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rope, d'être un assassin et un régicide, d'Orléans n'en fut que plus porté et que plus ar dent à poursuivre cette effroyable carrière de crimes où il marchoit depuis si long-tems. Il lui paroissoit impossible de revenir sur ses pas. Quelle apparence que le chef de sa maison pût jamais lui pardonner les sanglans outrages qu'il en avoit reçus? Le retour de l'ordre étoit la plus forte de ses appréhensions. S'il laissoit reprendre à la cour son autorité et aux anciens tribunaux la plénitude de leurs fonctions, n'arriveroit-il pas que la procédure du Châtelet seroit continuée avec une vigueur qui ne laisseroit aucun espoir de salut à ceux que les juges auroient frappés d'un décret de prise-de-corps.

Les considérations de ce genre avoient tou jours beaucoup de force sur l'esprit timide de d'Orléans; elles le maîtrisoient entièrement, de sorte qu'après l'éclat que fit cette terrible procédure du Châtelet, il se crut plus que jamais placé entre le trône et l'échafaud. Ce fut pour lui une vérité incontestable que sa tête tomberoit, s'il ne parvenoit à la ceindre du bandeau royal.

Il faut convenir qu'après tant et de si grands crimes, d'Orléans étoit autorisé à regarder ces craintes comme bien fondées, et ces raisonnemens comme sans réplique. Cependant il pouvoit encore espérer de sortir de cet abyme de honte où ses forfaits l'a voient précipité; l'horreur de sa situation

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n'étoit pas sans remède. Louis XVI avoit un penchant irrésistible à l'indulgence; il ne savoit ni ne pouvoit haïr; la passion de la vengeance lui étoit absolument inconnue, et la sévérité même envers les scélérats lai devenoit infiniment pénible. Si d'Orléans se fût jetté dans ses bras, tout eût été oublié ; non-seulement Louis XVI ne l'eût pas repoussé, il eût encore fait les avances, il n'eût demandé au prince d'autre garant de son repentir que sa propre parole. Mais pour se déterminer à une pareille démarche, il falloit croire que Louis XVI savoit pardonner, et d'Orléans ne croyoit pas à la

vertu.

D'ailleurs le prince étoit retenu par cette mauvaise honte qu'ont les eriminels à avouer même les forfaits que chacun leur reproche. La haine qu'il portoit particulièrement à la reine, le fol espoir de régner, les conseils de ses complices qui avoient le même intérêt que lui à échapper au glaive de la justice, tous ces motifs l'engagèrent à combler lamesure de ses attentats.

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On convint d'abord dans son parti d'affecter le plus tendre et le plus ardent attachement à la constitution qu'alloit créer l'assemblée nationale. C'étoit-là le piège où il s'agissoit de prendre le peuple. Si on s'insurgeoit contre le roi, c'est que le roi ne pouvoit pas aimer sincèrement la constitution qui affoiblissoit son autorité. Si on portoit d'Orléans au rang suprême, c'est que lui seul

d'entre les princes étoit patriote, c'est qu'il auroit un intérêt personnel à chérir, à maintenir les loix qui l'auroient élevé sur le trône.

On ne parla plus en conséquence que de constitution.Les Jacobins feignirent pour elle le respect le plus religieux; ils dévouérent aux proscriptions tous ceux qui ne manifestoient pas pour elle une obéissance aveugle; ils donnèrent à leur société le nom de société . des amis de la constitution. Les plus ardens de ces prétendus amis de la constitution. furent les Valence, les Sillery, les Laclos, les Sieyes, les Robespierre, les Manuel, les Pétion, les Menou, les Biron, les Montesquiou, les Marat, lés Hébert, les Fauchet, les Condorcet, les Brissot, les Gorsas, les Carra, les Garat, les Boissy - d'An- · glas, les Dubois de Crancé, les Rabaut de St. Etienne, les St. Fargeau, les Treilhart, les Danton, les La-Vicomterie, les Grégoire, les Camus, les Coustard, les Louvet, les Thuriot, les Merlin, les Villette, les Clootz, les Latouche, les Rewbell, les Collot d'Herbois, les Tallien, les Chénier, les Martineau. Tous ces gens-là invoquant sans cesse le serment civique qu'ils avaient prononcé, crioient continuellement, la constitution ou la mort! L'événement a prouvé combien ce zèle étoit hypocrite. Cette cons titution n'étoit, comme le disoit un écrivain royaliste, qu'un marche-pied pour élever les jacobins à la toute-puissance, et ils ne dési

toient la-toute-puissance que pour mettre d'Orléans à la tête des affaires, dans la vue de partager avec lui les trésors de la France. Bailly et la Fayette gênoient les conju rés. On résolut de les dépouiller de leur place, de donner la Mairie à Pétion, et le commandement de la garde nationale au brasseur Santerre. Par celui-ci d'Orléans auroit disposé de toute la force armée de Paris, par

l'autre il se seroit de nouveau rendu maître des subsistances.

Quant à la famille royale, on revint au plan qui n'avoit jamais été abandonné de susciter au roi tant de désagrémens, de l'environner de tant de menaces et de dangers que sa patience se lassât, et qu'il se déterminât enfin à abandonner la capitale et l'assemblée nationale. Alors il en auroit été de Louis XVI comme de Jacques II: on auroit crié que sa fuite étoit une abdication.

Jamais conspiration ne fut plus univer selle que celle qui se fit pour contraindre le roi à la retraite. D'Orléans, la Fayette, les constitutionnels, les impartiaux, les royalistes, tous y entrèrent. Comment le malheureux Louis XVI auroit-il résisté à ce mouvement général qui le poussoit à une dé marche dont les suites devoient être pour lui et pour ses amis, si cruelles? Voilà ce que les contemporains n'ont pas assez pris en considération, et ce que la postérité pesera avec impartialité avant de prononcer son juge

ment sur le plus infortuné des rois qu'ait eu la France.

On connoît trop les vues de d'Orléans pour qu'il soit nécessaire que je motive l'iniérêt qu'il avoit au succès de cette conspiration. La Fayette pensoit que si le roi donnoit dans ce piège, on prouveroit sans peine que ce n'étoit pas précisément la capitale, mais la cause de la constitution que Louis XVI abandonnoit. Cette vérité reçue, la Fayette ne doutoit pas qu'on ne le chargeât lui-même de mettre en vigueur cette constitution; il se seroit ainsi vu roi par interim.

Le petit nombre de partisans de la constitution qui s'étoient détachés de la faction d'Orléans, croyoit qu'il falloit rendre le roi si misérable, le réduire à un tel esclavage qu'il ne pût pas refuser sa sanction à l'acte constitutionnel. Ceux qui pensoient ainsi, entendoient qu'on laissât Louis XVI briser ses fers, mais qu'au moment où il croiroit jouir de toute la plénitude de sa liberté, on le ramenât dans sa prison. C'étoit aussi l'avis de la Fayette.

Les impartiaux et les royalistes qui n'attribuoient les malheurs de la France, qu'à l'état de foiblesse, d'humiliation et de servitude où l'on retenoit Louis XVI, désiroient sincèrement qu'il reprît avec sa liberté, le pouvoir de mettre fin à l'anarchie. Ils ne comprenoient pas que les François pussent être ni respectés au dehors, ni heureux au

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