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des citoyens qui tomberaient en défendant la patrie. Le philhellène Eynard écrivit au président de la Diète qu'il prenait l'engagement de mettre à la disposition du gouvernement fédéral une somme de cinquante mille francs pour venir en aide aux victimes de la guerre si elle éclatait. Les étudiants, notamment à Lausanne, s'exercèrent au maniement des armes et formèrent des légions académiques.

Heureusement pour nous, la fermentation qui régnait en Europe se calma; les mouvements insurrectionnels cesséèrent en Savoie. Les trois bataillons de la IVe division qui avaient été mis sur pied rentrèrent dans leurs foyers le 20 avril et les états-majors furent définitivement licenciés le 15 novembre. Des mouvements de troupes autrichiennes, en nombre considérable, continuaient cependant à se produire sur les frontières du Tessin et du Piémont; mais la Diète estima qu'ils n'étaient pas de nature à porter ombrage à la Suisse, et, tout en louant la vigilance du général Guiguer, qui les avait signalés, elle refusa les contingents qu'il lui demandait.

Jugé à cinquante et quelques années de distance, cette soudaine levée de boucliers peut paraître extraordinaire. Il peut sembler aujourd'hui que la Diète s'était émue prématurément en prévision de dangers imaginaires. Mais il ne faut pas oublier que les souvenirs des années 1813, 1814 et 1815 étaient encore présents à tous les esprits et mieux valait assurément faire d'inutiles préparatifs que de se laisser surprendre une seconde fois à l'improviste. La mobilisation partielle et les travaux de défense accomplis en 1831 portèrent d'ailleurs d'excellents fruits en donnant de la

cohésion à l'armée; la Suisse reprit confiance en ellemême et sut acquérir la considération de l'étranger.

Il ne mangue pas dans notre pays d'hommes optimistes ou chagrins pour prétendre que nous n'avons pas besoin de soldats, que nous pouvons vivre en sécurité sur la foi des traités, et pour déplorer les sacrifices que réclame le développement de notre armée. S'ils ont pris la peine de lire ce qui précède, ils se convaincront peut-être que les efforts de la Confédération pour perfectionner nos institutions militaires et politiques lui ont mérité l'estime des autres nations et ont heureusement modifié la situation précaire qui nous était faite à l'époque où fut conclu le Pacte de 1815.

XII

RÉACTION RELIGIEUSE DANS LES CANTONS

CATHOLIQUES

Garanties d'existence données aux couvents et aux chapitres.

Il était dans la nature des choses qu'après les bouleversements politiques et sociaux dont la Révolution française avait été le point de départ, une réaction se produisît, non-seulement dans le domaine politique, mais aussi dans le domaine religieux. Dégoûtées de l'irréligion par les fruits qu'elle avait portés, les populations, dans les pays catholiques comme dans les pays protestants, étaient mùres pour un réveil. L'Eglise romaine devait s'en saisir et mettre à profit les loisirs que la paix laissait à l'Europe pour étendre sa domination. C'est ce qu'elle fit, notamment en Suisse.

Sous le régime de la République helvétique, dont la Constitution proclamait cependant la liberté de conscience et de culte (art. 6), les biens des couvents, des fondations et des abbayes (à l'exception toutefois de ceux de l'Hospice du Saint-Bernard) avaient été placés sous séquestre et déclarés propriétés nationales. Des pensions viagères avaient été assurées à leurs membres, et défense avait été faite aux maisons religieuses de l'un et l'autre sexe de recevoir des novices.

Ces rigueurs ne durèrent pas. L'Acte de médiation, qui déjà ne parlait plus de liberté de conscience ni de de culte, ordonna que les biens ayant appartenu aux couvents leur seraient restitués et les restrictions apportées au recrutement de leurs novices ne tardèrent pas à être levées. On vit alors le nonce apostolique entrer en rapport non plus seulement avec les cantons catholiques, comme dans les siècles précédents, mais bien avec les autorités fédérales.

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Grace à l'habileté du représentant du Saint-Siège, Mgr Testaferata, archevêque de Bérite, un article (12) fut introduit dans le Pacte de 1815 pour garantir l'existence des couvents et des chapitres et la conservation de leurs propriétés, en tant qu'elles dépendaient des gouvernements cantonaux. Le Pacte de 1815 ne consacrait pas d'ailleurs la liberté des cultes.

Qui n'avance pas recule; se contenter de cette première satisfaction eût été un aveu de faiblesse; aussi le saint-siège n'hésita-t-il pas à déclarer ouvertement la guerre aux idées modernes et à envoyer en Suisse l'élite de ses milices.

Le retour des Jésuites, d'une part, et la réorganisation des circonscriptions épiscopales, de l'autre, constituent deux événements considérables qui, avec la question des couvents, ont puissamment contribué à agiter la Suisse pendant la première moitié de notre siècle. Les combats que le pouvoir civil a eu à soutenir contre l'envahissement de l'ultramontanisme et les efforts qu'il a eu à déployer pour défendre ses po

On comptait alors en Suisse 116 couvents d'ordres divers. Ils renfermaient environ 1500 religieux et un millier de religieuses.

sitions, montrent à quel point le Pacte de 1815 était insuffisant pour faire régner l'ordre.

Durant cette première période de Culturkampf, de 1815 à 1830, les Etats sont sur la défensive; leur désunion, leur manque de cohésion, le défaut d'un gouvernement central fortement organisé, les lacunes de la législation donnent beau jeu au nonce et à la curie romaine. Si, dans les luttes qu'il a engagées plus tard contre l'ultramontanisme, le pouvoir civil a eu la main lourde, il faut reconnaitre que, pendant l'époque qui va nous occuper, c'est bien de Rome que sont parties les premières agressions.

Etablissement des Jésuites.

Au commencement du siècle, il s'était formé à Fribourg, grâce à la protection d'un patriciat éclairé, des écoles primaires et secondaires qui avaient acquis une grande notoriété et dont la réputation égalait celle des établissements protestants fondés à Hoffwyl par Fellemberg et à Yverdon par Pestalozzi. Ces écoles avaient à leur tête le Père Girard, qui jouissait d'une grande considération en raison de la pureté de ses mœurs, de ses connaissances approfondies, de son patriotisme et de la largeur de ses idées. Toutes ces qualités d'esprit et de cœur, jointes à l'indépendance de son caractère et aux réels succès qu'il avait obtenus comme pédagogue, lui avaient attiré l'animosité des Jésuites. Calomnié par la presse ultramontaine, qui cherchait à flétrir sa réputation, il avait eu pour défenseur le vi

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