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lay, se dirigèrent sur Porrentruy et Montbéliard; d'autres, sous le commandement de Bubna, suivirent la route de Genève; le corps du général Lichtenstein se rendit à Pontarlier en passant par Soleure et Neuchâtel; celui du général Wrede, ayant Belfort pour objectif, ne fit que traverser la frontière suisse. D'autres corps d'armée passaient sur le pont de Lauffenbourg et sur celui de Schaffhouse; Zurich, Aarau, Berne et Neuchâtel les virent défiler. La discipline de l'armée autrichienne était, du reste, excellente; elle payait toutes les fournitures qui lui furent faites. Au point de vue matériel, si l'on en excepte l'épidémie de fièvre nerveuse qu'elle introduisit à sa suite, l'invasion des alliés n'eut point de graves conséquences. On ne vit pas se renouveler les scènes de pillage qui, quinze ans auparavant, marquèrent le passage des Français.

Au point de vue politique, l'effet fut grand. La garnison française de Genève capitula (31 décembre 1813) et, après quinze ans de domination étrangère, la cité de Calvin reprit son indépendance. La principanté de Neuchâtel, que Napoléon avait enlevée à la Prusse, pour la donner à son aide-de-camp, le maréchal Berthier, rentra sous la domination prussienne. Le Vallais, que Napoléon avait brutalement annexé à l'empire français, reconquit sa liberté. Ces trois Etats demandèrent leur réunion à la Suisse.

A côté de ces résultats heureux, qui eussent pu être obtenus sans l'entrée des Autrichiens en Suisse, l'intervention étrangère en produisit un autre qui fut déplorable, nous voulons parler de la brusque suppression des sages dispositions contenues dans l'Acte de médiation.

Tout en reprenant son indépendance et en se déga

geant des obligations que la France lui avait imposées, la Suisse eût pu, en effet, conserver dans ses traits généraux la constitution sous laquelle elle vivait depuis près de onze ans. Mais c'était précisément ce que Metternich ne voulait pas. S'il n'avait tenu qu'à lui, les nouveaux cantons auraient été supprimés et l'ordre de choses qui existait avant 1798 aurait été, à peu de chose près, rétabli.

Pendant plus de 18 mois, la Suisse allait se trouver sans constitution.

Intrigues du Comité de Waldshut.

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Senft de Pilsach. Rétablissement du patriciat à Berne et tentative faite pour replacer les pays de Vaud et d'Argovie sous la domination de Leurs Excellences.

Une fois les alliés entrés en Suisse, les partisans de l'ancien régime, qui les y avaient attirés, devaient naturellement profiter de leur présence pour reprendre le pouvoir.

Il y avait à Berne un groupe de patriciens réactionnaires qui attendaient avec impatience ce moment si longtemps désiré. Peu de temps après la bataille de Leipzig, ils s'étaient constitués en vue de rétablir l'ancien régime et de replacer les pays de Vaud et de Berne sous la domination de Leurs Excellences. C'était ce que l'on appelait le Club Viennois, plus connu sous le nom de Comité de Waldshut. Le noyau de ce club était formé par quelques officiers bernois au service d'Autriche et par les membres survivants de la Commission d'Etat qui, en 1802, lors de la chute du gou

vernement helvétique, avait un moment occupé le pouvoir. Cette commission d'Etat avait dù jadis céder la place au gouvernement institué par l'Acte de médiation, mais elle avait continué, durant les années suivantes, à demeurer organisée secrètement, ainsi qu'en fait foi un protocole du 19 mars 1808'. Parmi les membres du Club Viennois figuraient le colonel Gaschet, M. de Werdt de Toffen, deux Messieurs de Tscharner, le capitaine Steiger de Riggisberg, le professeur Charles-Louis de Haller, le commissaire de Wyss. Ils avaient pour associés dans le canton de Zurich, le seigneur justicier Escher de Berg, et, dans celui des Grisons, le comte de Salis-Soglio et le baron de Salis-Zizers.

Hâtons-nous de dire que tous les patriciens bernois n'étaient point complices de ces intrigues. Les amis de l'Acte de médiation s'étaient groupés autour du général de Wattenwyl, qui fit son possible, comme ancien Landammann de la Suisse et avoyer bernois, pour s'opposer aux manoeuvres des réactionnaires. Malheureusement, il se trouvait éloigné de Berne par le fait de son commandement militaire.

Quant au gouvernement, qui avait à sa tête le vieil avoyer Freudenreich, il n'approuvait pas les moyens employés par le Club Viennois, mais il comptait parmi ses membres beaucoup de parents et n'osa point agir énergiquement contre eux. Il désirait, du reste, lui aussi, apporter des changements à la constitution de l'Etat.

Lorsque le conseil secret reçut communication de

1 M. Hilty a publié ce curieux protocole dans son P. J., 1886, p. 182.

l'acte de neutralité voté par la Diète et de la proclamation au peuple suisse, qui consacrait implicitement le maintien de l'Acte de médiation, il écrivit au député de Berne à la Diète qu'il était surpris de voir la Suisse conserver une constitution imposée de force par la France. Il se plaignit aussi de ce que les autres cantons, tout en conservant leurs anciens droits, exigeaient que les Bernois sacrifiassent ceux qu'ils avaient hérité de leurs pères '.

Le député répondit qu'en mentionnant dans son

1 La lettre du Conseil secret du 24 novembre 1813 s'exprime ainsi : « Pourquoi parle-t-on de garder une constitution que la France a imposée de force à la Suisse, et qui a pour conséquence l'alliance avec cette puissance, une onéreuse capitulation, le système continental, l'interdiction de tous les services non français ? Ces conséquences consacrent si évidemment l'influence de la France, que les Alliés approuveront difficilement une neutralité adoptée à de semblables conditions.

Le grand but des Alliés, c'est d'affranchir le continent de son joug, de limiter la politique et les plans de conquête de la France. Or, en Suisse, elle a gagné à sa cause les nouveaux cantons par la sanction de leur existence, d'anciens par un agrandissement territorial. Lors même que la Suisse serait d'accord pour maintenir la constitution actuelle, le but des Puissances alliées ne serait pas atteint; leur intérêt demande une garantie plus solide contre l'influence française. Où la trouverait-elle mieux que dans la restauration de Berne, de sa puissance, de ses principes de gouvernement, de l'esprit traditionnel et personnel de ses gouvernants? Les Alliés, dans l'intérêt de leur système, doivent défaire ce qui s'est fait en Suisse depuis quinze ans. Magistrats bernois, nous regardons comme la vraie et seule politique du canton, comme un devoir sacré, de défendre les droits que nos ancêtres ont acquis de leurs biens et de leur sang, et que l'Europe a regardés comme légitimes depuis des siècles, d'annuler les morcellements opérés par la violence étrangère, et de nous garantir du reproche d'avoir perdu, par des concessions pusillanimes, l'occasion décisive d'une restauration et d'avoir imprimé à ces violences le sceau de la légalité. »

(Voir Manuel du Conseil d'Etat, XV, 24 nov. 1813, cité par Monnard.)

appel au peuple le maintien de l'Acte de médiation, la Diète avait eu pour but d'obtenir l'assentiment de l'unanimité des cantons, de calmer l'irritation des esprits et de se présenter à l'étranger avec l'aspect de la concorde. Le gouvernement bernois, suivant l'avis du Conseil secret, se borna à publier la déclaration de neutralité, en l'accompagnant d'un arrêté conçu en termes ambigus et fit abstraction de l'appel au peuple suisse. Cette décision fit l'objet d'une correspondance entre le général de Wattenwyl et le gouvernement de Berne, qui donne bien la note de la situation.

Le 16 décembre, l'avoyer de Wattenwyl écrivait d'Aarau au Conseil secret:

Très honorés Messieurs!

Eloigné par ma position actuelle de ceux auprès desquels je pourrais, comme membre du gouvernement du canton de Berne, décharger ma conscience, et n'ayant pas la faculté de faire part de mes vues dans une séance du Conseil, plein de chagrin et d'anxiété sur ce que l'on peut pressentir touchant les événements de la plus haute gravité qui se produisent sous les yeux même du gouvernement, je ne puis m'empêcher de vous rendre compte de mes sentiments et de vous adresser ouvertement mes pensées. J'ai la confiance que, si vous jugez bon d'y accorder quelque valeur, vous prendrez enfin ouvertement des mesures de nature à persuader aux autorités du canton et à toute la Suisse, que le gouvernement bernois n'est point d'accord avec les clubistes et ne veut pas laisser le pays dans le trouble et l'inquiétude causés par leurs manœuvres.

Le refus de donner cours à la proclamation de la Diète a, comme je l'avais prévu, produit la plus fâcheuse impression dans le canton et au dehors, il a attiré de tous côtés l'attention et le soupçon sur le gouvernement et je crains qu'il ne donne lieu à des manifestations désagréables dans la prochaine session du Grand Conseil. Je puis certifier qu'il n'a pas été approuvé par les députés sur lesquels on voulait surtout produire par là une impression favorable, parce qu'ils ont considéré les circons

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