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Premier projet de Pacte. Intervention de Lebzeltern et de Capo d'Istria. Délibérations de la Diète. Refus persistant de Berne, Fribourg et Soleure d'envoyer des députés à Zurich. Revendications formulées par les petits cantons. Nouvelles missions au camp des alliés. Ajournement de la Diète. Diète des cantons dissidents à Lucerne. Les Pnissances envoyent un ultimatum à Berne.

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Le 4 janvier 1814, l'Assemblée fédérale avait chargé une commissión de sept membres, composée de Reinhard, Reding, Heer, Salis-Sils, Morell, Wyss et Pfister, de préparer un projet de pacte fédéral. Le 4 février, cette commission avait terminé son travail '.

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Le projet qu'elle présenta interdisait aux cantons de former des alliances, soit entre eux, soit avec les puissances étrangères. Il leur permettait, par contre, de conclure des capitulations militaires ou des traités sur des questions d'ordre économique ou autres, à condition toutefois de les soumettre à la Diète. Les rapports de sujétion, envisagés comme incompatibles avec les droits d'un peuple libre, étaient prohibés. — La libre circulation des produits du pays, des vivres, des marchandises et du bétail était assurée, en réservant les mesures préventives contre l'accaparement et les ventes frauduleuses. Pour les douanes, les péages et les droits de pontonage, le statu quo était maintenu, mais l'établissement de nouveaux droits de cette nature, ainsi que leur prolongation au-delà du terme fixé, étaient subordonnés au consentement de la Diète. - Les concordats et arrêtés fédéraux remontant à 1803 devaient demeurer en vigueur jusqu'à ce qu'ils fussent changés formellement, pour autant qu'ils n'auraient rien de contraire au Pacte. La Diète devait se réunir chaque année à Zurich, sous la présidence du bourgmestre

1 Le projet du 4 février comptait 26 articles.

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en charge de ce canton, auquel était confiée la charge de Vorort fédéral. Deux rédactions étaient proposées en ce qui concernait la manière de compter les voix en Diète; quelques-uns des membres de la commission proposaient que chaque canton n'eût qu'une voix, d'autres voulaient attribuer un double vote aux cantons les plus populeux, Berne et Zurich. Les décisions devaient être prises à la simple majorité des voix, sauf pour les questions de guerre et de paix, auquel cas la majorité des trois quarts des voix était nécessaire. Pour les difficultés territoriales ou autres, qui pourraient s'élever entre les cantons, l'ancienne forme du droit fédéral était rétablie, c'est-à-dire que les parties devaient choisir des arbitres et que ces derniers, s'ils ne pouvaient s'entendre, désigneraient un surarbitre; si cette nomination éprouve une opposition, la Diète choisit elle-même le surarbitre. Les traités conclus avec l'étranger n'obligeaient que les cantons qui y prenaient part. Une chancellerie fédérale, dont les employés étaient élus et payés par la Diète, était adjointe au Vorort ou Directoire fédéral. Les constitutions cantonales devaient être déposées dans les archives fédérales après avoir reçu la garantie nationale.

Comme on le voit, c'était plutôt un traité d'alliance destiné à régler les rapports de la Confédération avec l'étranger et des cantons entre eux qu'une constitution proprement dite qu'il s'agissait de donner à la Suisse. Les droits individuels du citoyen, qu'avait proclamés la constitution unitaire et dont l'Acte de médiation avait conservé quelques traces, étaient complètement passés sous silence.

Ce projet se rapprochait beaucoup de celui qui fut converti en Pacte le 16 août 1814 et solennellement sanctionné le 7 août 1815. Il donnait toutefois un peu plus de force et de cohésion au pouvoir central. Les principales différences entre les deux projets portaient sur les points ci-après: 1° Zurich était seul Vorort; 20 suivant une des rédactions proposées, le Landam

mann aurait été pourvu d'un conseil de trois membres pour les questions diplomatiques, ce qui eût donné plus de suite dans les affaires; 3o suivant une des rédactions proposées, les cantons de Berne et de Zurich auraient eu deux voix en Diète, ce qui n'était que juste puisqu'ils étaient les plus populeux, et aurait eu pour effet de renforcer l'élément protestant ; mesure équitable, puisque, quoique représentés par un moins grand nombre d'Etats, les protestants avaient la majorité dans la population; enfin 40 aucune garantie n'était accordée aux couvents.

La commission y avait joint un conclusum étendu et raisonné, où elle insistait sur la nécessité de revoir les constitutions des anciens cantons aristocratiques et des nouveaux cantons, et de chercher à les combiner de manière à ce que la culture d'esprit, les connaissances utiles, l'expérience des affaires et les propriétés territoriales surtout obtiennent d'une manière durable et tranquillisante l'influence convenable et désirable pour le bien public dans l'administration'.

Sitôt que les ministres d'Autriche et de Russie apprirent que la commission de revision avait achevé son projet de pacte, ils demandèrent à en prendre connaissance confidentiellement, avant même que l'Assemblée fédérale fùt appelée à en délibérer. Pour qu'une telle prétention ait pu être formulée, il fallait que la Suisse fùt considérée comme étant sous tutelle; et ce qu'il y a de plus triste encore à constater, c'est que cette tutelle était devenue nécessaire à cause de

1 Voir Monod. Mémoires.

l'état d'anarchie où elle se trouvait. « Il est sans doute pénible, écrivait Rengger, que nous ne puissions nous passer d'intervention étrangère; mais lorsque les ressources de la nation ne suffisent pas pour guérir d'une maladie, il faut que l'art y supplée '. »

Lebzeltern et Capo d'Istria trouvèrent le projet élaboré par la commission insuffisant 2.

Les délibérations relatives à ce premier projet durérent du 5 au 10 février, sans faire avancer les ques

1 Rengger's Leben, I, 312, cité par Monnard.

Voici les observations que son étude leur suggéra et qu'ils transmirent à Reinhard le 8 février:

« Le rétablissement des anciennes frontières de la Suisse, disaient-ils, les décisions définitives relatives au Frickthal, les prétentions des divers cantons, les rapports qui peuvent être établis entre Genève, la Valteline, Neuchâtel, le Valais et la Confédération helvétique, sont des objets sur lesquels la Suisse ne peut actuellement statuer, mais qui, néanmoins, doivent être réglés dans son pacte fédéral.

» Cette observation s'applique également aux rapports intérieurs de la Suisse, ainsi qu'à ses rapports extérieurs.

Le pacte doit, d'un côté, rallier et identifier les intérêts suisses, et, de l'autre, étre reconnu et garanti par les Souverains alliés.

» Le projet qui va être porté à la connaissance et discussion des cantons, paraît ne point répondre entièrement à ces deux objets.

> En partant de cette observation, il serait peut-être essentiel de consacrer un article du projet à la réserve suivante :

» Dès que la Suisse aura connu, par une suite de la paix générale, l'étendue de ses frontières et l'ensemble de ses relations fédérales, son gouvernement convoquera une Diète extraordinaire à l'effet :

» 1° De procéder définitivement à l'organisation des rapports fédéraux avec la Suisse, des différents pays qui, par la munificence des Alliés, lui seront rendus ou ajoutés.

» 2o De procéder à des rectifications de limites en faveur des cantons qui, à l'époque de la révolution, ont vu se détacher des portions de leur ancien territoire.

> 3o D'apporter au Pacte fédéral, en conséquence de ces nouvelles combinaisons, les modifications nécessaires, bien entendu que ces mo

tions, car le souffle nécessaire pour entreprendre une pareille œuvre manquait. Chacun des Etats qui y prirent part ne songeait qu'à son propre intérêt. Berne, Fribourg et Soleure, en dépit des démarches réitérées de la Diète, refusèrent de s'associer à ses travaux; ils se tenaient à l'écart et formaient un Sonderbund. D'autres, comme Vaud et Argovie, étaient préoccupés de rechercher par quels moyens ils pourraient assurer le maintien de leur autonomie menacée. D'autres encore auraient voulu obtenir certains avantages en échange de leur assentiment: c'était le cas notamment de Zoug. Ce canton commença par déclarer qu'il ne pouvait entrer en matière sur le projet du 4 février en l'absence des trois cantons dissidents, puis il se dé

difications ne porteront atteinte ni aux bases du pacte fédéral actuel, ni à l'existence des nouveaux cantons.

» L'art. 13 du projet laisse à désirer une décision par rapport à la manière de compter les votes. Il importe bien moins de procurer à chaque canton une égalité d'influence relative proportionnée à sa population que de statuer une répartition de votes qui établisse une balance approximative entre les deux religions et qui écarte en même temps tout motif de méfiance chez les cantons les plus anciens de la Suisse.

» D'après cette considération, il est à espérer que l'assemblée des députés se ralliera à l'opinion qui accorde un double vote aux deux cantons les plus populeux.

» Dans l'organisation du gouvernement fédéral, on observe que le projet de constitution met la garantie du système politique de la Suisse dans la responsabilité morale du canton de Zurich.

» Pour reprendre cette ancienne et respectable institution de manière à ce qu'elle soit satisfaisante pour les cantons qui se trouvent malheureusement placés dans une fausse attitude envers la Suisse, autant en vue de leur ôter tout motif ou prétexte ultérieur d'éloignement, que de donner au projet de pacte fédéral un caractère d'impartialité, propre à inspirer la confiance de tous et à mériter l'agré

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