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C'est ce que cet évêque croit tout-à-fait opposé à son honneur, et à celui de son caractère

Premièrement, parce que cela n'a jamais été pratiqué à son égard. Il a imprimé, même sous M. le chancelier d'aujourd'hui, en 1700 et 1701, deux livres pour l'instruction des nouveaux catholiques, sans qu'il y ait paru rien de semblable.

Secondement; non-seulement cela n'a jamais été pratiqué à son égard, mais encore ne l'a jamais été à l'égard d'aucun buvrage imprimé par les évêques, et même par leur ordre. Il y en a un exemple bien récent dans un livre imprimé par ordre de M. l'évêque de Montpellier, le 6 juillet dernier, sans qu'il y paroisse rien de pareil.

Troisièmement, il n'est pas besoin d'entrer dans les réglemens qu'on a pu faire sur les examens des livres à imprimer, puisqu'on a toujours distingué les évêques dans l'exécution des réglemens les plus généraux; paroissant tout-à-fait extraordinaire qu'eux, qui ont reçu de Jésus-Christ le dépôt de la doctrine, ne la puissent enseigner que dépendamment des prêtres qui leur sont soumis de droit divin.

Quatrièmement, cette nouvelle formalité dans les ouvrages de l'évêque de Meaux, fera dire que sa doctrine commence à devenir suspecte, et il aura bientôt à essuyer sur ce sujet le réproche des protestans.

Cinquièmement, cette précaution extraordinaire, qu'on prend à l'occasion d'un livre si juŝtement flétri par M. le cardinal de Noailles, sera bien remarquée, et fera dire à tout le monde qu'on lui a voulu donner de l'appui; ce qui est d'une périlleuse conséquence.

Sixièmement, cet auteur fut déjà flétri par l'arrêt du conseil d'en-haut, le 19 juin 1678, signé CoLbert, où son livre intitulé: Histoire critique du vieux Testament, fut supprimé, avec défenses de le réimprimer, même sous prétexte de changer de titre, ou de corrections. Le lieutenant de police, à qui l'exécution de l'arrêt fut renvoyée, étoit alors M. de la Reynie, qui pourroit, en cas de besoin, rendre compte à sa majesté de ce qu'on craignoit alors de ce dangereux auteur.

Pour ces considérations, et en attendant que sa majesté ait fait justice aux évêques, sur le droit qui leur est donné par leur caractère d'être les premiers docteurs de la vérité dans l'Eglise ; l'évêque de Meaux espère de la bonté et de la justice de sa majesté, qu'elle voudra bien ordonner que le livre en question passe comme ses autres ouvrages, sans qu'il soit rien innové dans la manière de l'imprimer et débiter, afin de laisser la réputation saine et entière à un évêque qui a blanchi dans la défense de la vraie foi, et dans le service de sa majesté, en des emplois d'une si grande confiance.

LETTRE

A M. LE CARDINAL DE NOAILLES.

Il lui représente combien il est injurieux aux évêques d'exiger que l'attestation d'un censeur soit mise à la tête de leurs ouvrages sur la doctrine, et exhorte le cardinal à soutenir la cause de l'épiscopat.

COMME je crois, monseigneur, votre éminence présentement de retour de ses visites, et que le moment approche où elle verra le roi, il est temps que j'aie l'honneur de lui parler sur le traitement qu'on me fait. J'ai dissimulé la première injure, de me donner un examinateur; ce que cinq chanceliers de suite, à commencer par M. Séguier, n'ont jamais songé : j'ai, dis-je, dissimulé dans le dessein d'avancer l'impression. Elle est achevée; cela va bien de ce côté - là: mais on passe à une autre injure, de vouloir que l'attestation de l'examinateur soit à la tête. C'est, monseigneur, à quoi je ne consentirai jamais; parce que c'est une injure à tous les évêques, qu'on veut mettre par-là sous le joug, dans le point qui les touche le plus, dans l'essentiel de leur ministère, qui est la foi.

En vérité, monseigneur, s'il ne s'agissoit que de moi, je pourrois encore m'y soumettre, dans l'es

mais şi

pérance que le roi nous feroit justice j'abandonnois la cause, on la croiroit finie par mon consentement et par mon exemple.

J'ai mandé à M. Anisson ce qu'il avoit à dire sur cela, pour empêcher qu'on n'en vînt à l'effet. J'attends la réponse; et je ne l'aurai pas plutôt que je prendrai mon parti. >

J'espère tout, après Dieu, du secours et de la protection de votre éminence, que Dieu n'a mise dans une si grande place, avec tant de lumières, de piété et de crédit, que pour soutenir l'Eglise. Je m'aiderai de mon côté, et j'espère en Dieu qu'il nous tirera de cette oppression, si nous ne perdons point courage: si j'en manquois, votre éminence seroit la première à me redresser. Il faut éviter l'examen aux évêques. Je dresserai une requête, que je prierai votre éminence de présenter et d'appuyer. J'attends, pour la dresser, que j'aie une réponse précise, afin d'en régler la conclusion et les paroles. J'espère que votre éminence préviendra le roi, qu'on n'aura pas manqué de bien préparer contre nous. Je compte demain avoir réponse, et écrire plus précisément à votre éminence par mon neveu, que je suivrai, si je puis.

Je crois que mon livre sera utile, principalement parce que se conformant en tout point à votre censure, il fera voir l'esprit socinien dans l'ouvrage qu'elle a condamné. Cela paroît devoir avoir un grand effet pour faire revenir les plus prévenus, et faire sentir à tout le monde le grand péril de l'Eglise. Dieu nous aidera; et pour moi, je combattrai sous

vos ordres jusqu'au dernier soupir. Vous savez mon obéissance, monseigneur.

† J. BENIGNE, Ev. de Meaux.

A Germigny, ce 24 octobre 1702.

E

II. MÉMOIRE,

OU

REQUÊTE AU ROI,

PRÉSENTÉE PAR M. L'ÉVÊQUE DE MEAUX, Pour répondre aux difficultés de M. le chancelier.

SIRE,

Ce qui se passe en votre ville royale, dans votre cour, à vos yeux, est d'une si grande conséquence pour la religion, que je me sens obligé, par les devoirs les plus étroits de la conscience, de me jeter à vos pieds, pour supplier votre majesté, en toute soumission et respect, de vouloir s'y rendre attentive.

Le nouveau Testament de Trévoux, justement flétri par la plus savante censure qui ait été faite depuis plusieurs années, non-seulement se débite impunément dans Paris, où la censure en a été publiée; mais encore on ôte aux évêques mêmes tous les moyens de combattre l'erreur par une saine

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