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Cet étonnant mémoire se terminait par la revendication de l'Argovie bernoise, une demande d'indemnité de la part du canton de Vaud et le vœu de voir réunir à l'Etat de Berne une partie de l'évêché de Bale, suivant le désir de ses habitants.

Le 2 décembre, la commission entendit Laharpe et Rengger. Ces députés déclarèrent que les cantons qu'ils représentaient ne réclamaient rien, qu'ils se bornaient à s'opposer aux prétentions élevées contre eux. Rengger dit que la force seule pourrait contraindre le canton d'Argovie à laisser entamer son intégrité territoriale; que, quand même le gouvernement voudrait y consentir, il ne le pourrait pas, parce que les dispositions du peuple y étaient contraires '.

Laharpe cherchait à amener une conciliation par des concessions pécuniaires. Il déclara que le canton de Vaud était prêt à abandonner sa part aux fonds placés en Angleterre par l'ancien gouvernement Il mettrait comme condition à cet abandon que ces sommes fussent employées à indemniser les propriétaires auxquels la suppression des lods avait porté préjudice. Cette transaction devait satisfaire le gou

Ce noble et fier langage fut développé par Rengger dans un rapport du 5 décembre, où il invoquait les arguments suivants :

L'Acte de médiation qui a constitué l'Argovie en Etat indépendant a été signé par le député de Berne. A chaque session de la Diète, les députés de Berne ont juré de le maintenir. Les trois cantons qui composaient autrefois celui de Berne ont liquidé ensemble et partagé les charges et les bénéfices résultant de l'ancienne administration de Berne. Cet état de choses a été reconnu par la plupart des Puissances de l'Europe.

Les gouvernants de Berne prétendent avoir cédé à la force; mais dans tout traité de paix où l'on perd, l'on cède à la force, et l'on est en droit de reprendre ce que l'on a perdu lorsqu'une nouvelle guerre

vernement anglais, qui ne voulait pas se départir de ces fonds en faveur du canton de Vaud.

Sans tenir compte des vœux de l'Argovie, le duc de Dalberg offrit, au nom de la France, le 10 décembre, de céder Versoix et un petit territoire autour de Genève, qui rendrait toutes ses possessions continues, à la condition:

1o Qu'il ne soit rien demandé de plus au roi de Sardaigne;

20 Que le canton de Berne recouvre la partie de l'Argovie qu'il possédait jadis et que des actes de violence lui ont enlevée ;

3o Que le libre exercice de la religion catholique soit accordé dans la portion cédée du pays de Gex;

40 Que la France et ses sujets conservassent la liberté entière de naviguer, comme par le passé, sur le lac de Genève, sans que les communications soient. entravées par aucune gène et par aucun impôt '.

en offre le moyen. Mais les Bernois ont-ils reconquis l'Argovie? Il faudrait que les Puissances alliées en fassent la conquête pour eux pour la rendre aux Bernois.

Et après avoir rappelé l'élan manifesté par les Argoviens pour le maintien de leur indépendance, Rengger ajoutait: Comment en serait-il autrement, le peuple paie moins d'impôt que sous le régime bernois et tout ce qu'il paie est employé pour lui. Les meilleures places en Argovie ne rapportent que 2000 fr., tandis qu'un bailliage rapportait 40,000 fr. et qu'il en existait neuf.

Au reste, l'Argovie ne demande pas au gouvernement de Berne un acte d'émancipation, vu que depuis onze ans il est en possession légale de son indépendance.

1 Le Roi, disait la note verbale du ministre de France, désirant donner à la Confédération une nouvelle preuve de ses sentiments bienveillants et voulant de son côté faciliter l'exécution du susdit article, consent qu'on traite de l'échange d'une portion du pays de Gex qui est la plus voisine du lac et qui laisserait la route de Versoix sous la sou

La proposition du duc de Dalberg fut repoussée par les autres puissances et il fut convenu de prendre l'intégrité des XIX cantons pour principe fondamental. Lord Stewart, qui s'était constitué le patron de Genève en acquiesçant à cette détermination, voulait que l'on donnât le Porrentruy à Genève, dans l'espérance que, dans la suite, il pourrait servir d'échange contre une partie du pays de Gex; il pensait que l'on devait dors et déjà décider de laisser la vallée des Dappes à la France en donnant en compensation Céligny au canton de Vaud. Dans une conversation particulière avec Laharpe, le duc de Dalberg proposa que le canton de Vaud abandonnat différentes enclaves à Fribourg, qui, à son tour, aurait cédé Morat à Berne '.

veraineté de la Confédération suisse. Le roi ne se dissimule point que cet échange porte, en quelque sorte, atteinte aux principes de l'immutabilité des frontières de la monarchie, et que ce sacrifice ne doit se faire qu'en vertu d'autres avantages qui en résultent pour le

royaume.

La France fait un sacrifice de commerce en quittant les bords du lac de Genève. La communication avec le midi de la Suisse, le Vallais et la Savoie, est singulièrement protégée par l'établissement de Versoix. Aucune partie de l'évêché de Bâle ne compense un tel avantage. La France insiste, à cette occasion, sur la cession de la vallée des Dappes, renfermant tout au plus une population de 300 à 350 individus, mais qui lui est nécessaire pour construire une nouvelle route de commerce sur sa frontière.

Cette vallée appartient au canton de Vaud, qui pourrait acquérir en échange Céligny.

La France recevra en échange la partie de l'évêché de Bâle sur la gauche du Doubs, près de Ste-Ursanne jusqu'à Lucelle. »

Suivent les conditions énumérées dans le texte.

'Dalberg était plein de préventions contre les Vaudois, qu'il ne connaissait pas. On lui avait fait croire qu'il y avait eu des massacres dans le canton de Vaud, que la guillotine avait été longtemps en permanence à Lausanne. Voilà, dit Monod, les moyens dont l'on se servait contre nous.

La commission entendit, dans les séances suivantes, les députations des différentes parties de la Suisse et celles de l'évêché de Bàle. Une partie de cette contrée, Moutier et Grandval, demandait à être réunie à Berne, l'autre (les six septièmes) aurait voulu être constituée en canton séparé sous la suzeraineté de son princeévêque. Celui-ci, qui était alors Mgr Franz-Xavier de Neveu, avait adressé, le 12 mars 1814, aux Puissances un mémoire pour affirmer ses droits de souveraineté sur sa principauté, à laquelle il n'avait jamais renoncé, qui n'avait été cédée ni par l'empereur ni par l'empire d'Allemagne et que la France n'avait occupée que par l'effet d'une usurpation. Le 17 septembre 1814 l'évêque de Bale avait été rétabli dans sa juridiction spirituelle par une bulle papale '. Depuis que les Alliés avaient pris possession de cette contrée, elle avait été placée sous le gouvernement provisoire du baron d'Andlaw, qui l'administrait en leur nom avec le concours d'un commissaire fédéral, le colonel Hauser. Les représentants de la principauté de Porrentruy, MM. de Billieux et Déléfils, invoquaient en faveur de son autonomie le traité que celle-ci avait conclu avec les sept cantons catholiques le 29 septembre 1579 et qui avait été renouvelé à plusieurs reprises (en 1655, 1675 et 1695). Bienne, avec trois ou quatre villages de sa banlieue, désirait également former un canton particulier. Ces voeux multiples ne purent être exaucés.

Sous le règne de Napoléon, l'évêché de Bâle avait été réuni à celui de Strasbourg.

Hilty. P. J., 1887, p. 327 et suiv.

Mémoire de la légation fédérale touchant les frontières stratégiques de la Suisse. Négociations avec l'Autriche relativement à la Valteline.

La réunion du Porrentruy à la Suisse améliorait dans une certaine mesure la frontière militaire de la Confédération. Celle-ci demeurait cependant encore vulnérable sur plusieurs points. La députation de la Diète avait confié, le 5 décembre 1814, au ministre prussien, dont le souverain, comme prince de Neuchâtel, faisait partie de la Confédération helvétique, un mémoire tendant à démontrer que si les Alliés voulaient le maintien de la neutralité de la Suisse, il fallait faciliter sa défense en remettant à sa garde la forte enceinte que la nature semblait avoir tracée autour d'elle. Ce mémoire, basé sur l'étude faite au mois d'avril précédent par le quartier-maitre général Finsler, fut remis par le ministre de Prusse à la commission du Congrès '.

Après la réunion de Neuchâtel, du Vallais et de Genève, disait le mémoire de la légation fédérale, la Suisse doit désirer d'avoir des limites contiguës, non interrompues et susceptibles d'une défense simple et facile. Elle ne vise pas à s'étendre aux dépens de ses voisins, mais à obtenir le retour des parties détachées d'elle et à acquérir quelques points nécessaires au but précité, par une voie légitime et approuvée des Hautes Puissances.

Les demandes de la légation portaient sur les territoires suivants : A. Du côté de la France:

1o Tout le pays connu sous la dénomination d'évêché de Bâle, y compris les Franches-Montagnes, Ste-Ursanne, Delémont, Laufon et Birsegg. Porrentruy et Ajoie.

2o La vallée des Dappes, que le canton de Vaud avait été obligé de

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