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nait. Persécuter les royalistes sous un roi, et un roi dont le frère avait été lancé du trône sur l'échafaud, est une chose si étrange, si inconcevable, qu'elle n'a pu être imaginée et suivie par un ministre de ce roi, comme l'on invente et l'on suit un plan de conduite. La fougue de la passion a pu seule non enfanter un tel plan, mais conduire insensiblement à des démarches, à des actions dont chacune était la suite inévitable des précédentes. M. de Richelieu ne s'apercevait pas de la liaison qui existait entre les évènements et la marche qu'il avait adoptée; mais quand il s'en serait aperçu, il n'aurait pu revenir sur lui - même par un temps d'arrêt vigoureux, la chose du monde qui demande le plus de force dans le caractère.

Au congrès d'Aix-la-Chapelle, les souverains furent alarmés par les nouvelles élections de la France; le nom de M. de Lafayette surtout les frappa. Ils témoignèrent leurs craintes à M. de Richelieu; il promit une marche ferme et décidée, qui arrêterait les progrès de la faction. Ses promesses étaient publiques; et quand il revint à Paris, tout le monde était dans l'attente de leur exécution. Que fit-il? il quitta le ministère. Il eut, disait - on, des attaques de nerfs qui ne lui permirent pas de conserver ses fonctions. Il au

rait été bien étonné s'il avait entendu ce que ses amis même disaient de lui.

Un nouveau ministère est formé; M. Decazes réunit la présidence du conseil à l'intérieur et à la police. On vit de nouvelles persécutions contre les royalistes ; et M. de Chateaubriand fut rayé de la liste des ministres d'Etat, parce qu'il avait publié un excellent ouvrage politique. M. Michaud, qui avait si bien servi la cause du roi, perdit, par une ordonnance motivée, le titre d'imprimeur du roi, M. Bergasse fut traduit à la Cour d'assises, pour un ouvrage sur la propriété.

M. Decazes est renvoyé après l'attentat du 13 février 1820. Le 20 du même mois, M. de Richelieu reprend la présidence, sans aucun ministère, afin sans doute de se réserver l'entière liberté des méditations politiques, et de n'en être distrait par aucun détail.

Il est assez remarquable que le même jour vit nommer M. Decazes duc, ministre d'Etat, ambassadeur en Angleterre ; il était déjà pair de France et cordon bleu. L'ordonnance qui nomme M. de Richelieu est ainsi conçue : «< Sur le rap<< port de notre ministre secrétaire d'Etat au dé«partement de l'intérieur. » Elle est signée: Le ministre des affaires étrangères, PASQUIER. C'est

le premier exemple qu'un ministre ait été nommé sur le rapport d'un autre ministre.

M. de Richelieu, nommé président du conseil, huit jours après l'assassinat du duc de Berri, dans un moment où des adresses de douleur et d'indignation arrivaient de toutes les parties de la France, paraissait devoir à la nation d'exprimer ses sentiments et ceux du ministère sur l'exécrable attentat; il ne s'y détermine que le 4 avril, par une circulaire adressée aux lieutenants-généraux des divisions, aux préfets et aux procureursgénéraux, c'est-à-dire quarante-quatre jours après l'affreux jour et remarquez que, pendant ce long et inconcevable intervalle, les journaux, les discours de la faction ne cessaient de répéter que l'assassinat du duc de Berri était un crime isolé ; qu'il n'avait été inspiré par aucun parti, par aucune faction. Toutes les adresses des Cours royales et des provinces disaient le contraire. Relisez le discours que j'ai cité de la Cour royale de Paris.

La première phrase de cette circulaire de M. de Richelieu annonce qu'il écrit au sujet de deux lois adoptées par les Chambres, et qui servent de prétexte pour agiter les esprits. On y parle ensuite des trames, des machinations des factieux et de leurs fureurs; on voit dans ces fureurs la cause de l'attentat; et cette partie de la circulaire est

très-forte. Eh bien la différence entre M. de Richelieu et moi, c'est que je voyais tout cela, quand il ne voyait rien; que je voulais réduire la faction à l'impuissance, quand il lui rendait, sans le vouloir, toutes ses espérances. Je ne doute pas que le chagrin qu'il en ressentait n'ait causé sa mort prématurée, et le genre de sa mort : c'est le plus grand éloge que l'on puisse faire d'un homme à qui l'on ne pourrait, sans injustice, à cause de son incapacité, reprocher sa conduite politique. Il ne connaissait ni la révolution, ni les choses, ni les hommes; il motivait ainsi ce mot d'un autre ministre : « C'est l'homme de France qui connaît le mieux la Crimée. » Si, avec la longue expérience que j'avais de la révolution; si, avec la fixité de mon caractère, j'avais suivi la même marche que lui, j'aurais été, non pas un homme inhabile, mais un ministre exécrable.

CHAPITRE II.

Dissolution de la Chambre de 1815. Elections. Le ministère est subjugué par les libéraux; mais ceux-ci ne peuvent encore entraîner les électeurs. La monarchie devait périr. Pourquoi ? Assassinat du duc de Berri, le 13 février 1820. Retraite de M. Decazes. On ôte au frère du roi le commandement des gardes nationales de France. Ignorance des ambassadeurs étrangers. Ils favorisent le parti libéral. Opinion de Gustave III sur la diplomatie. Conduite révolutionnaire de l'impératrice Catherine en Suède. Persécutions contre les royalistes.

la mo

JE sortis du ministère, convaincu que narchie des Bourbons était perdue, non par la faiblesse que la Charte imprimait au gouvernement, mais par la débilité qu'il prenait en luimême; car j'ai toujours soutenu qu'elle renfer

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