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» est le coadjuteur; servez-vous-en,

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dame, plutôt que de tomber avec M. le » Prince aux conditions qu'il demande. >> Faites-le cardinal; donnez-lui ma place; » mettez-le dans mon appartement. Il sera » peut-être plus à Monsieur qu'à votre majesté; mais Monsieur ne veut pas la » perte de l'état. Ses intentions, dans le » fond, ne sont pas mauvaises. Enfin >>tout, madame, plutôt que d'accorder à » M. le Prince ce qu'il demande : s'il l'ob>> tenait, il n'y aurait plus qu'à le mener » à Reims. »

à

Sur cette lettre, la reine n'hésita pas mander le coadjuteur. Elle lui envoya un billet de garantie: il prit le billet, le baisa respectueusement, le jeta au feu et se rendit auprès d'elle pendaut la nuit. Elle lui proposa d'abord de se réconcilier sincèrement avec Mazarin, et elle employa, pour le gagner, les raisons, les prières, et jusqu'aux minauderies, armes bien puissantes contre le coadjuteur, entre les mains d'une femme qui joignait encore un reste éclatant de beauté à la splendeur du trône. Gondi se défendit, non pas précisément de se réconcilier, mais de le paraître, en

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disant que cette apparence ne servirait qu'à lui faire tort, sans faire aucun bien à son ministre; que le peuple et le parlement ne le croiraient pas plutôt moins échauffé contre le cardinal, qu'il perdrait tout crédit auprès d'eux, et qu'il deviendrait hors d'état de la servir, ce qui fortifierait infiniment le parti du prince: qu'il fallait donc qu'il parût toujours également opposé au prélat et à son retour. « Mais vraiment, 'disait la reine, je ne crois pas qu'il y ait

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jamais eu une chose si étrange que celle» là. Il faut que pour me servir vous soyez » l'ennemi de celui qui a ma confiance! » Si vous le vouliez! ajoutait-elle affec>> tueusement; si vous le vouliez!..... » Le coadjuteur embarrassé, se rejeta sur le duc d'Orléans, qu'il ne pouvait, disait-il, ramener au cardinal, et qui passerait plutôt du côté du prince. « Revenez à moi,

reprit-elle, vivement, et je me moquerai » de votre Monsieur, qui est le dernier » des hommes.» Elle lui offrit ensuite la nomination au 1 cardinalat et une place au conseil, et même celle de premier ministre, qu'elle le pressa d'accepter. Il refusa cette dernière, parce qu'il sentait bien

qu'elle ne lui était offerte que pour remplir la niche où on replacerait le vrai saint, sitôt qu'on le pourrait. Enfin,

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>> lui dit la régente d'un ton pressant, je fais tout pour vous que ferez» vous pour moi? Votre majesté, répondit-il, me permet-elle de lui dire » une sottise, parce que ce sera manquer » au respect que je dois au sang royal? »Dites, dites, reprit-elle vivement. -Eh » bien! madame, j'obligerai M. le Prince » de sortir de Paris avant qu'il soit huit jours, et je lui enlèverai Monsieur dès demain. Touchez là, lui dit-elle en >> lui tendant la main; et vous êtes après » cela cardinal, et de plus, le second de >> mes amis. » Les arrangemens nécessaireś à l'exécution du projet furent la matière de deux conférences. Pour les détails, la reine s'en déchargea sur la Palatine, qui fut médiatrice entre Mazarin et le coad juteur. Anne de Gonzague avait déclaré qu'elle ne servirait les princes que jusqu'à leur délivrance. Elle tint parole, et se rangea ensuite du côté de la reine, qu'elle n'abandonna plus; mais elle entretenait toujours dans l'autre parti des liaisons.

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qui servirent en cette occasion. Gondi prit en elle une entière confiance. Il fut convenu entre eux que les sceaux seraient retirés à Molé, et rendus à Châteauneuf, et que, de plus, ce serait celui-ci qui remplirait la niche de premier ministre, et qu'aussitôt que le coadjuteur aurait disposé du public par des écrits qu'il méditait, il reparaîtrait au parlement; mais toujours, disait-il à la reine, « à condition » que ce ne sera pas pour faire rentrer le >> cardinal dans le ministère. – AHez, lui répondit-elle en souriant, vous êtes un » vrai démon. » Gondi communiqua tout cela au duc d'Orléans, qui fut très-content de voir que la morgue de Condé allait être enchaînée. « Voilà, dit-il à ses confidens, M. le Prince et le coadjuteur fort » mal ensemble, et je vais avoir bien du plaisir de leur chamailleries; » mot qui peint bien le caractère de cet étrange seigneur, comme l'appelait Anne d'Autriche. La grande fronde commença la guerre contre la petite par des écrits qui étaient moitié sérieux, moitié badins, mais tous piquans, en ce qu'ils dévoilaient malignement les vues ambitieuses du prince, et

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qu'ils lui en prêtaient encore. « L'impor»tance des gouvernemens de Guyenne et » de Provence fut exagérée; le voisinage d'Espagne et d'Italie füt figuré; les Espagnols, qui n'étaient pas encore sortis » de la ville de Stenai, quoique M. le >> Prince en eût la citadelle, ne furent pas » oubliés. Ce canevas, dit Gondi, était » étendu sur le métier par Caumartin, et

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je le brodais. » Les mêmes observations furent habilement répandues dans des conversations particulières; et quand le public eut été bien imbibé pendant une partie du mois de juin, on lâcha dans Paris une cinquantaine de colporteurs, qui criaient à pleine tête : « L'Apologie de >> l'ancienne et légitime fronde : la Dé» fense du coadjuteur; la Lettre du Marguillier au Curé; le Vraisemblable; le » Solitaire; les Intérêts du tems; les In

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trigues de la paix, etc.;» et en même tems, le bon père ermite sortit de sa retraite, et parnt au palais bien accompagné (1).

Comme des rivaux qui vont sur le pré

(1) Retz, t. II, p. 243.

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