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sacrifié à la cause des Bourbons une partie de sa fortune. Après avoir suivi le roi à Gand, député en. 1814, il s'était distingué dans le parti royaliste, et ensuite dans plusieurs ambassades.

M. de Bertier, toujours attaché à cette cause, dans les temps les plus dangereux, l'avait servie dans les provinces du Midi pendant les centjours, et ensuite dans plusieurs préfectures. Son frère avait formé un des régiments de la garde royale. Comment l'idée d'une semblable destitution ne fut-elle pas étouffée par le souvenir de l'horrible catastrophe de leur père, immolé par des furieux, en plein jour, dans Paris, de la manière la plus cruelle pour lui, la plus honteuse pour la capitale! Les électeurs de Paris s'étaient souvenus de cet affreux jour, et ce fut un des motifs qui concilia leurs suffrages à M. Ferdinand de Bertier. On le destituait à cause de ses opinions; mais on savait que personne n'était plus royaliste que ces deux députés. On confondait étrangement deux choses: l'opposition au gouvernement et la critique du ministère. Ces deux choses sont bien différentes; c'est souvent par attachement au gouvernement, qu'on s'oppose au ministère.

On citait à ce sujet l'exemple de l'Angleterre, et l'on nommait M. Fox. M. de Richelieu s'était

plusieurs fois appuyé sur cet exemple. C'était une erreur. M. Fox, pendant longues années, était resté membre du conseil privé, quoiqu'il fût le chef d'une violente opposition contre les ministres; mais au commencement de la révolution française, dans un moment qui fut une crise imminente pour l'Angleterre, M. Fox, dans une grande réunion de wighs, porta un toast dont le roi fut offensé ; et malgré l'avis de M. Pitt, il l'effaça lui-même de la liste des membres du conseil privé. Mais ses opinions, comme député, n'en furent point le motif. C'eût été la chose du monde la plus opposée aux maximes de l'Angleterre.

CHAPITRE XVI.

Comités directeurs. Associations politiques. Opinion de Jean-Jacques Rousseau sur ces associations. Réflexions sur l'incapacité, prouvée par les évènements, des ministères de la restauration. Dissolution de la Chambre des Députés. Nomination de soixantequinze Pairs. De la finesse en politique. Nouvelles élections à la fin de 1787. Mon entretien avec le roi.

LES circonstances étaient bien graves, le péril menaçant. Je n'ai pas peut-être passé un seul jour sans parler à mes amis et dans ma famille des périls imminents du trône. J'en étais si convaincu, que je n'allais jamais à Saint-Cloud ou aux Tuileries, sans témoigner à ma famille combien j'étais douloureusement affecté du contraste

que me présentaient la pompe du trône et les périls qui l'entouraient; par le même sentiment pénible, je ne me suis présenté que deux fois devant M. le duc de Bordeaux; j'étais oppressé du triste avenir qui le menaçait.

M'entretenant un jour, dans le cabinet du roi, avec M. Franchet, directeur-général de la police, je vis qu'il partageait mes alarmes. Je lui dis que sans doute il les communiquait au roi. Il me répondit que jamais il ne voyait Sa Majesté, et qu'il remettait ses rapports à M. de Corbière, ministre de l'intérieur. Celui-ci sans doute ne dissimulait pas la vérité. Mais il y aura toujours une grande différence de force et de chaleur entre les discours d'un homme qui n'est qu'un simple rapporteur de ce qu'il a entendu, et les discours d'un autre homme qui cherche lui-même la lumière, qui entend les agents chargés d'examiner les choses, qui compare leurs rapports, et se forme ainsi une opinion précise et dominante. Ce dernier peut seul entraîner la conviction.

Avant la révolution, sous Louis XIV même, le parlement surveillant toujours la haute police, le procureur-général et l'intendant de police de Paris étaient introduits dans le cabinet du roi, lorsqu'ils avaient des révélations importantes à lui présenter. Et cependant, quelle différence

dans les circonstances! Bien plus, l'intendantgénéral des postes était introduit auprès du roi,

par

les mêmes motifs, quoiqu'il y eût un surintendant-général des postes. Le duc de Choiseul, qui avait cette surintendance, ayant voulu, même avec un peu de violence, priver de cette communication immédiate M. de Janel, qui avait l'intendance, Louis XV prononça contre la prétention de M. de Choiseul.

Il existait dans les temps dont je parle une cause toujours agissante qui menaçait le trône : c'étaient ces fameux comités directeurs dont on a tant parlé. Il est inconcevable que le ministère n'ait rien fait pour les détruire, ou empêcher l'effet de leurs efforts. Il avait un autre parti à prendre; c'était de déclarer ouvertement à la tribune leur existence, leur force, leur travaux, et d'ajouter que tout ce qu'ils faisaient contre le trône était sans doute permis au ministère en faveur du trône, et que, de ce jour, il provoquait lui-même un noble combat, dont il espérait se tirer avec honneur. Une telle déclaration aurait rallié les royalistes ; et si le ministère avait persévéré avec constance dans cette magnanime déclaration de guerre, il aurait triomphé. Encore une fois, le gouvernement est créé pour agir, ce doit étre une action perpétuelle. Encore une fois, le mi

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