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tous? Qui ne voit que c'est le nom de Dieu, que vous avez mis à votre tête, en disant avec saint Michel: Qui est comme Dieu ? Mais qui vous a inspiré cet amour victorieux pour le nom de Dieu ? Ne nous est-il pas permis de penser que Dieu même vous a inspiré comme il a fait aux saints hommes, cette dilection invincible et victorieuse qui vous a fait persévérer dans le bien ; et de chanter en action de grâce de votre victoire, ce que dit à Dieu un de ses saints C'est à vous qu'ils doivent leur étre c'est à vous qu'ils doivent leur vie ; c'est à vous qu'ils doivent de vivre justes; c'est à vous qu'ils doivent de vivre heureux (1)? Ils ne se sont pas faits euxmêmes meilleurs et plus excellens que vous ne les avez faits; ce degré de bien qu'ils ont acquis en persévérant, leur vient de vous. Et comme dit un autre de vos saints: La même gráce qui a relevé l'homme tombé, a opéré dans les anges saints le bonheur de ne tomber pas: elle n'a pas délaissé l'homme dans sa chute; mais elle n'a pas permis que les anges bienheureux tombassent (2).

J'adore donc la miséricorde qui les a faits heureux en les faisant persévérans ; et appelé par votre apôtre au témoignage des anges élus (3), je reconnois en eux comme en nous votre élection en laquelle seule ils se glorifient. Car si je disois qu'ils se glorifient', pour peu que ce fût, en eux-mêmes, je craindrois, Seigneur, et pardonnez-moi si je l'ose dire, je craindrois en les rangeant avec les déserteurs, de leur en donner le partage.

(1) S. Aug.

V. 21.

(2) S. Bern. Serm. xx11. in Cant. n. 6. — (3) I. Tim,

Mais quoi donc, a-t-il manqué quelque chose aux mauvais anges du côté de Dieu ? Loin de nous cette pensée; ils sont tombés par leur libre arbitre. Et quand on demandera pourquoi Satan s'est-il soulevé contre Dieu ? la réponse est prête : c'est parce qu'il l'a voulu. Car il n'avoit point comme nous à combattre une mauvaise concupiscence qui l'entraînât au mal comme par force: ainsi sa volonté étoit parfaitement libre ; et sa désertion est le pur ouvrage de son libre arbitre. Et les saints anges, comment ont-ils persévéré dans le bien? Par leur libre arbitre sans doute, et parce qu'ils l'ont voulu. Car n'ayant point cette maladie de la concupiscence, ni cette inclination indélibérée vers le mal dont nous sommes tyrannisés, ils n'avoient pas besoin de la prévention de cet attrait indélibéré qui nous incline vers le bien, et qui est dans les hommes enclins à mal faire, le secours médicinal du Sauveur. Au contraire, dans un parfait équilibre la volonté des saints anges donnoit seule, pour ainsi parler, le coup de l'élection; et leur choix que la grâce aidoit, mais qu'elle ne déterminoit pas, sortoit comme de lui-même par sa propre et seule détermination. Il est ainsi, mon Dieu; et il me semble que vous me faites voir cette liberté dans la notion que vous me donnez du libre arbitre, lorsqu'il a été parfaitement sain.

Il étoit tel dans tous les anges; mais cependant ce

bon

usage de leur libre arbitre, qui est un grand bien, et en attire un plus grand encore, qui est la félicité éternelle, peut-il ne pas venir de Dieu ? Je ne le puis croire; et je crois, si je l'ose dire, faire plaisir aux saints anges, en reconnoissant que celui BOSSUET. VIII.

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qui leur a donné l'être comme à nous, la vie comme à nous, la première grâce comme à nous, la liberté comme à nous, par une action particulière de sa puissance et de sa bonté, leur a donné comme à nous encore, par une action de sa bonté particulière, le bon usage du bien; c'est-à-dire, le bon usage de leur libre arbitre, qui étoit un bien, mais ambigu, dont on pouvoit bien et mal user, que Dieu néanmoins leur avoit donné; et combien plus leur a-t-il donné le bien dont on ne peut pas mal user, puisque ce bien n'est autre chose que le bon usage ? Tout vient de Dieu; et l'ange, non plus que l'homme, n'a point à se glorifier en lui-même (1) par quelque endroit que ce soit, mais toute sa gloire est en Dieu. Il lui a donné la justice commencée ; et à plus forte raison la justice persévérante qui est plus parfaite comme plus heureuse, puisqu'elle a pour sa récompense cet immuable affermissement de la volonté dans le bien, qui fait la félicité éternelle des justes.

Qui, saints anges, je me joins à vous, pour dire à Dieu que vous lui devez tout, et que vous voulez lui tout devoir, et que c'est par-là que vous avez triomphe de vos malheureux compagnons; parce que vous avez voulu tout devoir à celui à qui vous deviez l'être, la vie et la justice; pendant que ces orgueilleux oubliant ce qu'ils lui devoient, ont voulu se devoir à eux-mêmes leur perfection, leur gloire, leur félicité.

Soyez heureux, saints anges. Venez à notre secours. Périssent en une nuit, par la main d'un seul de vous, les innombrables armées de nos ennemis (2):

(1) I. Cor. 1. 29, 31. — (2) IV. Reg. xix. 35. Is. xxxvii. 36.

périssent en une nuit, par une semblable main, tous les premiers nés de l'Egypte, persécutrice du peuple de Dieu (1).

Saint ange, qui que vous soyez, que Dieu a commis à ma garde, repoussez ces superbes tentateurs, qui pour continuer leur combat contre Dieu, lui disputent encore l'homme qui est sa conquête, et vous le veulent enlever. O saint ange, puissant protecteur du peuple saint, dont vous offrez à Dieu les prières comme un encens agréable (2)! O saint Michel que je puisse dire sans fin avec vous: Qui est comme Dieu ? O saint Gabriel, qui êtes appelé la force de Dieu! vous qui avez annoncé à Marie la venue actuelle du Christ (3), dont vous aviez prédit à Daniel l'arrivée future (4), inspirez-nous la sainte pensée de profiter de vos prédictions. O saint Raphaël, dont le nom est interprété la médecine de Dieu, guérissez mon ame d'un aveuglement plus dangereux que celui du saint homme Tobie : liez le démon d'impudicité, qui attaque les enfans d'Adam, même dans la sainteté du mariage (5): liez-le, car vous êtes plus puissant que lui, et Dieu même est votre force. Saints anges, tous tant que vous êtes qui voyez la face de Dieu (6), et à qui il a commandé de nous garder dans toutes nos voies (7), développez sur notre foiblesse les secours de toutes les sortes que Dieu vous a mis en main pour le salut de ses élus; pour lesquels il a daigné vous établir des esprits administrateurs (8).

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(2) Apoc. VIII. 3.- (3) Luc. 1. 26. (4) Dan. (5) Tob. v. 17, 21, 27. vIII. 3. XI. 13, 14, 15. - (7) Ps. XC. 11.- (8) Heb. 1. 14.

-(6) Matth. xvIII. 10. —

O Dieu !'envoyez-nous vos saints anges: ceux qui ont servi Jesus-Christ après son jeûne : ceux qui ont gardé son sépulcre, et annoncé sa résurrection (1): celui qui l'a fortifié dans son agonie (2) : car JésusChrist n'avoit pas besoin de son secours pour luimême, mais seulement parce qu'il s'étoit revêtu de notre foiblesse; et ce sont les membres infirmes que cet ange consolateur est venu fortifier en la personne de leur chef.

IV. ÉLÉVATION.

Sur la dignité de la nature humaine. Création de l'homme.

Vous l'avez abaissé un peu au-dessous de l'Ange: vous l'avez couronné d'honneur et de gloire : et vous l'avez préposé à tous les ouvrages de vos mains (3). C'est ce que chantoit David en mémoire de la création de l'homme. Et il est vrai que Dieu l'a mis un peu au-dessous des anges: au-dessous; car uni à un corps il est inférieur à ces esprits purs: mais seulement un peu au-dessous; car comme eux il a la vie et l'intelligence, et l'amour; et l'homme n'est pas heureux par la participation d'un autre bonheur que de celui des anges: Dieu est la commune félicité des uns et des autres; et de ce côté, égaux aux anges, leurs frères (4) et non leurs sujets, nous ne sommes qu'un peu au-dessous d'eux.

(1) Matth. IV. 11. XXVIII. 2, 5. — (2) Luc. xx11. 43. —(3) Ps. vIII. 6, 7. — (4) Apoc. XIX. 10. XXII. 9.

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