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Les journaux représentant l'opinion ultra-royaliste, alors dominante, étaient fort mal disposés à l'égard du canton de Vaud et portaient contre lui, avec une certaine complaisance, les accusations les plus fausses et les plus perfides. L'un d'eux, le Journal royal, publia avec empressement trois lettres datées de Berne (16, 17 et 19 février), qui étaient autant de pièges tendus par des inconnus à la sotte crédulité de ses rédacteurs.

La première de ces correspondances parut à Paris le 23 février; elle racontait que la guerre civile avait éclaté en Suisse et que les Vaudois, qui prétendaient avoir à leur tête un ex-souverain, se portaient à marches forcées sur Fribourg avec un corps auxiliaire composé de Savoyards, en dévastant les villages sur leur passage. Dans les lettres suivantes, le Bernois bien informé, qui s'était institué le correspondant bénévole du journal parisien, ajoutait que les Vaudois avaient pris possession de Peterling et de Vivistatt, et se préparaient à piller le beau faubourg de la Matte, où la plupart des sénateurs bernois ont leur maison de campagne. Il y était question de l'arsenal de Lutry où les ouvriers armuriers travaillaient depuis six mois avec une grande activité, d'un général baron de Marandolor, d'un engagement qui avait eu lieu près du pont de Puflisberg, à deux lieues de la dent de Jaman et non loin de Morat, et de la retraite des Vaudois sur la dent de Morcles, poursuivis par la cavalerie des Haut-Vallaisans, enfin d'une brochure du chevalier Lichtenlöscher, sur l'abus des idées libérales, qui avait fait grande sensation, etc., etc.'

Un autre journal parisien, la Quotidienne, comprit que son confrère avait été victime d'une mystification et releva les inepties qu'il avait servies à ses lecteurs.

le colonel Petit Pierre, de Neuchâtel, qui, étant attaché en 1814 et 1815 à l'état-major de la place de Besançon, en avait en mains un exemplaire dont il l'autorisa à prendre copie.

On trouve ces lettres tout au long dans Gaullieur, t. IV, p. 317.

Le gouvernement vaudois, prenant cette mauvaise plaisanterie au sérieux, interdit la circulation du Journal royal sous peine d'amende et promit une récompense de 200 louis d'or à celui qui fournirait des indices permettant de découvrir l'auteur d'une lettre envoyée de Lausanne le 22 février à ce même journal.

Les choses en étaient là, les esprits étaient montés par toutes sortes de causes, comme l'on vient de voir; la guerre pouvait éclater entre les grandes puissances et la Suisse se voir de nouveau envahie, lorsque se produisit un des événements les plus étonnants de l'histoire moderne, le retour de Napoléon de l'ile d'Elbe. Evénement malheureux pour la France, mais qui rétablit l'entente entre les grandes puissances et les obligea à faire trève à leurs discordes pour se coaliser de nouveau contre l'ennemi commun. Quant à ce qui concerne le canton de Vaud, « il n'est pas douteux, dit Monod, que ce retour ne l'ait tiré d'un des dangers les plus imminents qu'il ait jamais couru. »

Cette appréciation peut paraître exagérée; il est évident, cependant, que si une guerre eût éclaté entre l'Autriche, la France, l'Angleterre et les petits Etats allemands d'une part, la Prusse et la Russie de l'autre, et que ces dernières puissances eussent eu le dessous, le canton de Vaud se serait trouvé privé de son plus fidèle protecteur, et que le parti réactionnaire suisse n'eût pas manqué de tirer profit des sympathies qu'il

'Cette dernière lettre paraissait être d'une autre main que celles de Berne et avait un caractère plus plausible. Elle parlait aussi de la guerre civile qui était sur le point d'éclater. Les trois premières avaient pour auteurs des jeunes Vaudois, étudiants en médecine à Paris, entre autres M. Verdeil, qui devait plus tard écrire l'Histoire du canton de Vaud, et un M. Manget, de Genève, ancien professeur à Lausanne.

avait su se créer dans l'entourage de Metternich et de Talleyrand.

Déclaration du Congrès du 20 mars, proclamant la neutralité de la Confédération suisse. Acte additionnel du 29 mars conclu entre le roi de Sardaigne et les Hautes Puissances concernant l'extension du territoire de Genève.

Le débarquement inopiné de Napoléon près de Cannes, le 1er mars 1815, répondait aux voeux d'une partie du peuple français, qui salua avec enthousiasme le retour de son idole. En Suisse on crut d'abord à une mystification; mais lorsque la nouvelle fut confirmée par un courrier officiel, on frémit à la pensée des orages qui allaient suivre. L'annonce des premiers succès de l'usurpateur parvint à Vienne le 10 mars; elle produisit naturellement une grande émotion et hata la solution des questions pendantes.

Dans les quelques jours qui suivirent, les diplomates firent plus de besogne qu'ils n'en avaient accompli précédemment en plusieurs mois.

Le 20 mars, les huit puissances (Autriche, Espagne, France, Grande-Bretagne, Portugal, Prusse, Russie et Suède) signèrent une déclaration par laquelle elles reconnaissaient la neutralité perpétuelle de la Confédération suisse et lui garantissaient l'intégrité et l'inviolabilité de son territoire.

« Les Hautes Puissances constatent, dit le préambule de cet acte, que l'intérêt général réclame en faveur du corps helvétique l'avantage d'une neutralité perpétuelle et que des restitutions territoriales et des cessions sont nécessaires pour lui fournir les moyens d'assurer son indépendance et maintenir sa neutralité.

Après avoir recueilli toutes les informations sur les différents cantons, et pris en considération les demandes qui leur ont été adressées par la légation helvétique, elles déclarent reconnaitre comme base du système helvétique l'intégrité des XIX cantons, tels qu'ils existaient en corps politique à l'époque de la convention du 29 décembre 1813 (art. 1). »

Puis elles proclament la réunion du Vallais, de Genève et de la principauté de Neuchâtel à la Suisse (art. 2);

Elles décident que la vallée des Dappes', que le gouvernement helvétique avait cédé à la France en 1802, sera rendue au canton de Vaud (art. 2), et que l'évêché de Bàle, ainsi que la ville de Bienne et son territoire seront incorporés au canton de Berne, à l'exception d'un district annexé au canton de Bâle et d'une petite enclave cédée à la principauté de Neuchâtel (art. 3) 3. Comme condition à cette réunion, il était stipulé:

« Que les habitants de l'évêché de Bâle et ceux de Bienne, réunis aux cantons de Berne et de Bàle, jouiraient à tous égards et sans différence de religion des mêmes droits politiques et civils dont jouissaient et pourraient jouir les habitants des anciennes parties des dits cantons. >>

Les Hautes Puissances, n'ayant point accédé aux vœux émis par la députation fédérale concernant la réunion de Constance à la Confédération, prévoyaient, comme conséquence de ce refus, que les contrées de la Suisse jusqu'alors placées sous la juridiction de l'é

La cession de la vallée des Dappes avait eu pour but de permettre à la France l'établissement d'une route de Dijon à Milan par la Faucille, Genève, le Chablais et le Vallais, qui, traversant ainsi les départements du Léman et du Simplon, n'empruntait sur aucun point de son parcours le territoire d'un Etat étranger. La convention faite avec l'empereur Napoléon portait que le canton de Vaud recevrait une indemnité, mais elle ne fut jamais réglée.

Les localités de Allschwyl, Schönenbuch, Oberwyl, Therwyl, Ettingen, Fürstenstein, Pfeffingen, Esch, Reinach, Arlesheim, etc., étaient réunies au canton de Bâle.

Cette enclave était située près du village de Lignières.

vêque de Constance devraient être détachées de ce diocèse pour former un nouvel évêché qui entrainerait peut-être la suppression de celui de Bâle; étant donnée cette éventualité, elles décidaient :

Que les cantons de Berne et de Bâle seraient tenus de payer à titre d'indemnité une rente viagère de 12,000 florins d'empire au ci-devant prince-évêque de Bâle, qui devait s'ajouter à celle qu'il recevait déjà des Etats allemands, aux termes du recès de l'empire germanique de 1803.

La cinquième partie de cette somme devait être affectée à la sustentation des chanoines de l'ancien évêché de Bâle pour compléter la somme qui avait été stipulée en leur faveur par les recès de l'empire (art. 4).

Le canton de St-Gall fut pareillement astreint au paiement d'une pension annuelle de 6000 fl. d'empire au prince-abbé de St-Gall, plus une rente de deux mille florins à ses employés (art. 4).

Dans le but d'assurer les communications commerciales et militaires entre Genève et le reste de la Suisse, la France s'engageait à laisser en tout temps libre la route qui conduit de Genève dans le canton de Vaud par Versoix et elle autorisait la milice et la gendarmerie genevoises à circuler sur la route qui conduisait de Genève au mandement de Peney par Meyrin.

Les Puissances s'engageaient à interposer leurs bons offices pour faire obtenir à la ville de Genève un arrondissement convenable du côté de la Savoie (art. 5).

Pour établir des compensations mutuelles, les cantóns d'Argovie, Vaud et St-Gall étaient tenus de fournir à ceux de Schwytz, Unterwald, Uri, Glaris, Zug et Appenzell (R. I.) une somme de 500,000 fr., qui devait être affectée à leur administration générale et plus spécialement à l'instruction publique. Le Tessin devait en outre payer chaque année à Uri la moitié du produit des péages perçus dans la Lévantine.

Afin de mettre un terme aux discussions qui s'étaient élevées au sujet des fonds placés en Angleterre par les cantons de Berne et de Zurich, les Puissances statuaient :

« Que les cantons de Berne et de Zurich conserveraient la pro

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