Images de page
PDF
ePub

rient de 5 à 10 pour 100, pour une somme non inférieure à 15 ou 18 millions.

Or, tous ces objets manufacturés, qui représentent dans le mouvement de notre exportation pour la Grande-Bretagne au moins 60 millions, seront admis, à partir du 1er avril prochain, à des droits inférieurs de moitié à ceux actuels. Dans deux ans, au plus tard, ces articles seront importés en franchise absolue, exempts de toute perception fiscale et de toutes formalités douanières toujours dispendieuses, sauf toutefois l'orfévrerie qui payera un droit représentatif du droit de marque auquel est assujettie l'orfévrerie anglaise.

Ainsi notre bijouterie, si recherchée pour l'élégance de ses formes et la délicatesse de son travail, pourra faire une redoutable concurrence aux ouvrages moins élégants, moins habilement montés, qui sortent des mains des joailliers anglais. Les bronzes que l'habileté de nos fabricants transforme en objets d'art, les articles d'ornement en fer et en acier, la bimbloterie, la tabletterie, la maroquinerie, les modes, en un mot toutes les nouveautés qu'enfante la fantaisie parisienne et dont les grandes Expositions de 1851 et de 1855 n'ont fait qu'accroître la vogue en Angleterre, seront, à une époque prochaine, rayés de la liste des produits imposés.

De telles dispositions seront nécessairement populaires; l'industrie de Paris, qui emploie 15 à 16.000 ouvrières à la fabrication des fleurs artificielles et des objets de mode ou à la préparation des plumes de parure, qui utilise 40.000 ouvriers à la confection d'objets d'une variété infinie et d'un goût inimitable; la ganterie du département de l'Isère, qui a étendu ses relations bien au delà de nos frontières, trouveront dans ces débouchés sans entraves de nouveaux éléments de travail et de richesse et donneront un nouvel essor à nos relations internationales.

III.

Les articles que nous venons d'énumérer ne représentent pas, à l'égard des objets manufacturés, l'élément principal du Traité intervenu avec la Grande-Bretagne.

Les droits fixés par les tarifs anglais sur les soieries varient de 5 à 15 pour 100. Ils ont produit en 1857 au trésor britannique un revenu de 6.275.000 francs.

Nos exportations en Angleterre, pour cet article seul, se sont

élevées en 1858 à la somme considérable de 104.000.000 de francs.

Lors des négociations de 1853, nous avions demandé et nous n'espérions pas obtenir la réduction des droits sur les soieries au taux de 10 pour 100 ad valorem. Sous l'impression des longues luttes soutenues par cette spécialité de l'industrie anglaise, tantôt pour résister à la levée de la prohibition, tantôt pour éviter des abaissements de tarifs, nous comprenions tout ce que pouvait avoir de redoutable la concurrence, sans protection, avec notre magnifique industrie de Lyon et de SaintEtienne dont le monde civilisé admire les produits.

Le Traité stipule l'admission en franchise absolue de tous les tissus de soie. Le cabinet de Saint-James n'aura pas pour cette concession à apaiser les inquiétudes ou à combattre les réclamations des fabricants de soieries. Ceux de Manchester ont constaté depuis longtemps qu'à chaque abaissement de tarif et à chaque effort nouveau exigé de leur énergie, leur fabrication a augmenté et leur commerce intérieur et extérieur s'est développé. Aussi demandaient-ils à une date récente au parlement anglais l'admission en franchise de tous les tissus de scie de fabrique étrangère; l'existence de ces droits n'était à leurs yeux qu'une accusation permanente d'infériorité et une cause de dépréciation de leurs produits sur les marchés étrangers.

Combien ce désir de lutte est éloigné des défiances inquiètes de quelques industriels français, défiances augmentées par les doctrines excessives dont ils ont été nourris pendant quarante ans! Quoi qu'il en soit, la rare perfection des produits de cette branche industrielle, qui a grandi à l'abri d'un régime libéral et qui est l'une de nos gloires, nous assure les plus précieux débouchés sur un marché que sa richesse rend accessible à tous les articles de luxe.

IV.

L'exportation de nos produits naturels obtient du traité du 23 janvier des avantages non moins considérables. Le droit à l'importation des vins en Angleterre est encore aujourd'hui de 151,33 par hectolitre, c'est-à-dire d'environ 300 p. 100 de la valeur moyenne du vin en France.

Aussi nos exportations n'ont-elles pour objet que des vins de qualité supérieure et ne font-elles que des progrès insen

LOIS ET DÉCRETS, 1860. Tome IX.

7

sibles, si même elles ne restent stationnaires. De 1827 à 1858, elles se sont élevées du chiffre de 29.000 à celui de 44.000 hectolitres, et représentent une valeur actuelle de quinze millions. Nous fournissons à la Grande-Bretagne environ un sixième de sa consommation, qui a été en 1858 de 271.000 hectolitres (1).

L'administration financière de l'Angleterre s'était constamment refusée à provoquer la réduction du droit sur les vins, moins dans une pensée de protection pour les brasseries et les distilleries indigènes que dans un but fiscal. Elle considérait le vin comme un objet de luxe, exclusivement réservé aux classes riches, et croyait qu'un abaissement du tarif ne déterminerait qu'une augmentation peu sensible pour la consommation, et dès lors une perte sèche pour l'Echiquier.

Ce qui pouvait être exact pour une réduction insignifiante ne l'était pas pour un dégrèvement considérable. Aussi demandions-nous, dès 1853, que le droit fût réduit des quatre cinquièmes, c'est-à-dire fixé à 1 shilling ou 28 francs par hectolitre. Cette combinaison est acceptée aujourd'hui par les plénipotentiaires de la Grande-Bretagne.

De 5 shillings par gallon, la taxe est immédiatement réduite à 3. Dans quatorze mois, le droit sera réduit à 1 shilling pour les vins contenant moins de 15 p. 100 à l'épreuve. Ce droit constitue la taxe normale pour les vins français. S'il s'élève par une gradation modérée jusqu'à 2 shillings, proportionnellement à la quantité de spiritueux contenue dans le vin, cette gradation a pour seul but d'éviter au trésor britannique les conséquences de l'importation des vins fortement alcoolisés, dont la distillation pourrait faciliter une fraude au droit de douane ou d'accise sur les eaux-de-vie.

Une si large réduction dépassera certainement les espérances de nos contrées viticoles; elle était nécessaire pour opérer une révolution dans les habitudes du public anglais et populariser l'usage des vins de France dans le Royaume Uni.

Depuis longues années, le vin, cette boisson que son abondance et son prix mettent à la portée de presque tous en France, est exclusivement accessible aux classes riches en

(1) Il convient de remarquer que l'année 1858 a vu décroître dans une forte proportion l'importation du vin en Angleterre. Le chiffre, en 1857, avait été de 487.000 hectolitres.

Angleterre. Les autres sont obligées de s'en abstenir à raison de l'élévation des prix. Les raisonnements n'ont pas fait défaut pour justifier cette injuste exclusion. La population anglaise n'a pas le goût du vin, a-t-on dit, elle lui préfère les boissons chaudes, la bière et même toutes les liqueurs connues sous le nom de british wine ou fruit wine, et que l'on obtient par la fermentation de grains ou de fruits avariés.

De telles objections ne résistent pas à l'examen. Comment le peuple anglais aurait-il manifesté ses sentiments de préférence, puisque l'élévation du droit fiscal ne lui permettait pas de faire de comparaison? Comment peut-on supposer que, ramenées par la libéralité du nouveau tarif à des prix souvent inférieurs à ceux des boissons frelatées, les boissons naturelles ne seront pas reconnues meilleures au goût et plus avantageuses à la santé ? Évidemment le régime économique a été la cause directe et absolue qui a circonscrit et contenu dans les proportions les plus minimes la consommation du vin dans le Royaume Uni.

Il suffit, pour s'en convaincre, de vérifier quelle est, par tête et par an, la consommation du vin dans les principaux États de l'Europe.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

N'est-il pas évident qu'une énorme réduction du prix doit faire pénétrer progressivement l'usage de nos vins dans des classes de consommateurs qui, aujourd'hui, ignorent presque entièrement le goût et la qualité de nos produits? Notre sol a été si richement doté par la nature, qu'il peut fournir des vins pour toutes les fortunes et pour tous les clinats.

La puissance productive de ceux de nos départements qui cultivent la vigne, est d'ailleurs assez grande pour satisfaire aux exigences d'une consommation croissante.

Cette stipulation du traité est donc un grand fait économique qui peut exercer l'action la plus sérieuse sur la richesse agricole de la France. Elle se combine, d'ailleurs, avec une autre non moins efficace et non moins féconde, la clauso relative à l'exportation des eaux-de-vie de France.

V.

La consommation des spiritueux a été, dans le RoyaumeUni, pendant la période quinquennale de 1854 à 1858, de 143.123.000 gallons, soit 6.498.000 hectolitres.

Les spiritueux étrangers ne figurent dans ces chiffres que pour la modique quantité de 8.902.000 gallons ou 404.000 hectolitres. La consommation des spiritueux est d'ailleurs progressive dans la Grande-Bretagne ; elle s'est élevée à 1.283.000 hectolitres en 1858, et la France a importé, pendant cette année, 47.387 hectolitres, représentant une valeur de près de 17 millions de francs.

Ce chiffre si faible paraîtra encore considérable, si l'on se rappelle les conditions si différentes que fait la législation de la Grande-Bretagne aux spiritueux de fabrication nationale et aux spiritueux étrangers. Le droit qui grève ces derniers est de 15 shillings par gallon ou 412′,72 par hectolitre. Il était, il y a peu d'années, de 619 francs par hectolitre, et, depuis ce premier dégrèvement, notre importation en eaux-de-vie a augmenté de 50 p. 100.

Le droit d'accise sur les spiritueux de fabrication nationale est de 8 shillings seulement par gallon, soit 218′,10 par hectolitre.

Or, le nouveau régime placera nos importateurs dans des conditions de rigoureuse égalité avec les distillateurs anglais. Le droit de douane inscrit au tarif britannique ne sera plus un droit de protection, mais un simple impôt de consommation, égal à celui perçu sur les produits indigènes.

La surtaxe de 2 pence ou 20 centimes par gallon n'est rien autre chose que la représentation d'une charge imposée aux producteurs indigènes par le mode de perception de l'accise (1).

(1) L'article 7 du Traité avait posé le principe que les droits à l'importation pourraient être augmentés des sommes qui représenteraient les frais occasionnés aux producteurs britanniques par le système de l'accise. Cette charge avait été évaluée par l'article 8 à 2 pence par gallon d'eau-de-vie. Un examen plus approfondi a fait reconnaître que cette charge devait être évaluée à 5 pence, et à motivé l'article additionnel au Traite, intervenu le 25 février dernier. D'autre part, par suite des résolutions adoptées par le parlement britannique, l'échelle qui fixe la quotité des droits à l'importation des vins de France a été améliorée en ce sens que le droit d'un schilling s'appliquera, non plus aux vins contenant moins de15 p. 100 à l'épreuve, mais aux vins contenant moins de 18 p. 100. En outre, les droits à l'importation sur les papiers de tenture et sur le carton disparaîtront par suite de la suppression du droit d'accise sur ces produits.

« PrécédentContinuer »