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sorte d'initiative, enfin et surtout, la faculté pour les Conseils d'introduire successivement dans la Constitution même les changements jugés nécessaires. « Les » garanties aristocratiques de ce régime résultaient, » dit M. Rilliet, des conditions d'àge, de fortune, de » lumières, de services rendus, requises pour être » électeur et député; du système d'élection, où un » collège d'élite suppléait à l'absence de majorité ab» solue; du renouvellement graduel du Conseil repré» sentatif; de l'initiative des lois accordée au pouvoir » exécutif; du grand nombre et du faible traitement » de ses membres; de leur inamovibilité et de leurs >> attributions politiques; enfin, de la forte majorité » nécessaire pour opérer des modifications dans l'acte >> constitutionnel. »'

La république avait pour organes :

a Le Conseil représentatif, composé de 274 membres, à savoir 250 députés et 24 conseillers d'Etat; ce corps avait pour mission de sanctionner les lois présentées par le Conseil d'Etat, et il pouvait les amender, sauf en matière constitutionnelle, où il devait se borner à accepter ou à refuser les projets à lui soumis. Il était présidé par l'un des syndics;

b! Le Conseil d'Etat, composé de 24 membres, à la tête duquel étaient placés les quatre syndics. Ces derniers étaient choisis chaque année dans le sein du Conseil d'Etat et n'étaient rééligibles qu'une année après leur sortie de fonctions. Le Conseil d'Etat était le pouvoir exécutif de la république, et il avait seul le droit d'initiative en matière législative.

1 Voir Rilliet, Histoire de la restauration de la République de Genève, p. 127.

La police était exercée par un lieutenant assisté de quatre auditeurs.

La justice était rendue par deux tribunaux de première instance, un pour les affaires civiles et correctionnelles, l'autre pour les affaires commerciales; il y avait, en outre, un tribunal d'appel, qui portait le nom de Cour de justice civile et criminelle, et un tribunal de recours pour les causes criminelles, qui remplissait les fonctions de cour de cassation et de commission de grace; le tribunal de recours était composé de 7 conseillers d'Etat, 6 présidents ou juges des autres tribunaux, 2 auditeurs et 24 membres du Conseil représentatif tirés au sort pour chaque semestre.

Cette constitution, quoique fort critiquée, dura plus longtemps que celles que s'étaient données les autres cantons de la Suisse ; il est vrai que, sur ses 105 articles, 57 furent modifiés de 1814 à 1841, ce qui prouve que la clause de revision qu'elle contenait n'était point un leurre et fonctionna régulièrement comme soupape de sûreté.

Neuchâtel.

Par le traité de Schoenbrunn (15 décembre 1805), le roi de Prusse avait renoncé à ses droits sur Neuchâtel en faveur de Napoléon, qui donna cette principauté au maréchal Berthier (28 février 1806).

Absorbé par les guerres continuelles de l'empire, Berthier ne résidait point dans sa principauté, il l'administrait par l'intermédiaire d'un gouverneur assisté d'un Conseil d'Etat. Pendant les huit ans que dura la domination française, la principauté fut soumise au régime du bon plaisir; le gouverneur, M. de Lespérut,

n'abolit pas les anciennes institutions du pays, il se bornait à les ignorer. «Comme dans le conte de la » Belle au Bois dormant », dit un historien neuchàtelois', tout dormit chez nous pendant huit ans ; la » volonté seule du Prince veillait et agissait par l'in>> termédiaire de quelques magistrats tout-puissants. » Lorsqu'en décembre 1813 les Alliés pénétrèrent en Suisse, le baron de Chambrier d'Oleires, ministre du roi de Prusse près la Confédération helvétique, d'accord avec M. de Lespérut, gouverneur de Neuchatel, fit immédiatement des démarches auprès des généraux autrichiens afin d'obtenir que la principauté de Neuchâtel ne fût pas traitée en pays français et ennemi, mais envisagée comme faisant partie du territoire suisse (22 décembre).

Le 23 décembre, le gouverneur de Neuchatel quitta cette ville un quart d'heure avant l'arrivée des troupes autrichiennes, entre les mains desquelles il faillit mème tomber.

Le Conseil d'Etat de Neuchâtel, voyant le pays envahi et rançonné par les Autrichiens, envoya le 29 décembre, au prince de Schwarzenberg, une députation composée de MM. Courvoisier, conseiller, et de Montmollin, secrétaire d'Etat; et, le 10 janvier 1814, le Conseil d'Etat envoyait une seconde députation, composée de MM. de Rougemont, de Montmollin et de Pourtalès, auprès des ministres des Souverains alliés, pour les prier de prendre en considération la position. du pays et d'alléger ses charges. Ce fut à Bàle, où ils arrivèrent le 13 janvier, que les délégués du Conseil

Voir F. de Chambrier, Les mensonges historiques sur Neuchâtel,

d'Etat de Neuchâtel apprirent par M. de Chambrier la résolution que le roi de Prusse avait formée de revendiquer sa principauté qui, depuis plus de quinze jours, était occupée par les troupes alliées.

Le 3 juin 1814, le prince Berthier signa son abdication.

Durant l'intervalle qui sépara la fuite du gouverneur français et la renonciation formelle de Berthier à ses droits sur la principauté, il fut question un moment de transformer celle-ci en république; ce projet était appuyé par l'Autriche et par les patriciens bernois; mais le roi de Prusse s'était empressé, pour sauvegarder les droits dans lesquels il entendait rentrer, d'envoyer à Neuchâtel un gouverneur provisoire, qui avait pris possession du pays en son nom. Le peuple neuchâtelois, du reste, dans son immense majorité, désirait le rétablissement de la domination de la maison de Hohenzollern et celle-ci désirait non moins fortement, dans l'intérêt de Neuchâtel, la rattacher à la Confédération suisse, afin de la faire bénéficier de la neutralité helvétique. Cette incorporation de Neuchâtel à la Confédération était nécessaire dans la pensée des Hautes Puissances, afin d'assurer à la Suisse une bonne frontière.

Le 18 juin, le roi Frédéric-Guillaume donna à la principauté de Neuchâtel (dont la possession lui avait été reconnue par le traité de Paris du 30 mai) une charte constitutionnelle et rétablit les anciennes audiences générales, dont l'origine remonte au XIIIe siècle. Ces audiences générales exerçaient le pouvoir législatif; elles étaient composées des dix plus anciens conseillers d'Etat, de quatorze notables nommés par le roi, dont quatre ecclésiastiques, et des chefs de ju

ridiction, dont le nombre ne pouvait excéder 24, et enfin de 30 membres nommés par les divers districts par une élection au second degré.

Les députés comme les notables étaient élus à vie. Le pouvoir exécutif était exercé par un Conseil d'Etat composé de 20 membres.

La charte du 18 juin 1814 garantissait le libre exercice des deux cultes, la liberté du commerce et la liberté individuelle.

La composition des audiences générales fut fort critiquée dans la suite; nous y reviendrons quand nous parlerons des événements de 1831.

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