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Elle veut à tous coups s'échapper, et peut-être
Qu'elle se pourrait bien jeter par la fenêtre.

• ARNOLPHE.

Faites-la moi venir; aussi-bien de ce pas

(à Horace.)

Prétends-je l'emmener. Ne vous en fachez
pas:
Un bonheur continu rendrait l'homme superbe;
Et chacun a son tour, comme dit le proverbe.
HORACE, à part.

Quels maux peuvent, ò Ciel! égaler mes ennuis?
Et s'est-on jamais vu dans l'abîme où je suis?
ARNOLPHE, à Oronte.
Pressez vite le jour de la cérémonie,

J'y prends part, et déjà moi-même je m'en prie.

ORONTE.

C'est bien là mon dessein.

SCÈNE IX.

AGNÈS, ORONTE, ENRIQUE, ARNOLPHE, HORACE, CHRYSALDE, ALAIN, GEOR

GETTE.

ARNOLPHE, à Agnès.

Venez, belle, venez,

Qu'on ne saurait tenir, et qui vous mutinez.
Voici votre galant, à qui, pour récompense,
Vous pouvez faire une humble et douce révérence.
(à Horace.)

Adieu. L'événement trompe un peu vos souhaits;
Mais tous les amoureux ne sont pas satisfaits,

AGNÈS.

Me laissez-vous, Horace, emmener de la sorte?

HORACE.

Je ne sais où j'en suis, tant ma douleur est forte.

ARNOLPHE.

Allons, causeuse,

allons.

AGNÈS.

Je veux rester ici.

ORONTE.

Dites-nous ce que c'est que ce mystère-ci : Nous nous regardons tous sans le pouvoir comprendre.

ARNOLPHE.

Avec plus de loisir je pourrais vous l'apprendre. Jusqu'au revoir.

ORONTE.

Où donc prétendez-vous aller? Vous ne nous parlez point comme il nous faut parler.

ARNOLPHE.

Je vous ai conseillé, malgré tout son murmure, D'achever l'hyménée.

ORONTE.

Oui; mais pour le conclure; Si l'on vous a dit tout, ne vous a-t-on pas dit Que vous avez chez vous celle dont il s'agit, La fille qu'autrefois de l'aimable Angélique Sous des liens secrets eut le seigneur Enrique? Sur quoi votre discours était-il donc fondé ?

Iv. Molière.

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CHRYSALDE.

Je m'étonnais aussi de voir son procédé.

Quoi?

ARNOLPHE.

CHRYSALDE.

D'un hymen secret ma sœur eut une fille Dont on cacha le sort à toute la famille.

ORONTE.

Et qui, sous de feints noms pour ne rien découvrir, Par son époux aux champs fut donnée à nourrir. CHRYSALDE.

Et, dans ce temps, le sort lui déclarant la guerre, L'obligea de sortir de sa natale terre.

ORONTE.

Et d'aller essuyer mille périls divers.

Dans ces lieux séparés de nous par tant de mers.

CHRYSALDE.

Où ses soins ont gagné ce que dans sa patrie
Avaient pu lui ravir l'imposture et l'envie.

ORONTE.

Et, de retour en France, il a cherché d'abord
Celle à qui de sa fille il confia le sort.

CHRYSALDE.

Et cette paysanne a dit avec franchise

Qu'en vos mains à quatre ans elle l'avait remise.

ORONTE.

Et qu'elle l'avait fait, sur votre charité,
Par un accablement d'extrême pauvreté.

CHRYSALDE.

Et lui, plein de transport, et l'allégresse en l'âme, A fait jusqu'en ces lieux conduire cette femme.

ORONTE.

Et vous allez enfin la voir venir ici,

Pour rendre aux yeux de tous ce mystére éclairci.
CHRYSALDE, à Arnolphe.

Je devine à peu près quel est votre supplice :
Mais le sort en cela ne vous est que propice.
Si n'être point cocu vous semble un si grand bien,
Ne vous point marier en est le vrai moyen.

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ARNOLPHE s'en allant tout transporté, et ne
pouvant plus parler.

Ouf!

SCÈNE X.

ENRIQUE, ORONTE, CHRYSALDE, AGNÈS,

HORACE.

ORONTE.

D'où vient qu'il s'enfuit sans rien dire ?

HORACE.

Ah! mon père,

Vous saurez pleinement ce surprenant mystère.
Le hasard en ces lieux avait exécuté

Ce que votre sagesse avait prémédité.

J'étais, par les doux noeuds d'une amour mutuelle, Engagé de parole avecque cette belle;

Et c'est elle en un mot que vous venez chercher, Et pour qui mon refus a pensé vous fâcher.

ENRIQUE.

Je n'en ai point douté d'abord que je l'ai vue,
Et mon âme, depuis, n'a cessé d'être émue.
Ah! ma fille, je cède à des transports si doux.

CHRYSALde.

J'en ferais de bon cœur, mou frère, autant que vous ; Mais ces lieux et cela ne s'accommodent guères. Allons dans la maison débrouiller ces mystères, Payer à notre ami ces soins officieux,

Et rendre grâce au Ciel, qui fait tout pour le mieux.

FIN DE L'ÉCOLE DES FEMMES.

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