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Et, sans trop me vanter ni lui faire une injure,
Mes affaires y sont en fort bonne posture,

Et c'est?

ARNOLPHE, en riant.

HORACE, lui montrant le logis d'Agnès. Un jeune objet qui loge en ce logis Dont vous voyez ici que les murs sont rougis; Simple, à la vérité, par l'erreur sans seconde D'un homme qui la cache au commerce du monde, Mais qui, dans l'ignorance où l'on veut l'asservir, Fait briller des attraits capables de ravir;

Un air tout engageant, je ne sais quoi de tendre Dont il n'est point de cœur qui se puisse défendre. Mais peut-être il n'est pas que vous n'ayez bien vu Ce jeune astre d'amour de tant d'attraits pourvu : C'est Agnès qu'on l'appelle.

ARNOLPHE,

à part.
Ah! je crève!

HORACE.

Pour l'homme,

C'est, je crois, de la Zousse, ou Source, qu'on le

nomme;

Je ne me suis pas fort arrêté sur le nom :

Riche, à ce qu'on m'a dit; mais des plus sensés, non: Et l'on m'en a parlé comme d'un ridicule.

Le connaissez-vous point?

ARNOLPHE, à part.

La fàcheuse pilule!

HORACE.

Hé! vous ne dites mot?

ARNOLPHE.

Et oui, je le connoi.

HORACE.

C'est un fou, n'est-ce pas?

ARNOLPHE.

Hé...

HORACE.

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Qu'en dites-vous? Quoi?

dire.

Hé, c'est-à-dire, oui. Jaloux à faire rire?
Sot? Je vois qu'il en est ce que l'on m'a pu
Enfin l'aimable Agnès a su m'assujettir.
C'est un joli bijou, pour ne vous point mentir;
Et ce serait péché qu'une beauté si rare

Fût laissée au pouvoir de cet homme bizarre.

Pour moi, tous mes efforts, tous mes vœux les plus doux

Vont à m'en rendre maître en dépit du jaloux;
Et l'argent que de vous j'emprunte avec franchise
N'est que pour mettre à bout cette juste entreprise.
Vous savez mieux que moi, quels que soient nos
efforts,

Que l'argent est la clef de tous les grands ressorts,
Et que ce doux métal qui frappe tant de têtes,
En amour, comme en guerre, avance les conquêtes.
Vous me semblez chagrin! Serait-ce qu'en effet
Vous désapprouveriez le dessein que j'ai fait?

IV. Molière.

ARNOLPHE.

Non, c'est que je songeais...

HORACE.

Cet entretien vous lasse.

Adieu. J'irai chez vous tantôt vous rendre grâce. ARNOLPHE, se croyant seul.

Ah! faut-il...!

HORACE, revenant.

Derechef, veuillez être discret;

Et n'allez pas, de grâce, éventer mon secret.

ARNOLPHE, se croyant seul.

Que je sens dans mon âme...!

HORACE, revenant.

Et surtout à mon pere,

Qui s'en ferait peut-être un sujet de colère. ARNOLPHE, croyant qu'Horace revient encore.

Oh!...

SCÈNE VII.

ARNOLPHE, seul.

Oh! que j'ai souffert durant cet entretien! Jamais trouble d'esprit ne fut égal au mien. Avec quelle imprudence et quelle hâte extrême Il m'est venu conter cette affaire à moi-même! Bien que mon autre nom le tienne dans l'erreur, Étourdi montra-t-il jamais tant de fureur? Mais, ayant tant souffert, je devais me contraindre Jusques à m'éclaircir de ce que je dois craindre,

A pousser jusqu'au bout son caquet indiscret,
Et savoir pleinement leur commerce secret.
Tâchons de le rejoindre; il n'est pas loin, je pense:
Tirons-en de ce fait l'entière confidence.

Je tremble du malheur qui m'en peut arriver,
Et l'on cherche souvent plus qu'on ne veut trouver.

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE DEUXIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

ARNOLPHE.

Il m'est, lorsque j'y pense, avantageux sans doute
D'avoir perdu mes pas, et pu manquer sa route:
Car enfin de mon cœur le trouble impérieux
N'eût pu se renfermer tout entier à ses yeux;
Il eût fait éclater l'ennui qui me dévore,
Et je ne voudrais pas qu'il sût ce qu'il ignore.
Mais je ne suis pas homme à gober le morceau,
Et laisser un champ libre aux yeux d'un damoiseau;
J'en veux rompre le cours, et, sans tarder, apprendre
Jusqu'où l'intelligence entre eux a pu s'étendre:
J'y prends pour mon honneur un notable intérêt;
Je la regarde en femme aux termes qu'elle en est ;
Elle n'a pu faillir sans me couvrir de honte,
Et tout ce qu'elle fait enfin est sur mon compte.
Éloignement fatal! voyage malheureux!

(Il-frappe à sa porte.)

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