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« tères faibles à se plaindre : les autres concen« trent leurs peines dans le fond de l'àme, et « cherchent les moyens de se relever. » Paroles sublimes!

En 1789, et les années suivantes, les journaux révolutionnaires de Paris déclamaient contre Gustave, et ils poussèrent des cris de joie quand il fut assassiné trois ans après. Catherine était donc liguée, sans le vouloir, avec les jacobins de Paris; et comme, suivant Bossuet et Montesquieu, les causes des révolutions datent toujours de fort loin, la conduite de Catherine envers Gustave est la première cause qui a placé un soldat français sur le trône de Suède.

Plus les dangers de Gustave augmentèrent, plus il fut grand; aussi écrivait-il à un de ses ministres, en 1790, en lui envoyant des nouvelles de France : « La motion des jacobins est « calquée sur ce qu'on voulait faire de moi en « 1788; mais je n'étais pas Louis XVI. » En 1789, pendant que Louis XVI marchait à sa perte, Gustave obtint des trois ordres de l'Etat le fameux acte de sûreté qui assura l'indépendance de la Suède et la dignité de sa couronne. Je dois remarquer que le grand Frédéric prit avec chaleur les intérêts de Gustave, et transmit de fortes représentations à l'impératrice de Russie.

Malheureusement, dans les temps dont je parle, il n'y avait plus de grand Frédéric ni de Gustave III en Europe; et l'on vit les souverains, leurs ambassadeurs, le roi de France et ses ministres repousser les Français royalistes, les consterner, les abattre, et inonder de joie le cœur des révolutionnaires. Le jour où Louis XVIII, dans un discours solemnel, repoussa le zèle des royalistes, ce jour dégrada la couronne et prépara sa chute. On remarqua la joie qu'éprouvait M. de Richelieu d'une séance mémorable dont il ne prévoyait pas les suites: il déployait une certaine hilarité bruyante qui lui était familière.. Je me rappelle qu'à la fin de cette séance, M. le duc de Fitz - James m'adressa quelques paroles. empreintes d'une profonde tristesse, qui redoutait et annonçait l'avenir.

Beaucoup d'hommes, beaucoup de femmes. n'ont cessé d'annoncer la chute du trône comme une chose inévitable; les femmes, surtout, qui ne raisonnent pas comme les hommes à perte de vue, qui ne sont frappées que des grandes causes et des grands résultats, craignaient et annonçaient la chute du trône. J'en connais plusieurs qui n'ont cessé de le penser et de le dire. Un jour, chez Mme la duchesse de ***, en 1829, M. le maréchal **** repoussait ses raisonnements et les

miens, en disant : «Vous parlez comme si nous étions en révolution; mais nous ne sommes pas en révolution. » Cette dame lui répondit avec beaucoup de bon sens : « Si nous étions en révolution, je parlerais de ce qu'elle aurait déjà fait et de ce qu'elle pourrait faire encore ; je ne vous ai pas dit un seul mot de tout cela. Je vous parle des éléments d'une catastrophe, des causes qui nous en menacent depuis quatorze ans, des fautes qui fortifient ces causes touts les jours, des progrès du parti qui en profite: prouvez – moi que tout ce que j'avance n'existe pas; mais si tout cela existe, laissez-moi mes alarmes. »

Chez cette même dame, dans l'hiver de 1830, tandis qu'elle annonçait nos malheurs avec certitude et une véritable éloquence, j'entendis un ambassadeur qui cherchait à la rassurer : il lui disait que la pairie prendrait de la force, en acquérant des richesses; que les fils de pairs épouseraient des héritières, et qu'ainsi la pairie deviendrait puissante. Ce raisonnement présentait un remède ridicule autant qu'éloigné à des maux qui nous menaçaient dans le moment même. C'était ainsi, ou à peu près, que raisonnaient les ambassadeurs étrangers, en 1816, sur les affaires de la France.

Pour être bien certain que la monarchie fran

çaise devait périr, il suffisait de remarquer que touts les actes contraires à l'honneur, et toutes les lois contraires à la monarchie, émanaient de la volonté et de la proposition des ministres, et toujours en opposition aux principes de la Charte. Elle n'avait point conseillé cette proclamation, datée de Cateau-Cambrésis, empreinte d'une mollesse qui faisait peine aux uns et réjouissait les autres, ni ce traité de Paris, dont j'ai démontré l'inconcevable pusillanimité : elle n'avait point dit qu'un régicide entrerait dans le conseil; qu'on donnerait une amnistie aux militaires qui avaient suivi le roi à Gand; que le roi se déclarerait contre les royalistes; qu'il dissoudrait une Chambre toute royaliste; qu'il s'unirait aux ennemis de son frère, en lui ôtant le commandement général des gardes nationales de la France. Tel fut cependant le début à la seconde restauration. On a dit qu'un général anglais avait conseillé une de ces choses; on le répète touts les jours: on ne voit pás que cette excuse rend la faute encore plus honteuse. En effet, elle concernait éminemment l'honneur de la couronne cet Anglais était-il gardien de cet honneur?

Si l'on examine toutes les lois proposées ou consenties par le trône, on verra qu'elles étaient toutes plus ou moins contraires à l'affermissement de la

monarchie, et par conséquent à la Charte, puisque la monarchie est la base de la Charte.

En 1819, on s'aperçut que la nouvelle loi électorale pouvait servir la faction. M. Barthélemy fit dans la Chambre des pairs une proposition qui tendait à supplier le roi d'ordonner à ses ministres d'y faire quelques changements. Les craintes des libéraux furent extrêmes; ils s'effarèrent; ils crièrent le ministère cria comme eux; et dans son effroi, il sauva la patrie par une création de soixante pairs.

Il faut remarquer que dans le même temps on accablait de destitutions touts les royalistes soupçonnés d'être ce qu'on appelait des ultrà; épithète qu'on ne pouvait bien comprendre, et qui par cette raison même était fort commode pour commander des destitutions. Cette marche du gouvernement enfantait une guerre véritable en France. Les projets sinistres s'annonçaient; l'animosité allait toujours croissant; et ce fut cet état violent qui inspira à M. de Chateaubriand cette phrase dans le Conservateur: «Mettez à « la tête du ministère une vertu active et vigou<<< reuse, et vous verrez s'évanouir devant elle «<l'audacieuse lâcheté du crime. » De telles phrases étaient alors criminelles aux yeux de Louis. XVIII et de son ministère.

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