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51 janvier, ouvrir, au nom du roi, la nouvelle session, répondait bien à cette disposition des esprits (voyez l'Appendice). Les questions de politique extérieure étaient à peine effleurées dans ce document, et l'on n'y parlait ni de l'Orient, ni de la prise du Vixen, qui avait attiré l'attention de l'Europe (voyez 1836, p. 535). Une autre omission plus remarquable encore, c'était celle du nom de la France. Pour la première fois depuis 1830, l'alliance des deux pays n'était pas mentionnée comme une garantie du maintien de la paix, bien que le discours du roi des Français, prononcé lors de la récente ouverture des Chambres, contînt la phrase accoutumée sur son union intime avec le roi de la Grande-Bretagne. La cause de cette omission était dans la politique, moins active que celle de l'Angleterre, adoptée par le cabinet des Tuileries à l'égard de l'Espagne, et peut-être même du Portugal. Ces deux puissances étaient ici l'objet de deux paragraphes ainsi conçus :

« Sa Majesté déplore que la guerre civile qui a agité la monarchie espagnole ne soit pas encore terminée; mais elle a continué à fournir à S. M. la reine d'Espagne l'assistance qu'elle s'était obligée de lui préter par le traité de quadruple alliance de 1854, dans le cas où ce secours serait nécessaire ; et Sa Majesté se réjouit de ce que ses troupes de coopération aient secondé d'une manière efficace les troupes de S. M. catholique.

« Le Portugal a été le théâtre d'événemens qui, pendant un temps, ont menacé de troubler la tranquillité intérieure du pays. Sa Majesté a ordonné, en conséquence, une augmentation temporaire de ses forces navales dans le Tage, à l'effet de protéger, d'une manière plus efficace, les personnes et les propriétés de ses sujets résidant à Lisbonne; et l'amiral commandant l'escadre de Sa Majesté a reçu l'autorisation de protéger, en cas de besoin, la reine de Portugal, sans toutefois intervenir dans les questions constitutionnelles qui divisaient les partis en hostilité. »

Plus explicite sur les affaires intérieures, mais en conservant toujours un caractère de grande circonspection, et ne faisant d'ailleurs que reproduire le programme de la session dernière, le discours de la couronne, après avoir recommandé à l'examen du Parlement l'état de la province du Bas-Canada, annonçait que des mesures seraient présentées pour l'amélioration de la législation et de l'administration de la justice, ainsi que pour accroître la stabilité de l'Eglise, et faire ré

gner la concorde et l'harmonie. Il appelait enfin, d'une manière toute spéciale, l'attention des Chambres sur la constitution actuelle des corporations municipales d'Irlande, sur la perception des dîmes irlandaises, et sur la question difficile, mais urgente, d'une loi des pauvres pour ce pays.

Proposée par le comte de Fingal, et appuyée par lord Suffield, qui, tous deux, insistèrent principalement sur la nécessité de rendre justice à l'Irlande, de lui accorder les mêmes priviléges qu'aux autres parties de l'empire, et de répandre dans ce pays la satisfaction et la prospérité, comme un moyen d'accroître le bonheur et la puissance de l'Angleterre elle-même, l'adresse, en réponse au discours royal, ne rencontra, dans la Chambre des lords, aucune opposition.

Le duc de Wellington déclara, au sujet de ce discours et de cette adresse, que jamais il n'en avait entendu qui 'fussent moins susceptibles d'être combattus, et il ne prit guère la parole que pour repousser cette assertion des deux préopinans, que la formation de l'association générale d'Irlande (voyez 1836, p. 615) devait être attribuée à l'injustice de l'une des branches de la législature envers ce pays. L'orateur désapprouva aussi l'emploi des forces militaires de l'Angleterre en Espagne, comme dépassant les limites du traité de la quadruple alliance.

Tout en se félicitant de voir que les nobles lords assis sur les bancs de l'opposition ne proposaient aucun amendement à l'adresse, lord Melbourne donna à entendre que les mesures annoncées par la couronne pourraient soulever, plus tard, des dissidences. Quant à l'association générale d'Irlande, personne plus que lui n'avait regretté qu'elle se fût établie. Les motifs allégués en faveur de son établissement ne le justifiaient aucunement. Il s'était passé, dans cette association, des choses que lord Melbourne ne saurait approuver; toutefois, elle agissait au grand jour, et jamais ses membres n'avaient dissimulé leurs pensées. D'ailleurs, l'Irlande n'avait pas été moins tranquille que l'Angleterre, pendant les vacances dų

Parlement, ou si quelques perturbations partielles avaient eu Hieu, elles ne devaient être attribuées qu'aux efforts des nobles lords de l'opposition. Lord Melbourne contestait qu'une réaction morale se fût opérée dans l'opinion, à l'avantage du parti tory, et soutint que le ministère avait observé les maximes émises par le duc de Wellington, sur l'impossibilité d'imposer un gouvernement à l'Espagne, et d'intervenir dans ses affaires intérieures.

Dans la Chambre des communes, après la motion de l'adresse faite par M. Sandford, et appuyée par M. VilliersStuart, un des chefs du parti radical, M. Roebuck, reprocha au gouvernement de ne pas se montrer fidèle aux principes du bill de réforme, et s'attacha à démontrer la nécessité de consacrer législativement le vote au scrutin secret. M. Beaumont, qui, d'abord avait demandé, par voie d'amendement, l'abolition complète des dîmes d'Irlande, retira aussitôt sa proposition. M. Hume n'approuva pas l'attaque de M. Roebuck contre le cabinet. Suivant l'honorable membre, ce que l'on devait chercher avant tout, aujourd'hui, c'était l'union. Cependant, il adressa lui-même une critique au gouvernement, dont il blâmait la conduite à l'égard du Portugal. «< Une intervention en Portugal, disait-il, n'était, à mon avis, ni sage, ni juste; c'était un acte impolitique. On a fait à Lisbonne ce qu'assurément on ne tolérerait jamais ici. » L'orateur terminaît en réclamant la suppression des taxes d'église et des réductions dans les dépenses de l'État.

Sir Robert Peel exprima sa satisfaction de ne rien voir dans l'adresse qui fût de nature à provoquer de sa part un amendement. Il lui était facile, autant qu'agréable, d'imiter le soin extrême avec lequel tous les orateurs avaient évité jusqu'ici de soulever des débats préliminaires. Il userait de la réserve prudente qui caractérisait le discours du trône, et s'abstiendrait de toutes paroles tendant à réveiller des dispositions hostiles. Toutefois, il croyait de son droit de se réserver la faculté de discuter dans une autre circonstance, la po

litique extérieure du gouvernement. Pour le moment, il se bornait à protester de toutes ses forces contre toute intervention de l'Angleterre en Espagne, qui n'aurait pas été prévue ét garantie par le traité de la quadruple alliance. En Portugal, on avait pu voir et apprécier tout le danger de ces interventions.

Lord Palmerston fit l'apologie de la politique du Gouvernement, surtout en ce qui concernait l'Espagne et le Portugal. En définitive, l'adresse de la Chambre des communes fut, comme celle de la Chambre des lords, adoptée sans division.

Toutefois, on revint bientôt incidemment sur l'association générale d'Irlande, qui excita dans les deux Chambres de vifs débats, et fut de nouveau attaquée et défendue avec chaleur à l'occasion du bill relatif aux corporations municipales d'Irlande, dont la présentation avait été annoncée pour le 7 février.

Dans la séance de ce jour, après avoir rapidement démontré la justice et l'opportunité d'un bill tendant à réformer ces corporations, à faire cesser des abus reconnus de tous et plus crians que ceux qu'on avait reprochés aux corporations d'Angleterre et d'Ecosse, lord John Russell déclara que le bill qu'il avait à soumettre à la Chambre ne différait que peu de celui qu'elle avait déjà adopté dans la session précédente (voyez 1836, p. 572); et voici comment il expliquait la modification la plus importante que ce bill eût subie:

« Dans le bill de l'année dernière, je proposais d'investir la couronne du droit de nommer les shériffs des villes. Nous demandons maintenant que le conseil municipal désigne trois candidats dont les noms seront soumis au lord-lieutenant. Celui-ci aura la faculté, ou de choisir un shériff parmi les trois candidats, ou de les rejeter tous trois. Alors le conseil pourvoirait à l'élection de trois autres candidats, et si le lord lieutenant les repoussait encore, il nommerait lui-même, sous sa responsabilité personnelle, un shériff de son choix..... Ce droit, conféré au lord-lieutenant, après une double épreuve, sera rarement exercé; car il serait fort extraordinaire que, sur les six candidats désignés par le conseil municipal, il ne s'en trouvât pas un qui pût être appelé à ce poste de confiance. (On applaudit.) »

Bientôt l'orateur, qui regardait cette question comme décisive pour le ministère, continuait en ces termes :

Croyez bien que c'est chose pénible pour nous de présenter tous les ans de nouveaux bills, de les voir rejeter sans prendre un parti. (Ecoutez!) Sans doute, le Parlement et le pays doivent avoir tout le temps nécessaire pour prendre en considération la nature du gouvernement d'Irlande et celle de la proposition que nous faisons; mais je crois que le Gouvernement ne pourrait pas continuer à marcher ainsi, avec la confiance que la Chambre a bien voulu lui accorder jusqu'ici. Je ne pense pas, dis-je, qu'il pourrait surtout conserver ses titres à cette confiance, en souffrant que l'on adoptat, à l'égard de l'Irlande, des principes contre lesquels nous avons déjà protesté et protestons encore aujourd'hui hautement. (Redoublement des cris: Ecoutez!) Il ne faut pas donner à cette question une couleur autre que celle qui lui est propre. Il ne s'agit pas ici de préventions religieuses, de sympathies politiques; c'est une question de droit qui est agitée. Vous avez à décider si les Irlandais ont le droit de jouir des avantages légaux accordés, aux termes de la constitution, à tous les sujets de Sa Majesté, ou si vous les proscrirez comme indignes d'en jouir, en les proclamant une race abâtardie.

« Je ferai ici un appel à une autorité dont j'aime à m'entourer, lorsque j'ai besoin de citer un grand homme sur la constitution nationale je ne cherche alors ni dans Blackstone, ni dans Locke; mais je puise, toutes les fois que je le peux, dans les principes et les maximes de Fox. (Tonnerre d'applaudissemens.) Fox disait, en 1797, que la seule manière de gouverner l'Irlande était de plaire au peuple irlandais; et il le disait en termes trop précis pour que je ne les reproduise pas avec empressement : « Mon vœu le « plus ardent, c'est que le peuple irlandais soit appelé au partage égal de « nos principes, de notre système, de notre Gouvernement. Je voudrais voir « le gouvernement irlandais réglé d'après les idées et les préventions irlan « daises. Je crois fermement que, plus l'Irlande sera directement régie par << un gouvernement irlandais, et plus elle sera dévouée et attachée aux in« térêts de l'Angleterre. »

C'était d'après les principes émis par Fox, que lord Mulgrave avait constamment agi, comme lord lieutenant d'Irlande. Il avait entrepris de porter dans l'administration de ce pays, un esprit d'impartiale justice qu'il ne connaissait pas. Grâce à ses efforts et à ceux de M. O'Loghlen, attorney-général d'Irlande, le peuple irlandais avait pu se convaincre que la police n'avait d'autre mission que celle de faire respecter la loi. Lord John Russell établissait ensuite par des chiffres que la diminution des crimes en Irlande était le fruit de ce système d'administration. Les sociétés secrètes, ainsi que les sociétés orangistes, qui exerçaient une fâcheuse influence, avaient disparu. Sans doute il était à regretter que sur les ruines de ces sociétés, il se fût formé une association nouvelle; mais elle était une conséquence forcée des maux qu'endurait le peuple irlandais, et de l'expérience qu'il avait acquise, que la crainte seule pouvait arracher des concessions à l'Angleterre.

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