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Du Procès-verbal de l'assemblée du Clergé, tenue à Saint-Germain-en-Laye, en 1700.

Le 21 août, monseigneur le président (*) a supplié la compagnie de se souvenir de ce qu'il eut l'honneur de lui dire le 23 du mois de juin, sur le fait de son Ordonnance du vingt-quatrième jour de mai de l'année 1697 (**), pour l'approbation des réguliers dans son diocèse. Il a ajouté que cette Ordonnance, dont l'assemblée a entendu la lecture, ayant été remise, selon son ordre, à la commission des réguliers, il en avoit conféré avec messeigueurs les commissaires, et que, si elle le trouvoit bon, lesdits seigneurs commissaires prendroient le bureau, pour lui rendre compte de ce qu'ils ont résolu de proposer à la compagnie sur ce sujet, et sur le fait de leur commission.

Messeigneurs les commissaires des réguliers ont pris le bureau; et monseigneur l'évêque de Meaux, chef de

(* Charles-Maurice le Tellier, archevêque de Rheims.

(**) Cette Ordonnance portoit que tous les prêtres, de quelque corps ou congrégation qu'ils fussent, qui viendroient résider dans son diocèse, seroient tenus, lorsqu'ils demanderoient à y être approuvés, de présenter des lettres testimoniales de leurs provinciaux, et de plus un certificat de l'archevêque ou évêque dans le diocèse duquel ils auroient fait leur dernier séjour, portant témoignage de leur bonne conduite.

Il paroît que Bossuet n'approuvoit pas l'éclat que fit l'archevêque de Rheims; car en envoyant cette Ordonnance à son neveų qui étoit alors à Rome, il lui marquoit : « Je ne me signalerai pas >> par de semblables actes. C'est à ceux qui remplissent les grands » siéges, à parler : pour moi, je me contenterai de faire les choses >> saus éclat ». Voyez sa Lettre du 29 juillet 1697 : ci-après tom. XL, pag. 351. (Edit. de Vers.)

la commission, a dit que le gouvernement ecclésiastique se régloit ou par le droit étroit et par les canons, ou par la condescendance et par l'équité; qu'à regarder le droit et les canons, il n'y avoit rien de mieux établi que la disposition de l'Ordonnance de monseigneur l'archevêque de Rheims; que les lettres testimoniales se trouvoient dès l'origine du christianisme, et même dans les Epîtres de saint Paul; que c'est pour cela qu'il demandoit aux Corinthiens, Avons-nous besoin de lettres de recommandation auprès de vous (1)? que lorsqu'il s'agit de porter à Jérusalem les aumônes des Eglises, le même saint Paul avoit expressément marqué qu'on en chargeroit ceux qui seroient approuvés par leurs lettres, quos probaveritis per epistolas (2): que s'il falloit avoir un bon témoignage pour porter des trésors temporels, combien plus en avoient besoin ceux qui étoient les dispensateurs des grâces spirituelles: que la coutume des lettres testimoniales venoit même par la tradition de l'ancien peuple; en sorte que le même saint Paul étant arrivé à Rome, les Juifs lui dirent qu'ils n'avoient reçu de Judée aucune lettre ni aucun témoignage contre lui (3): qu'il n'étoit pas nécessaire de marquer, dans toute la suite des siècles, la continuation d'un usage si nécessaire; que les religieux ne doivent point être exempts de cette obligation; et que s'ils devoient recevoir le témoignage de leur régularité par les supérieurs de leur ordre, ils devoient, à plus forte raison, recevoir le témoignage des évêques pour ce qui regarde l'administration des sacremens; qu'ainsi l'Ordonnance de monseigneur l'archevêque de Rheims étoit excellente et très-canonique, et qu'elle contenoit le vrai remède pour empêcher que les évêques ne fussent trompés; que ce prélat en avoit usé avec une bonté paternelle, et avec tous les égards possibles en

(1) II. Cor. II. 1.

(2) I. Cor. xvi. 3. (3) Act. xxvIII. 21.

vers les religieux qui ne s'étoient pas soumis à cet ordre: qu'au reste, la compagnie pouvoit se souvenir de ce que mondit seigneur le président avoit dit le 23 du mois de juin dernier, que si elle croyoit qu'il y eût quelque tempérament à prendre, pour concilier la délicatesse des réguliers avec le devoir d'un évêque dans un article si essentiel à la discipline, il se feroit un honneur de marquer à l'assemblée le respect et la déférence qu'il a pour elle; qu'en effet il a proposé lui-même à la commission assemblée le Réglement qui s'ensuit, dont on a fait la lecture.

RÉGLEMENT POUR LES RÉGULIERS.

Pour éviter l'inconvénient où les évêques pourroient tomber, en approuvant des réguliers dont les approbations ont été révoquées dans un autre diocèse, ou qui y ont été interdits, ou qui, de concert avec l'évêque diocésain, ont été renvoyés par leurs supérieurs pour des fautes qui ne sont connues que de l'évêque du diocèse duquel ils sortent; chaque régulier, de quelque ordre, congrégation et société qu'il soit, que son supérieur immédiat jugera à propos de présenter à son évêque, pour recevoir de lui ou de son grand-vicaire une approbation pour prêcher ou pour confesser, sera porteur d'un certificat en bonne forme, signé de son provincial, ou de celui qui dans son ordre fait sous un autre nom les fonctions de provincial; par lequel certificat ledit provincial rendra un bon témoignage de ses vie et mœurs; et ce certificat marquera de plus dans quel diocèse ce régulier, qu'on présentera pour être approuvé, aura fait sa dernière demeure pendant un temps considérable.

Lorsque les supérieurs desdits réguliers feront sortir un de leurs inférieurs d'un diocèse, de concert avec l'évêque, pour fautes commises par ledit inférieur et connues par l'évêque; le supérieur immédiat des réguliers sera tenu de déclarer audit évêque, en quel maison ou couvent de son ordre le provincial de cet ordre aura jugé à propos d'envoyer ce régulier; et en ce cas ledit évêque est exhorté d'avertir celui de ses confrères, dans le diocèse duquel il saura que ce régulier aura été envoyé par ses supérieurs.

La lecture du Réglement étant achevée, monseigneur l'évêque de Meaux a ajouté, que l'avis de messeigneurs les commissaires avoit été que ce Réglement seroit trèsutile, et devoit être suivi, sous le bon plaisir de la compagnie.

Monseigneur l'évêque de Meaux a dit ensuite, que la compagnie sait qu'il n'y a rien de plus sage que les Réglemens des réguliers faits dans les assemblées de 1625, 1635 et 1645; que messeigneurs les commissaires estimeroient qu'il y auroit quelque chose à y ajouter; mais que ces Réglemens ayant été faits dans les assemblées qu'on appelle Grandes, parce qu'elles sont plus nom. breuses que celle-ci, on avoit jugé, dans la Commission, qu'on devoit remettre à la prochaine assemblée la revue de ces anciens Réglemens, et exhorter cependant messeigneurs les archevêques et évêques de tenir exactement la main à leur exécution.

L'assemblée, délibération prise par provinces, a approuvé la proposition de messeigneurs les commissaires en tous ses points, et particulièrement le Réglement projeté par monseigneur le président; et en conséquence elle a ordonné qu'il sera imprimé au plus tôt, et envoyé

avec la présente délibération à tous messeigneurs les archevêques et évêques, en conformité de laquelle, l'assemblée leur écrira une lettre et à l'instant monseigneur le président a prié monseigneur l'évêque de Meaux de faire ladite lettre.

La 17 septembre, de relevée, monseigneur l'évêque de Meaux a lu la lettre qu'il avoit été chargé de faire dans la séance du samedi 21 août, pour accompagner le Réglement que l'assemblée a fait au sujet des réguliers : ladite lettre a été approuvée et signée; et la Compagnie a ordonné à MM. les agens de la faire imprimer et de l'envoyer, avec ledit Réglement, à tous messeigneurs les archevêques et évêques du royaume.

LETTRE

AUX ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES DU ROYAUME.

Nous vous envoyons un Réglement que nous avons cra devoir faire, pour empêcher les évêques d'être surpris dans les permissions qu'ils donnent de prêcher et de confesser dans leurs diocèses, aux religieux qui leur sont présentés par leurs supérieurs. L'Evangile nous apprend que les trésors célestes, tels que sont la prédication de la parole de Dieu et l'administration du sacrement de Pénitence, doivent être mis entre des mains sûres, et distribués à chacun selon sa propre vertu, secundùm propriam virtutem; de peur que si la dispensation de ces grâces, qui font toute la richesse de l'Eglise, étoit commise indifféremment et sans connoissance, à toutes sortes de sujets, elle n'échût trop facilement, et contre notre intention, au serviteur inutile qui ne sauroit pas les faire valoir. C'est pour éviter cet in

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