Images de page
PDF
ePub

chaque nuit, aucune plainte des victimes frappées ne sont parvenus à l'oreille des magistrats chargés de veiller à la tranquillité du pays! Il a fallu qu'une circonstance, tout-à-fait étran gère à la recherche de ces forfaits, vint jeter un rayon de lumière au milieu de ces sanglantes ténèbres; il a fallu que la Providence vint marquer du doigt les coupables; car, encore quelques mois, quelques jours, la prescription se dressait entre la société et ces affreux attentats, et assurait à leurs auteurs une scandaleuse impunité.

Les accusés sont introduits au milieu de la plus vive curiosité. Le premier, Aumaître, dit Comte, est un vieillard de 70 ans. Les haillons qui le couvrent annoncent la plus profonde misère. Son front est fortement déprimé, ses yeux sont petits et perçants; il affecte une grande impassibilité; mais un tremblement nerveux qui l'agite dénote les remords et la crainte qui déchirent son âme. Le second, Jean Gadrad, dont les aveux ont amené l'arrestation d'Aumaitre, est encore très jeune il a ving quatre ans; c'est le type le plus ignoble et le plus repoussant qu'on puisse imaginer. Ses cheveux épais lui couvrent une partie de la figure, et laissent apercevoir un nez gros et épaté, et des yeux enfoncés sous d'épais sourcils, et dont l'expression est celle d'une stupide férocité; il est parfaitement calme, il semble étranger à ce qui se passe autour de lui.

:

Voici les charges que reproduit contre eux l'acte d'accusation:

Dans le courant du mois de février dernier, des ouvriers exécutaient divers travaux pour ouvrir une route de Chalain à Barbesieux. Parvenus à un chemin situé dans la commune d'Yviers, et appele chemin de Rassat, ils rencontrerent sous leurs outils, et à une courte distance du village qui porte le même nom, trois squelettes humains enfouis sur l'un des côtés du chemin.

Ces squelettes, placés la face contre terre, à dix-huit pouces de profondeur seulement, et à une distance de trois pieds les uns des autres, étaient parfaitement conserves, et leur état annonçait que la mort ne remontait pas au-delà de dix anuées.

Ce chemin, qui était la seule voie de communication de cette contree isolée,

n'était guère fréquenté par les étratigers, excepté par les marchands colperteurs, à l'époque des foires des localités voisines.

Les nombreux brigandages dont ce chemin avait été le théâtre, avzim porté la terreur dans l'esprit des hab lants. Des hommes armés y avaient été souvent rencontrés; des cris lugubres: Au meurtre! à l'assassin! s'y étaient fait entendre pendant la nuit, des fosses avaient été remarquées onvertes et fermées peu de jours après ; des émanations fetides avaient frappé les passants, et les bêtes de somme, parvenues a ce fatal endroit, échappaient à leurs conducteurs, se débarrassaient de leur fardeau et s'enfuyaient épouvantées a unvers les campagnes. On ne peut attri buer le silence que garda l'autorité lecale qu'à une coupable négligence ou à la crainte qu'inspiraient les maifaiters, ou bien encore à l'éloignement du ciellieu d'arrondissement.

On ne douta pas que ces osemmis, dont quelques-uns étaient fracturés, et découverts dans un endroit qui n'avait jamais servi de lieu de sépulture, he fussent les résultats de crimes. Ils devaient appartenir à trois voyageurs étran gers au pays, qui, après avoir été läche ment assassinés, avaient été inhumés a l'endroit où ils étaient tombès. Ce qui vient à l'appui de ce fait, c'est que depuis la découverte de ces cadavres, la plus grande publicité en a été dones, et que nulle famille n'a fait encore de réclamations.

Les auteurs de ces méfaits devaient habiter non loin du chemin de Rant: la réunion des cadavres sur un mine point, les instruments qu'on devait transporter pour creuser les fosses, s éveiller l'attention ou les soupçons, laissaient aucun doute à cet égard.

Jean Gadrad, dans divers entretiens qu'il avait eus avec les époux Tousers, et dans lesquels il s'était révèle a est comme un homme d'une froide ferocitr avait été jusqu'à leur avouer qu'il reat tue plusieurs personnes, de concert avet d'autres individus, et leuravait demandr «si les ossements humains se vendavent ajoutant que s'ils se vendaient, il savat parfaitement où il en trouverait. »

Ces horribles confidences, partes a la connaissance de M. le juge de pat de Châlain, farent confirmees par Go

drad; il fit l'aveu qu'il avait participé au meurtre des voyageurs dont on avait retrouvé les cadavres, de complicité avec Morpain et Aumaître, ses voisins. Morpain!, poursuivi et condamné à raison de divers vols, était décédé le 24 octobre 1828 dans la maison centrale de Limoges; mais Aumaître existait encore, et il fut arrêté dans son domicile à la commune d'Yviers.

Gadrad donna tous les détails possi bles; il raconta que, dans l'année 1827, vers les fêtes de Noël (il avait 10 ans), il fut entraîné sur le chemin de Rassat par Morpain, dit Lapierre Morpain; il était armé d'un fusil à deux coups; il portait aussi les instruments nécessaires pour faire une fosse : une pioche et une pelle. Dès qu'ils furent arrivés sur ce chemin, ils trouvèrent Aumaître, et se cachèrent tous trois derrière des buissons qui garnissaient le bas-côté de la route. Un voyageur étant venu à passer, Morpain appuya son fusil sur l'épaule de cet enfant et frappa ce voyageur au milieu de la poitrine. La victime ne poussa pas un seul cri; elle fut dépouillée de ses vêtements, et enterrée à l'endroit où elle était tombée, dans une fosse que creusèrent, sans désemparer, Morpain et Aumaître.

Quinze jours s'étaient à peine écoulés que Morpain conduisit encore Gadrad au même endroit; et un second assassinat fut commis avec les mêmes circon

stances: seulement le voyageur n'avait pas été tué raide, et Aumaître l'avait achevé en lui comprimant la gorge.

Le troisième crime fut commis un mois et demi après le second, et toujours par les deux mêmes hommes, Morpain et Aumaître.

Gadrad, qui ne peut donner que des renseignements assez vagues sur la qualité des personnes assassinées, pense cependant qu'elles devaient être des marchands de bestiaux ; il se rappelle que l'une d'elles portait une ceinture rouge.

Aprés la consommation de ces assas sinats, Gadrad recevait une partie de la dépouille, et on lui faisait de pompeuses promesses pour l'engager à garder le silence.

Aumaître ne peut assigner aux aveux accablan is de Gadrad aucun motif d'aDimosité de sa part; cependant il a con stamment persiste pendant l'instruction, et il persiste encore aujourd'hui, à pro

tester de son innocence. Mais indépen damment de ces aveux, des faits trèsgraves s'élèvent contre lui.

Dès 1827, Morpain et Aumaître étaient connus sous de déplorables rapports. Ils vivaient dans une étroite intimité, ils passaient une partie de leur temps dans les cabarets, et y faisaient des dépenses que ne pouvait justifier leur position précaire; ils voyageaient presque toujours de compagnie. Aumaître, à cette époque, avait eu en sa possession des sommes assez importantes.

Gadrad, de son côté, se livrait à sa fatale passion pour le jeu et le libertinage; il avait à sa disposition une certaine quantité de pièces de 5 francs, qui ne pouvaient provenir que des crimes auxquels il avait participé; car sa famille, excessivement pauvre, avait été souvent obligée de recourir à la pitié publique. Il avait souvent été rencontré sur le chemin de Rassat, à une heure avancée dans la nuit, en compagnie de deux haies. hommes qui se cachaient derrière les

Aumaître avait aussi été reconnu plusieurs fois et pendant la nuit sur le théâtre où les assassinats avaient été consommés; il était armé d'un fusil, et se rangeait derrière les arbres qui bordent la route quand il entendait arriver quelque personne. En 1827, il avait été surpris au moment où il allait assassiner son oncle, qu'il avait déjà terrassé et qu'il serrait violemment à la gorge. Ce vieillard ne dut son salut qu'à l'arrivée de trois ouvriers qui passaient à peu de distance, et qui entendirent ses cris plaintif: « C'est la quatrième fois, leur dit-il, » que ce brigand-là attente à ma vie ; il » m'a attardé ce soir dans les chemins » pour m'assassiner et me dépouiller. »

Dans une autre circonstance, Aumaître a fait à un témoin, la femme Birot, une confidence qui peut être considérée comme un aveu. On parlait de la découverte des cadavres et de la punition qu'avaient méritée les coupables: « Ah!

bah, reprit Aumaître, on ne trouvera » pas plus de preuves pour ceux-là que » pour celui qui a été assassiné et jeté » dans le trou des Jonchères. » Sa femme, qui était présente, et qui comprenait la portée de ces paroles, lui conseilla de se taire, en ajoutant que sa langue le perdrait. « N'aie donc pas

Ann. hist. pour 1837. Appendice.

16

» peur, dit Aumaître; Jeanne Birot ne aurait été accompagné des mêmes dr s'avisera pas de parler de ça.. constances susrelatées.

Depuis l'arrestation de Morpain, un quatrième assassinat a été commis au même endroit. Un cadavre a été trouvé couché en travers du chemin et une pierre de quatorze livres sur le crâne. Ce crime ne doit pas remonter à plus de dix années; car, à cette époque, on aperçut une fosse nouvellement fermée, et les bêtes de somme qui s'en approchaient reculaient épouvantées par les odeurs félides qui s'en échappaient. Dans le même temps encore, Gadrad et Aumaître ont été aperçus dans ce chemin; ils ont même été poursuivis par les chiens de l'un des témoins.

Ces misérables n'ont point interrompu le cours de leurs brigandages; une foule de témoins sont venus déposer qu'ils les avaient, à différentes époques. trèssouvent et pendant la nuit rencontrés sur le chemin de Rassat, qu'ils se ca

Après la lecture de l'acte d'accusstion, M. le président fait retirer Aumaître et procede à l'interrogatoire de Gadrad. Cet accusé raconte avec sang-froid effrayant toutes les circonstances qu'il a déjà révélées, et persiste dans tous les aveux qu'il a faits précé deinment; il nie avoir eu connaissance du quatrième assassinat.

Aumaître, ramené immédiatement après et auquel M. le président douse connaissance de ce qui s'est passé et son absence, persiste dans ses dénégations formelles.

Quarante témoins ont été entendus trente-quatre à la requête du ministère public, six à la requête d'Aumaître. Après le résumé des débats, qui est rempli les audiences du 24. du 25, du 26 et du 27, M. le président a remis à MM. les jurés les cent et quelques questions qu'ils avaient à decider.

Après quatre heures de délibérative, ils ont rendu un verdict par lequel ils déclaraient coupables de complicité des trois premirs assassinats qui leur client reprochés:

1° Jean Gadrad, avec des ciresstances atténuantes, et comme ayant api sans discernement pour les deux premiers;

chaient derrière les arbres et les buissons, et qu'ils n'étaient pas embusqués ainsi pour commettre de bonnes actions. Un fait plus récent, il remonte à 4834, vient encore accabler Aumaître. Pierre Désiriez est venu déposer que, vers les fêtes de Pâques, il traversait, à huit heures de la soirée, le chemin de Rassat. Il entendit, à une distance d'environ deux cents pas, parler assez haut deux personnes. Il reconnut la voix d'Au maître. Quand il fut arrrivé dans le basfond du chemin, il vit un éclair sortir de la haie; il crut d'abord que c'était Aux termes de ce verdict. Jean Ga un feu errant, mais il comprit bientôt rad a été condamné à quinze ans d'es qu'il venait d'échapper à un affreux prisonnement et à cinq années de sar guet-apens, quand il entendit murmu-veillance de la haute police; Aumitre, rer à voix basse et relever le ressort dit Comte, à la peine de mort. d'un fusil.

A raison de ces faits, Aumaître dit Comte et Jean Gadrad sont accusés: 1° d'avoir dans les mois de février, mars et avril 1827, commis ensemble et de complicité avec Morpain dit Lapierre, le crime de meurtre sur les personnes de trois voyageurs restés inconnus jusqu'à ce jour, avec ces circonstances que ce crime aurait été commis avec préméditation et guet-apens et suivi de vol par plusieurs personnes armées, et sur un chemin public;

2o Du meurtre d'un quatrième voyageur, dont l'époque ne remonterait qu'à quatre ou cinq années, lequel meurtre

2 Aumaître, dit Comte, sans circonstances attenuantes.

Ils ont admis la prescription pour les deux premiers crimes.

Après la condamnation, la foule qui inondait la cour et ses abords s'est écoulée dans un morne silence. Ily avail cinq années qu'une condamnation pitale n'avait été prononcée dans cette ville.

27. Paris. Académie des sciences, Etoiles filantes. — M. Walsh, de Mar seille, écrit qu'il a pu compter un asser grand nombre d'étoiles filantes dans l nuit du 13 au 14 de ce mois. Ces téores n'ont donc pas tous manqué rendez-vous, comme on l'avait dit, M. Arago fait remarquer avec raison que jamais on n'a prétendu que ce pé

[blocks in formation]

assez rare.

A 14 heures, le prévenu est introduit; tous les regards se dirigent avec la plus avide curiosité vers le banc où il est assis. Quelques femmes montent même sur la balustrade qui sépare le public des juges, afin de mieux examiner ses traits. Les huissiers sont obligés, sur l'ordre de M. le président, d'inviter les assistants à se comporter avec plus de décence. L'ordre est enfin rétabli, et l'attorney général donne lecture de l'acte d'accusation. Nous en extrayons les faits suivants:

Le sieur William Bairn, né à Crawford, en Ecosse, exerçant la profession de charpentier, vint s'établir, au commencement de l'hiver de 1821, à Southey. 11 ne tarda pas à se lier dans cette dernière ville avec la fille d'un riche fermier nommé Stanley, qui, ne connaissant point suffisamment l'inégalité de son caractère, ainsi que les vices dont il était entaché, ne fit nulle difficulté de lui donner en mariage l'héritière de son nom. Il l'avait vu très-actif au travail, et pour lui un homme laborieux était la perle des hommes.

trompeuses, et Bairn se chargea bientôt, pour ce qui le concernait, de rajeunir ce proverbe. La discorde se glissa dans le ménage, autrefois si tranquille. La maison si paisible qu'il habitait ne tarda pas à retentir du bruit des querelles: le mari si doux devint brutal, et la femme si heureuse fut plus triste et plus à plaindre qu'il n'est possible de le décrire.

Pendant plusieurs mois, Bairn ne laissa paraître aucun de ses défauts; il était respectueux auprès de son beaupère, tendre et galant auprès de sa femme. On le citait même dans le quartier comme le mari-type, l'époux par excellence. Mais, ainsi que l'a dit un vieil adage, les apparences sont souvent

Quelques années s'écoulèrent ainsi pour la malheureuse Sally dans la douleur et dans les larmes. Les soins que cette dernière donnait à son fils et à sa fille étaient le seul adoucissement qu'elle pût trouver aux maux sous le poids desquels, calme et résignée, elle courbait silencieusement la tête. Cependant elle n'était pas seule à souffrir. Le jeune Walter, l'aîné de ses enfants, savait comprendre et partager sa vive douleur. Rudoyé par son père qui ne l'aimait point, la cause de sa mère était doublement la sienne; en la voyant ainsi malheureuse, ainsi délaissée, son cœur se gonfla d'amertume, et avec une raison au-dessus de son âge, il ne songea plus qu'au moyen de lui rendre ce repos, cette tranquillité que depuis longtemps elle avait perdus. Dès lors, son caractère subit une étonnante transfor mation: il devint triste et rêveur; de gai, d'enjoué qu'il était autrefois, il se fit sombre et taciturne. Néanmoins il ne cessa pas en apparence d'avoir pour son père le même respect que par le passé ; il continua donc de lui être son. mis, et de supporter sans se plaindre et sans murmurer les mauvais traitements auxquels il était constamment en butte.

Un jour, c'était le 15 septembre dernier, Bairn éprouva après avoir dîné un malaise extraordinaire qui ne fit qu'empirer pendant la nuit. Ce malaise fut partagé par la sœur de Walter, âgée de trois ans et demi; au matin, l'un et l'autre avaient rendu le dernier soupir, et Sally, en s'éveillant, les trouva tous deux morts.

Tels sont les faits qui amenaient de vant la cour le jeune Walter et sa mère.

Le président annonce que la liste des témoins étant épuisée, il va procéder à l'interrogation des prévenus.

D. Femme Bairn, qu'avez-vous à

alléguer pour votre défense?—R. Trois mots seulement: je suis innocente.

D. Ces mots ont besoin d'être développés. Le jury ne peut former sa conviction sur un tel moyen de justification. N'aviez-vous pas quelque sujet de haine contre votre mari? - R. La conduite de mon mari m'a toujours causé la plus vive douleur, mais jamais l'affection que je lui portais ne s'est changée en sentiments hostiles.

D. Ne vous battait-il pas souvent? R. Quelquefois.

D. Plusieurs témoins ont déposé qu'il se portait fréquemment contre vous aux plus graves excès. Un jour, entre autres, n'êtes-vous pas tombée sans connaissance à ses pieds, après avoir reçu sur la tête et sur plusieurs parties du corps des coups de gourdin violemment assénés? Des voisins charitables sont accourus à vos cris, et, quand ils vous ont relevée, vous étiez baignée dans votre sang. - R. C'est la vérité, Monsieur.

D. De pareils traitements n'ont-ils pu vous inspirer la pensée de vous y soustraire par un meurtre? - R. Jamais une telle pensée ne m'est venue à l'esprit.

D. Vous niez donc avoir empoisonné votre mari? R. Je le nie solennelle ment devant Dieu et devant les hom

mes.

D. Connaissez-vous les auteurs de ce crime? R. Non, Monsieur.

D. Qui soupçonnez-vous? - R. Je në soupçonne personne.

D. Mais il est impossible que vous ne puissiez avoir une opinion, une simple conjecture formée à cet égard? R. Je n'en ai cependant aucuue.

D. Vous croyez donc que votre mari est mort naturellement? - R. Je suis obligée de le penser.

D. L'inspection de son corps a dû pourtant vous prouver le contraire. · R. On m'a, en effet, démontré que William avait succombé au poison, mais je n'ai pu comprendre comment.

D. On a analysé les aliments qui se trouvaient dans son estomac, et l'on a examiné avec soin la vaisselle de votre maison. Dans deux assiettes, qui sont sans doute celles dont se sont servis votre mari et votre enfant, on a découvert des traces d'arsenic. R. Je n'ai rien à répondre, si ce n'est que je suis

incapable d'avoir commis le forfait qu'on m'impute.

Le président n'ayant pu obtenir aucun aveu de Sally, qui répond avec un calme plein de dignité à toutes ses questions, et qui ne décèle pas le moindre trouble, interroge ensuite son fils. Le jeune garçon oppose également un système de dénégation formelle, et, pendant deux audiences, il est impossible de le faire convenir de la plus insignifiante particularité. La persistance qu'il met à rejeter les détails les moins faits pour le charger augmentent les soupçons. A la fin le président le presse tellement, qu'il se coupe, balbutie, dément ses précédentes allégations, et, ne sachant plus que dire pour se justifier. fond en larmes en regardant sa mère. Profitant de son trouble, le magistrat lui adresse quelques paroles terribles, qui, mettant le comble à son effroi, lui occasionent une violente attaque de nerfs, à la suite de laquelle il tombe dans un profond abattement. Quand il est un peu plus calme, le président recommence ses questions.

D. Walter, n'avez-vous pas tué votre père? - Walter ne peut répondre, les larmes étouffent sa voix; cependant, au milieu des sanglots qui l'oppressent, on entend ces mots faiblement articulés Ma mère allait succomber!.... »

D. Votre mère était donc bien malheureuse? R. Oh! oui, Votre Honneur, bien malheureuse!

D. Votre père la battait-il?-R. Tous les jours, et lorsqu'il l'avait laissée comme morte, il s'en allait boire et rire avec son ami; et moi seul, avec grand-papa, j'étais obligé de transporter ma pauvre mère sur son lit.... Oh! que de fois j'ai cru qu'elle allait expirer dans mes bras!.... Et quand mon père rentrait ivre et qu'il me trouvait lui donnant des soins, il s'emportait contre moi, puis me jetait à la porte à coups de pied. C'est ainsi que j'ai passé bien des nuits, exposé au froid, à la neige, à la pluic, pleurant, souffrant plus encore pour ma mère que pour moi..... Mon caractère s'est aigri, des pensées affreuses sont venues m'assiéger; tant que j'en ai eu la force, je les ai repoussées; mais, quand elles m'ont cu maîtrisé, quand elles ont fini par s'emparer entièrement de moi, alors je

« PrécédentContinuer »