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s'arrêtent, pour peu que ce soit. En quelque point qu'ils s'arrêtent, là les prend l'orgueil, là les prend la paresse : ils pensent avoir avancé, ou avoir fait quelque chose; et dans ce relâchement, leur pesanteur naturelle les entraîne en bas, et il n'y a plus de ressource.

VII. ÉLÉVATION.

L'image de la Trinité dans l'ame raisonnable.

FAISONS l'homme (1): nous l'avons dit, à ces mots l'image de la Trinité commence à paroître. Elle reluit magnifiquement dans la créature raisonnable : semblable au Père, elle a l'être : semblable au Fils, elle a l'intelligence : semblable au Saint-Esprit, elle a l'amour semblable au Père, au Fils et au SaintEsprit, elle a dans son être, dans son intelligence, dans son amour, une même félicité et une même vie. Vous ne sauriez lui en rien ôter, sans lui ôter tout. Heureuse créature, et parfaitement semblable, si elle s'occupe uniquement de lui. Alors parfaite dans son être, dans son intelligence, dans son amour, elle entend tout ce qu'elle est, elle aime tout ce qu'elle entend: son être et ses opérations sont inséparables: Dieu devient la perfection de son être, la nourriture immortelle de son intelligence, et la vie de son amour. Elle ne dit comme Dieu qu'une parole, qui comprend toute sa sagesse : comme Dieu, elle ne produit qu'un seul amour,

(1) Gen. 1. 26.

qui embrasse tout son bien : et tout cela ne meurt point en elle. La grâce survient sur ce fond, et relève la nature : la gloire lui est montrée, et ajoute son complément à la grâce. Heureuse créature encore un coup, si elle sait conserver son bonheur ! Homme, tu l'as perdu. Où s'égare ton intelligence, où se va noyer ton amour? Hélas, hélas! et sans fin hélas! Reviens à ton origine.

VIII. ÉLÉVATION.

L'empire de l'homme sur soi-même.

s'il

FAISONS l'homme à notre image et ressemblance, afin qu'il commande aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, aux bétes et à toute la terre, et à tout ce qui se remue ou rampe dessus (1). Troisième caractère particulier de la création de l'homme : c'est un animal né pour le commandement commande aux animaux, à plus forte raison, se commande-t-il à lui-même, et c'est en cela que je vois reluire un nouveau trait de la divine ressemblance. L'homme commande à son corps, à ses bras, à ses mains, à ses pieds; et dans l'origine nous verrons jusqu'à quel point tout étoit soumis à son empire. Il lui reste encore quelque chose du commandement absolu qu'il avoit sur ses passions. Il commande à sa propre intelligence qu'il applique à quoi il lui plaît: à sa propre volonté par conséquent, cause de son libre arbitre, comme nous verrons

(1) Gen. t. 26.

à

:

bientôt à ses sens intérieurs et extérieurs, et à son imagination qu'il tient captive sous l'autorité de la raison, et qu'il fait servir aux opérations supérieures. Il modère les appétits qui naissent des images des sens; et dans l'origine il étoit maître absolu de toutes ces choses. Car telle étoit la puissance de l'image de Dieu en l'ame qu'elle tenoit tout dans la soumission et dans le respect.

:

Travaillons à rétablir en nous-mêmes l'empire de la raison contenons les vives saillies de nos pensées vagabondes; par ce moyen nous commanderons en quelque sorte aux oiseaux du ciel. Empêchons nos pensées de ramper toujours dans les nécessités corporelles, comme font les reptiles sur la terre; par ce moyen nous dominerons ces bas sentimens, et nous en corrigerons la bassesse. Ceux-là s'y laissent dominer, qui toujours occupés de leur santé, de leur vie mortelle, et des besoins de leurs corps, sont plongés dans la chair et dans le sang, et se remuent sur la terre à la manière des reptiles; c'est-à-dire, qu'ils n'ont aucuns mouvemens, que ceux qui sont terrestres et sensuels. Ce sera dompter des lions que d'assujettir notre impétueuse colère. Nous dominerons les animaux venimeux, quand nous saurons réprimer les haines, les jalousies et les médisances. Nous mettrons le frein à la bouche d'un cheval fougueux, quand nous réprimerons en nous les plaisirs. Quelle nécessité de pousser plus loin la similitude, ni de nous appliquer celle des poissons? Nous pourrons díre seulement, que leur caractère particulier est d'être muets, de ne respirer jamais l'air, et d'être toujours attachés à un élément plus

grossier. Tels sont ceux, qui possédés du démon sourd et muet (1), n'écoutent pas la prédication de l'Evangile, et sont empêchés par une mauvaise honte de confesser leurs péchés. Ils sont toujours dans des sentimens grossiers, et entrevoient à peine la lumière du soleil. Sortons de ces mouvemens charnels, où nous nageons, pour ainsi parler, par le plaisir que nous y prenons; nous exerçons une espèce de basse liberté, en nous promenant d'une passion à une autre, et ne sortant jamais de cette basse sphère, pour ainsi parler, ni de cet élément grossier. Quoi qu'il en soit, dominons en nous tout ce qu'il y a d'animal, de volage, de rampant. S'il se faut servir de notre imagination, que ce soit en l'épurant de toutes pensées corporelles et terrestres, et l'occupant saintement des mystères de Jésus-Christ, des exemples des saints, et de toutes les pieuses représentations qui nous sont offertes par l'Ecriture; non pour nous y arrêter, mais pour nous élever plus haut, après en avoir tiré le suc, c'est-à-dire, les instructions dont nos ames se doivent nourrir; par exemple, des mystères de la vie et de la passion de notre Seigneur, l'esprit de pauvreté, de douceur, d'humilité et de patience.

Pour donc corriger l'abus et l'égarement de notre imagination vagabonde et dissipée, il la faut remplir d'images saintes. Quand notre mémoire en sera pleine, elle ne nous ramènera que ces pieuses idées. La roue agitée par le cours d'une rivière, va toujours, mais elle n'emporte que les eaux qu'elle trouve en son chemin si elles sont pures, elle ne

(1) Marc. 1x. 24.

portera rien que de pur: mais si elles sont impures, tout-le contraire arrivera. Ainsi, si notre mémoire se remplit de pures idées, la circonvolution, pour ainsi dire, de notre imagination agitée, ne puisera dans ce fonds et ne nous ramènera que des pensées saintes. La meule d'un moulin va toujours, mais elle ne moudra que le grain qu'on aura mis dessous : si c'est de l'orge, on aura de l'orge moulu; si c'est du blé et du pur froment, on en aura la farine. Mettons donc dans notre mémoire tout ce qu'il y a de saintes et de pures images, et quelle que soit l'agitation de notre imagination, il ne nous reviendra, du moins ordinairement dans l'esprit, que la fine et pure substance des objets dont nous nous serons remplis. Remplissons-nous de Jésus-Christ, de ses actions, de ses souffrances, de ses paroles. Pour donner plus d'un objet à nos sens, remplissons-nous des saintes idées d'un Abraham immolant son fils : d'un Jacob arrachant à Dieu par un saint combat la bénédiction qu'il en espéroit : d'un Joseph laissant son habit entre les mains d'une impudique, pour en tirer son chaste corps d'un Moïse, qui n'ose approcher du buisson ardent que le feu ne consume pas, et qui se déchausse par respect: d'un Isaïe qui tremble devant Dieu jusqu'à ce que ses lèvres soient purifiées d'un Jérémie qui bégaie si humblement devant Dieu, et n'ose annoncer sa parole des trois jeunes hommes dont la flamme d'une fournaise brûlante respecte la foi : d'un Daniel aussi sauvé par la foi des dents des lions affamés: d'un Jean-Baptiste prêchant la pénitence sous la haire et sous le cilice: d'un Saul abattu par la puissante

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