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Montpellier vient d'imprimer à Paris un catéchisme; mais il a pris la permission de l'ordinaire. Sous feu M. l'archevêque, le P. Brossamin publia, pour les nouveaux convertis, un formulaire de prières; mais pour agir dans la règle, il en prit l'ordre de ce prélat. Ce seroit une trop légère remarque, de dire que les évêques ont laissé passer tant d'ouvrages de piété sans en prendre connoissance. Ils demeurent en possession dans les grands actes, dans les versions principales, dans les catéchismes et dans les œuvres de cette nature, qui servent de règle aux autres.

J'oserai dire, avec un profond respect, à votre majesté, sire, que bien loin de nous empêcher d'exécuter cette règle, si elle n'étoit pas faite, ou qu'elle eût perdu quelque chose de sa vigueur, il la faudroit faire ou renouveler, et obliger les évêques à la pratiquer plus sévèrement que jamais, sans en négliger l'observance en quelqu'occasion que ce soit ; et la conjoncture où nous sommes en fait voir la nécessité.

La version du nouveau Testament de Trévoux fait aujourd'hui dans Paris une espèce de schisme sur la doctrine. Les vrais enfans de l'Eglise écoutent la voix de leur pasteur; les autres ne craignent pas de s'attacher à un livre qu'il a défendu.

Votre parlement de Paris, par son arrêt du 29 d'août 1685, rendu en exécution de vos ordres, et à la requête de votre procureur général, invita l'archevêque de cette ville royale à dresser une liste des mauvais livres. Feu M. l'archevêque de Paris, en conformité de cet arrêt, en fit l'état dans son ordonnance du premier de septembre suivant; laquelle

quelle ayant été portée au parlement, il intervint un arrêt du 6 de septembre de la même année ; et les mauvais livres furent défendus par le concours unanime des deux puissances, après le jugement de l'Eglise et maintenant on débite un livre flétri par une censure juridique; ce que l'auteur auroit évité, en le soumettant dès l'origine au jugement de l'évêque diocésain.

Il paroît encore en cette occasion quelque chose de plus étrange : l'auteur condamné imprime dans Paris contre la censure, sous le titre de Remontrance. Il y met son nom, et couvre sa désobéissance de vains prétextes. Mais j'ose dire qu'il seroit déjà confondu, si l'on n'arrêtoit nos réponses. Oui, sire, après cinquante ans de doctorat, et plus de trente ans employés dans l'épiscopat à défendre la cause de l'Eglise sans reproche, votre majesté aura la bonté de me pardonner, si je parle avec quelque confiance; puisqu'enfin je ne la mets qu'en Dieu, qui m'a toujours aidé jusqu'ici.

Pour ces raisons, sire, il plaira à votre majesté d'ordonner que le placard de mon ordonnance me sera incessamment délivré par l'imprimeur; afin qu'elle soit publiée dans mon diocèse, selon que me l'a dictée ma conscience, et comme le Saint-Esprit, que j'ai invoqué avec foi, me l'a fait juger nécessaire.

Je supplie pareillement votre majesté d'ordonner que mon livre, qui est imprimé, verra le jour sans autres formalités que celles qui ont toujours été pratiquées à mon égard; puisque, Dieu merci, je n'ai rien fait qui me rende digne d'un plus rude traitement; et que dans cette occasion, la doctrine que BOSSUET. VII. 28

j'enseigne se trouverá plus irréprochable et plus nécessaire que jamais.

Je vous demande pareillement, sire, en toute humilité et respect, que la liberté dont je n'ai jamais abusé, me soit rendue pour mes autres écrits, qui tourneront, s'il plaît à Dieu, à l'édification dé l'Eglise; puisque au reste je suis toujours sous les yeux de votre majesté, en état de lui rendre compte de ma conduite. Aussi puis-je ajouter, sire, que je n'ai jamais rien écrit sans le conseil des plus grands prélats, et des plus habiles docteurs de votre

royaume.

Je n'entreprends pas de plaider la cause des autres évêques : j'ose espérer toutefois que votre majesté eroyant avec toute l'Eglise catholique, comme un article de sa foi, que les évêques sont établis de Jésus-Christ les dépositaires de la doctrine et les supé rieurs des prêtres, elle ne voudra pas les assujettir à ceux que le Saint-Esprit à mis sous leur autorité et gouvernement.

Pour les mandemens, censures et autres actes authentiques des évêques, on convient qu'ils les peuvent faire indépendamment de la puissance temporelle, à condition de les faire écrire à la main; et ce n'est qu'à raison de l'impression qu'on les y veut assujettir. Si cela est, il faut, sire, de deux choses l'une, ou que l'Eglise soit privée seule du secours et de la commodité de l'impression, ou qu'elle l'achète en assujettissant ses décrets, ses catéchismes, et jusqu'aux missels et aux bréviaires, et tout ce que la religion a de plus intime, à l'examen des magistrats; ce qui n'entre pas dans la pensée. Chacun fait

imprimer ses factums pour les distribuer à ses juges: l'Eglise ne pourra pas faire imprimer ses instructions et ses prières, pour les distribuer à ses enfans et à ses ministres !

Quant au livre du sieur Simon, votre majesté est très-humblement suppliée de se souvenir que c'est le même auteur, qui, ayant écrit il y a vingtcinq ans sur l'ancien Testament, fut noté par un arrêt solennel de votre conseil d'en-haut, du 19 de juin 1678. Il attaque présentement, avec une pareille hardiesse, la pureté du nouveau Testament, comme s'il avoit entrepris de ne laisser aucune partie de la religion en son entier. C'est le témoignage sincère et véritable que notre caractère nous oblige à rendre à votre majesté : nous ne pouvons le dissimuler, sans nous attirer de votre part le plus juste de tous les reproches, et sans nous charger de la plus honteuse prévarication.

Nous ne doutons point, sire, que votre majesté ne nous écoute avec sa bonté et sa piété ordinaire. Ainsi votre majesté, sire, continuera de mériter l'éloge immortel de protecteur de la religion, qu'elle s'est acquis au-dessus de tous les princes du monde, et verra prospérer ses justes desseins sous la puissante assistance de Dieu.

† J. BENIGNE, Ev. de Meaux.

III. MÉMOIRE

Sur la censure d'un docteur, à laquelle on voudroit assujettir les évêques (1).

SA majesté est très-humblement suppliée de considérer la formule dont on se sert pour commettre les docteurs à l'examen des livres.

La voici de mot à mot, ainsi qu'elle est imprimée.

M. *** prendra, s'il lui plaît, la peine d'examiner ce (le nom du livre), avec le plus de diligence qu'il lui sera possible, pour en donner incessamment son jugement à M. le chancelier. Ce.... 170... Signé l'abbé BIGNON.

On voit qu'il s'agit d'un jugement que doit donner le docteur.

On s'est servi de cette formule envers l'évêque de Meaux, en remplissant les blancs du nom de M. Pirot et du titre du livre, pareillement signée l'abbé Bignon. Ainsi c'est le jugement d'un prêtre que les évêques ont à subir.

Le jugement de ce prêtre est celui qu'on veut faire imprimer à la tête du livre. Sa majesté est

(1) La requête précédente étoit accompagnée de ce petit mémoire, destiné à faire voir au roi, par la formule même qui commet un censeur, que le livre qu'on lui donne à examiner est soumis à son jugement.

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