Et, si c'est en votre faveur, Je vous réponds de mon obéissance. Ah quel bonheur! O toi, qui me l'as apporté, GROS-RENÉ. Je vous le disais bien : contre votre croyance, << Faites parler les droits qu'on a dessus mon cœur, Je vous en donne la licence; Et, si c'est en votre faveur, « Je vous réponds de mon obéissance. » MARINETTE. Si je lui rapportais vos faiblesses d'esprit, ÉRASTE. Ah! cache-lui, de grâce, une peur passagère Est prête d'expier l'erreur de ce transport; MARINETTE. Ne parlons point de mort, ce n'en est pas le temps. Au reste, je te dois beaucoup, et je prétends MARINETTE. A propos; savez-vous où je vous ai cherché Tantôt encore? ÉRASTE. Où vous savez. Hé bien ? MARINETTE. Tout proche du marché, ÉRASTE. Où donc? MARINETTE. Là... dans cette boutique Où dès le mois passé votre cœur magnifique Me promit, de sa grâce, une bague. ÉRASTE. Ah! j'entends. La matoise! GROS-RENÉ. ÉRASTE. Il est vrai, j'ai tardé trop long-temps A m'acquitter vers toi d'une telle promesse : MARINETTE. Ce que j'en ai dit n'est pas que je vous presse. Ho! que non! ÉRASTE lui donne sa bague. Celle-ci peut-être aura de quoi Te plaire; accepte-la pour celle que je doi. MARINETTE. Monsieur, vous vous môquez; j'aurai honte à la prendre. GROS-RENÉ. Pauvre honteuse, prends, sans davantage attendre; Refuser ce qu'on donne est bon à faire aux fous. MARINETTE. Ce sera pour garder quelque chose de vous. ÉRASTE. Quand puis-je rendre grâce à cet ange adorable? MARINETTE. Travaillez à vous rendre un père favorable. ÉRASTE. Mais s'il me rebutait, dois-je...? MARINETTE. Alors comme alors: Pour vous on emploîra toutes sortes d'efforts. ÉRASTE. Adieu : nous en saurons le succès dans ce jour. (Éraste relit la lettre tout bas.) MARINETTE, à Gros-René. Et nous, que dirons-nous aussi de notre amour? Tu ne m'en parles point. GROS-RENÉ. Un hymen qu'on souhaite, Entre gens comme nous est chose bientôt faite. Je te veux, me veux-tu de même ? Adieu, beau tison de ma flamme. Adieu, chère comète, arc-en-ciel de mon âme. (Marinette sort.) Le bon Dieu soit loué, nos affaires vont bien. Albert n'est pas un homme à vous refuser rien. ÉRASTE. En quel état l'amour? VALÈRE. En quel état vos feux ? ÉRASTE. Plus forts de jour en jour. VALÈRE. Et mon amour plus fort. ÉRASTE. Pour Lucile ? VALÈRE. ÉRASTE. Certes, je l'avoûrai, vous êtes le modèle D'une rare constance. VALÈRE. Et votre fermeté Pour elle. Doit être un rare exemple à la postérité. ÉRASTE. Pour moi, je suis peu fait à cet amour austère, Qui dans les seuls regards trouve à se satisfaire, Et je ne forme point d'assez beaux sentimens Pour souffrir constamment les mauvais traitemens: Enfin, quand j'aime bien, j'aime fort que l'on m'aime. VALÈRE. Il est très-naturel, et j'en suis bien de même. |