de retracer ici l'histoire des luttes, des résistances, des inquiétudes profondes soulevées par ces réformes, et en même temps de présenter le tableau des immenses résultats que ces changements ont produits dans le régime industriel et com

mercial de la Grande-Bretagne; mais, d'une part, ces faits ont acquis un haut degré de notoriété; de l'autre, nous serions appelés à marquer en même temps les différences qui existent dans les conditions industrielles des deux pays et doivent se reproduire dans leur législation. Or un tel travail dépasserait les limites de ce rapport.

Il suffit de résumer cette œuvre de plusieurs législatures et de plusieurs années dans les propositions suivantes :

Suppression des droits sur les matières brutes et les objets de première nécessité;

Réduction des taxes sur les articles de grande consommation, combinée de manière à étendre le commerce et à profiter aux consommateurs, sans diminuer d'une manière définitive le revenu;

Entière abolition des droits sur les articles ne produisant qu'un revenu insignifiant couvrant à peine les dépenses de perception;

Retrait des drawbacks rendus inutiles par l'entrée en franchise des matières premières;

Diminution graduelle des tarifs sur les objets manufacturés; Enfin, abolition des droits différentiels dont n'avait plus besoin la marine britannique et qui ne servaient dès lors qu'à entraver le commerce, à exhausser les prix et à limiter la consommation.

L'un des derniers actes de cette réforme, le bill qui en 1849 prononça le rappel de l'acte de navigation de Cromwell, motiva la reprise des négociations entre la France et l'Angleterre.

Ce bill conférait au Gouvernement britannique la faculté de prendre des mesures de représailles contre les nations qui refuseraient à la marine anglaise la réciprocité du traitement que la nouvelle législation conférait à toutes les marines étrangères. Le cabinet anglais insista pour qu'il fût fait des adoucissements identiques dans nos lois de navigation. Mais une question préjudicielle d'interprétation et d'application des règles de réciprocité posées par le traité du 26 janvier 1826 occupa les deux chancelleries jusqu'en 1852. A cette époque, la pensée du développement des stipulations du traité de 1826 fut abandonnée, et le désir de voir se multiplier nos relations commerciales fut de nouveau manifesté par les deux cabinets.

III.

Le mémorandum adressé, le 24 septembre 1852, par lord Cowley au ministre des affaires étrangères, posait le projet de négociation sur les bases les plus larges: « lé traité à intervenir devait régler toutes les questions commerciales d'après les principes d'une juste et libérale réciprocité, et les remaniements du tarif français devaient être assez complets pour donner une vive impulsion aux échanges entre les deux pays. »

Le ministre du commerce, auquel ce mémorandum fut communiqué, formula son opinion dans une dépêche remarquable, sous la date du 7 novembre 1852. Il souscrivait à des réductions sérieuses de droits sur de nombreux articles, en réclamait de non moins importantes dans le tarif anglais, et indiquait en terminant, que les relations commerciales des deux pays seraient appelées à profiter bientôt de la levée des prohibitions et d'autres modifications considérables formulées dans un projet de loi soumis alors à l'examen du conseil d'État.

La révision spontanée faite en 1853 par le parlement britannique des droits qui grevaient quelques-uns des principaux articles de notre industrie, et surtout nos produits agricoles, dont l'exportation est une si puissante source de richesse pour nos provinces de Bretagne et de Normandie; la reprise de nos conférences commerciales avec la Belgique, bientôt suivies de la signature d'un traité avec cette puissance; enfin la détermination prise par le Gouvernement français, sous l'influence de considérations politiques, d'ajourner la levée des prohibitions interrompirent naturellement le cours de cette négociation.

IV.

Ces efforts réitérés depuis trente ans pour accroître les relations entre les deux plus grandes puissances industrielles du monde étaient l'expression d'une nécessité pour ainsi dire impérieuse. Des timidités, des indifférences, des incidents imprévus, pouvaient bien faire ajourner la solution; mais chaque jour écoulé la rendait plus inévitable, et les réformes économiques opérées par toutes les autres nations lui imprimaient même un caractère d'urgence.

Une circonstance particulière est venue donner à ces relations, tour à tour reprises et abandonnées, l'activité la plus

sérieuse. Certaines annuités de la dette anglaise, s'élevant à 53.650.000 francs, prennent fin en 1860. L'extinction de cette charge rend possible de fortes réductions sur certains articles du tarif britannique. Des communications officieuses nous ayant permis de penser que ces réductions pouvaient profiter principalement aux produits français, Votre Majesté a autorisé, dès le mois de novembre dernier, les ministres compétents à négocier les bases d'un traité de commerce avec les plénipotentiaires de la Grande-Bretagne.

En donnant cette autorisation, l'Empereur a nettement déterminé le caractère et le but de cette négociation : l'unique préoccupation des représentants de la France devait être l'étude loyale, consciencieuse, approfondie, des intérêts industriels, commerciaux et de consommation de ce pays. Aucune considération politique d'un ordre accidentel, temporaire, ou même permanent, ne devait se mêler à notre examen ou exercer une influence sur nos appréciations. Que l'amélioration des relations commerciales ait pour corollaire le développement des liens d'amitié entre les peuples, c'est là un grand bienfait pour la civilisation. Votre Majesté, qui a toujours montré une si ferme volonté de maintenir intacte l'alliance anglaise, à travers tant de difficultés et de défiances, n'était certes pas indifférente à cette nouvelle garantie donnée à la paix du monde. Mais elle a compris, dès le premier jour de la négociation, que ce puissant élément de sécurité ne serait plus qu'éphémère et ne tarderait pas à dégénérer en une cause dissolvante, si un intérêt industriel ou commercial pouvait être sacrifié en compensation d'un intérêt politique.

C'est à ce point de vue large, élevé, national que nous avons dù poursuivre la conclusion du traité signé le 23 janvier, et que nous sommes appelés aujourd'hui à en exposer les stipulations. Nous croyons d'ailleurs inutile de retracer l'histoire des négociations qui ont préparé cette convention ou développé, suivant les appréciations respectives, les propositions originairement échangées.

TARIF BRITANNIQUE.
I.

Les réductions de droits spontanément opérées par la législation anglaise limitent, sans doute, le nombre des avantages conventionnels qui peuvent être stipulés en faveur de l'in

dustrie française. Cependant le tarif anglais présente encore des taxes assez nombreuses et parfois assez élevées sur les objets manufacturés et sur certains produits naturels. Quelques parties de ce tarif forment même, par leurs dispositions peu libérales, un contraste fâcheux avec l'ensemble de cette législation douanière. La négociation avec la Grande-Bretagne a embrassé presque tous ces articles. Le Traité s'occupe successivement:

1° De tous les objets manufacturés comprenant les articles de Paris, la bijouterie, l'orfévrerie, les modes, la ganterie, les fleurs artificielles, etc., etc.;

2° Les tissus de soie de toute nature;

3o Les vins;

4° Les eaux-de-vie.

L'examen rapide du régime économique auquel sont actuellement soumis les principaux articles compris sous les quatre classifications qui précèdent, la vérification, à l'égard de chacune d'elles, de l'importance de nos exportations en Angleterre, peuvent seuls faire apprécier la portée des stipulations intervenues et démontrer la légitimité de nos espérances dans l'avenir.

II.

Notre commerce spécial d'exportation en Angleterre s'est élevé pour l'année 1858 (valeurs actuelles), à la somme de 426 millions. Les produits naturels représentent 206 millions et les objets manufacturés 220 millions. Ce dernier chiffre comprend les articles d'orfévrerie et de bijouterie actuellement grevés d'un droit ad valorem de 10 pour 100, pour 6 millions; 2° les ouvrages en peau, grevés de droits compliqués qui varient de 1 à 10 pour 100, pour 32 millions, y compris les peaux préparées qui sont exemptes de droit; 3° les ouvrages en bronze ou en imitation de bronze, assujettis à une taxe de 24.60 par 100 kilogrammes, pour 4 millions; 4° les modes et les fleurs artificielles, frappées d'un droit de 50'.40 par mètre cube à l'emballage, et les plumes de parure apprêtées, tarifées à 8'.27 le kilogramme, pour 3.500.000 francs; 5° une série d'autres articles tels que l'horlogerie, la tabletterie, la parfumerie, les gants, les nombreux articles de l'industrie parisienne, admis jusqu'à ce jour à des droits moyens qui va

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