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le même et énergique mépris pour le gouvernement, la même annonce prophétique de sa destruction inévitable. Je n'ai pas le courage de copier leurs phrases, aussi instructives qu'elles étaient injuricuses. Si les tristes choses que je retrace ne sont pas à la fois des causes et des leçons, qu'on me dise où j'en pourrais trouver.

Le parti libéral a voulu un traité avec les rebelles de Saint-Domingue, a voulu la reconnaissance des provinces révoltées contre l'Espagne; il a été obéi dans ces deux choses; et dans ces deux choses, il a comblé les désirs du ministère anglais. Il a, comme je l'ai prouvé dans le chapitre précédent, détruit notre commerce, en détruisant nos immenses débouchés; et en cela encore il a comblé les désirs de l'Angleterre. Voilà comme cet ardent patriotisme, si vanté, a connu, a servi les intérêts de la France. Mais jamais il n'aurait obtenu ces succès déplorables, sans la faiblesse et l'imprévoyance des ministères.

Singulière destinée de la France! A un dominateur qui court à des envahissements continuels sur les Bourbons d'Espagne par des batailles, succèdent des ministres qui les dépouillent d'un trait de plume; à ce dominateur qui, d'un seul mot, en paraissant, étouffe une faction puissante, et fait le contraire de tout ce qu'elle a voulu,

succèdent des ministres occupés pendant quinze ans à satisfaire cette faction insatiable qui ne recule jamais, et qui marche, la tête haute, au renversement du trône!

CHAPITRE XIV.

Loi relative à la restitution des biens des émigrés. Je suis nommé par le roi pour la soutenir. Ma proposition en faveur du commerce et de l'industrie. Sur le crédit public. Observations sur la manière de faire les emprunts. La prétendue science du crédit n'est qu'un honteux charlatanisme. M. le comte Duhamel demande la diminution des discours écrits. Je soutiens sa demande. Opinion du roi sur ce sujet.

J'AVAIS parlé si souvent, et avec tant de force, pour rappeler la proposition de M. le maréchal Macdonald en faveur des émigrés, que le roi voulut bien penser à moi lorsqu'il résolut d'accomplir cette ancienne promesse. Il me demanda lui-même si je voudrais la soutenir dans les deux

Chambres. J'acceptai avec reconnaissance cette marque de confiance. Il m'appela dans le conseil privé, où fut examiné le projet de la loi. M. le maréchal Macdonald fut un des membres de ce conseil, et eut touts les honneurs d'un acte de justice qu'il avait provoqué le premier. M. de Martignac fut le rapporteur au nom du gouvernement. La loi passa dans les deux Chambres à une grande majorité, malgré une vive opposition. Cette loi fut regardée comme un bienfait du roi. Je dois reconnaître que M. de Richelieu en avait conçu le projet, et qu'il avait même chargé un jurisconsulte d'écrire un mémoire sur ce sujet. Cette restitution, toute incomplète qu'elle était, dut exciter la reconnaissance non seulement des émigrés, mais de toutes les personnes essentiellement justes.

Un seul raisonnement suffit pour en prouver la justice. On n'avait pas confisqué les biens des régicides qui s'étaient déclarés contre le roi pendant les cent-jours, et l'on continuait la spoliation des biens des émigrés rentrés avec le roi, après avoir défendu sa cause. Bonaparte avait rendu les biens non vendus, et le roi se serait arrêté dans un projet si noblement conçu, et même exécuté par le dominateur, qui, plus d'une fois, avait manifesté le regret de ne pouvoir d'a

nes,

vantage. C'était le seul moyen de faire rentrer ces biens dans la masse générale des patrimoiet dans les contrats, sans aucune dénomination particulière qui les flétrissait dans l'opinion; le seul moyen aussi de repousser à jamais l'odieuse mesure des confiscations.

Cette loi eut un effet particulier. Une trèsgrande partie des sommes restituées passa dans les mains des anciens créanciers des émigrés. La classe intermédiaire accrut considérablement ses capitaux. Des hommes de bonne foi m'ont dit qu'ils avaient recouvré ainsi de vieilles créances auxquelles ils ne pensaient plus. Combien de ces belles boutiques, de ces galeries marchandes qu'on admire dans Paris, ont été élevées par les capitaux que ces restitutions ont mis dans le commerce! Cette opération fut grande et juste; et dans l'histoire, elle fera toujours un honneur infini au roi, à ses ministres, et surtout à M. de Villèle. L'honneur a dicté cette loi; pourquoi n'a-t-il pas toujours été consulté?

Je crois que ce fut alors une faute du minis tère de se complaire à dégrever les contribuables d'une faible portion de l'imposition foncière. S'il avait pu, comme en Angleterre, supprimer en tièrement ce genre d'impôts, on en aurait vu les grands résultats. Mais quelques centimes ôtés à

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