Images de page
PDF
ePub

QUI ONT DANSE ET CHANTE

DANS LE SICILIEN.

DON PEDRE, le sieur MOLIÈRE.
ADRASTE, le sieur DE LA GRANGE.
ISIDORE, mademoiselle DE BRIE.
ZAIDE, mademoiselle MOLIÈRE.
HIALI, le sieur DE LA THORIllière.

UN SÉNATEUR, le sieur DU CROISY.

MUSICIENS chantants, les sieurs BLONDEL, GAYE, NOBLET.

ESCLAVE TURC chantant, le sieur GAYE.

ESCLAVES TURCS dansants, les sieurs LE PRÊTRE, CHICANNEAU, MAYEU, PESAN.

MAURES de qualité, LE ROI, M. LE GRAND, les marquis DE VILLEROI

et DE RASSENT.

MAURESQUES de qualité, MADAME, mademoiselle DE LA VALLIÈRE, madame DE ROCHEFORT, mademoiselle DE BRANCAS.

MAURES nus, MM. Cocquet, DE SOUVILLE, les sieurs BEAUCHAMP, NOBLET, CHICANNEAU, LA PIERRE, FAVIER et DES-AIRS-GALAND.

MAURES à capot, les sieurs LA MARE, DU FEU, ARNALD, VAGNARD, BON

NARD.

FIN DU SICILIEN.

OU

LE TARTUFFE,

COMEDIE EN CINQ ACTES

1667.

NOTICE.

L'histoire des premières représentations de Tartufe est devenue, sous la plume de la plupart des commentateurs ou des biographes, une véritable légende, et le thème de déclamations contre le fanatisme, l'intolérance, les faux dévots et les jésuites. Nous ne nous replacerons pas sur ce terrain, et nous laisserons à M. Sainte-Beuve le soin de raconter, en historien et en critique, les difficultés que la nouvelle pièce éprouva avant d'arriver jusqu'au public:

« Dès 1664, Molière avait achevé sa comédie du Tartufe à peu près telle que nous l'avons. Trois actes en avaient été représentés aux fêtes de Versailles de cette année, et ensuite à Villers-Cotterets chez Monsieur : le prince de Condé, protecteur de toute hardiesse d'esprit, s'était fait jouer au Raincy la pièce tout entière. Mais les mêmes hommes qui avaient obtenu qu'on brûlât les Provinciales quatre ans auparavant, empêchèrent la représentation devant le public, et la suspension avec divers incidents se prolongea. Louis XIV, en ce premier feu de ses maîtresses, était loin d'être dévot; mais il avait dès lors cette disposition à vouloir qu'on le fût, qui devint le trait marquant dans sa vieillesse. Tout en songeant à revoir et à corriger sa pièce pour la rendre représentable, Molière, dont le théâtre ni le génie ne pouvaient chômer, produisait d'autres œuvres, et, dans le Festin de Pierre, qui se joua en 1665, il se vengea de la cabale qui arrêtait le Tartufe, par la tirade de don Juan au

cinquième acte; l'athée aux abois y confesse à Sganarelle son dessein de contrefaire le dévot: « Il n'y a plus de honte main>> tenant à cela: l'hypocrisie est un vice à la mode, et tous les >>vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d'homme » de bien est le meilleur de tous les personnages qu'on puisse » jouer. Aujourd'hui la profession d'hypocrite a de merveilleux » avantages... » Mais d'autres traits audacieux du Festin, joints à cette attaque, soulevèrent de nouveau et semblèrent justifier la fureur de la cabale menacée; il y eut des pamphlets violents publiés contre Molière. Il avait affaire à ses Pères Meyniers et Brisaciers, qui ne manquent jamais.>>

<< Pourtant le crédit du divertissant poëte montait chaque jour; sa gloire sérieuse s'étendait : il avait fait le Misanthrope. La mort de la reine-mère (1666) avait ôté à la faction dévote un grand point d'appui en cour. Comptant sur la faveur de Louis XIV, se faisant fort d'une espèce d'autorisation verbale qu'il avait obtenue, et pendant que le roi était au camp devant Lille, en août 1667, au milieu de cet été désert de Paris, Molière risqua sa pièce devant le public; il en avait changé le titre : elle s'appelait l'Imposteur, et M. Tartufe était devenu M. Panulphe; il y avait des passages supprimés. L'Imposteur, sous cette forme, ne put avoir, malgré tout, qu'une représentation; le premier président Lamoignon crut devoir empêcher la seconde jusqu'à nouvel ordre du roi. Molière députa deux de ses camarades au camp de Lille avec un placet qu'on a. Mais le roi maintint la suspension'. »

Tels sont, réduits à la simple vérité historique et dégagés de tous les détails minutieux qui ne font que les obscurcir, les faits qui se rapportent à la première apparition du Tartufe; et comme nous devons, avant tout, dans un sujet où il est difficile d'être neuf, nous attacher à éclaircir ou à rectifier, nous rectifierons en passant un fait qui se rattache à l'unique représentation de 1667. Voici ce que dit à ce sujet M. Génin, à l'opinion duquel nous souscrivons complétement:

« Qui ne connaît l'anecdote de Molière notifiant au public la défense qu'il venait de recevoir de représenter Tartufe? M. le premier président ne veut pas qu'on le joue. Le fait est aussi faux qu'il est accrédité. Sous un roi comme Louis XIV, une plaisanterie si déplacée, un si grossier outrage lancé publiquement par un comédien contre un magistrat, contre l'illustre Lamoignon, ne fût certainement pas resté impuni Molière, aimé de Louis XIV, était d'ailleurs l'homme de France le plus incapable de blesser à ce point les convenances, sans parler des égards

Voyez sur Molière, et particulièrement sur Tartufe, la belle appréciation de M. Sainte-Beuve dans Port-Royal, tome III, chap. xv et xvI.

qu'il devait à Boileau, honoré de l'intimité de M. de Lamoignon. Ce conte, beaucoup plus vieux que Molière, a été ramassé dans les Anas espagnols, qui attribuent ce mot à Lope ou à Calderon, au sujet d'une comédie de l'Alcade: L'alcade ne veut pas qu'on le joue. Quelqu'un a trouvé spirituel de transporter cette facétie à Molière, et l'invention a fait fortune. La biographie des grands hommes est remplie de ces impertinences : c'est le devoir de la critique de les signaler, et d'en obtenir justice. » Molière, malgré ses vives instances auprès du roi, attendit deux ans avant de voir lever l'interdiction qui pesait sur sa pièce. Enfin, Tartufe reparut au théâtre le 5 février 1669. Nombre de gens, dit Robinet, coururent hasard d'être étouffés et disloqués pour voir cet ouvrage; quarante-quatre représentations consécutives assurèrent le triomphe, et les camarades de l'auteur voulurent que sa vie durant il eût double part dans les recettes produites par ce chef d'œuvre.

Considéré comme œuvre littéraire, le Tartufe n'a trouvé que des admirateurs. « Il est, dit M. Nisard, plus goûté au théâtre que le Misanthrope, sans l'être moins à la lecture. Il y a plus d'intérêt, plus d'action, plus de passion. Au lieu du salon d'une coquette, c'est le foyer domestique d'une femme honnête, envahi par un intrus. Tout y est troublé, les amusements innocents, l'honnête liberté des discours, les plaisirs et les projets de famille, un mariage sortable et déjà fort avancé; personne n'y est incommodé médiocrement. Aussi quelle agitation dans cette maison, désormais divisée en deux camps !... C'est la pièce où Molière a mis le plus de feu... il y a d'autres vilaines gens dans son théâtre... il se contente de les rendre ridicules... Pour le faux dévot, on n'en rit pas un moment; Molière en a peur; il en a horreur du moins. C'est la révolte de sa noble nature contre ce vice, le plus odieux de tous, parce qu'il sert de couverture à tous. >>

M. Génin regarde Tartufe comme le dernier effort du génie : « Quelle admirable combinaison de caractères! Deux morales sont mises en présence la vraie piété se personnifie dans Cléante, l'hypocrisie dans Tartuse. Cléante est la ligne inflexible tendue à travers la pièce pour séparer le bien du mal, le faux du vrai. Orgon, c'est la multitude de bonne foi, faible et crédule, livrée au premier charlatan venu, extrême et emportée dans ses résolutions comme dans ses préjugés. Le fond du drame repose sur ces trois personnages. A côté d'eux paraissent les aimables figures de Marianne et de Valère; la piquante et malicieuse Dorine, chargée de représenter le bon

comme madame Pernelle en représente l'entele,

Damis,

l'ardeur juvénile qui, s'élançant vers le bien et la justice avec une impétuosité aveugle, se brise contre l'impassibilité calculée

de l'imposteur; Elmire enfin, toute charmante de décence, quoiqu'elle aille vêtue ainsi qu'une princesse. Quelle habileté dans cette demi-teinte du caractère d'Elmire, de la jeune femme unie à un vieillard! Si Molière l'eût faite passionnée, tout le reste devenait à l'instant impossible ou invraisemblable: la résistance d'Elmire perdait de son mérite; Elmire était obligée de s'offenser, de se récrier, de se plaindre à Orgon. Point ;

[ocr errors]

Une femme se rit de sottises pareilles,

Et jamais d'un mari n'en trouble les oreilles.

Elle n'éprouve pour Tartufe pas plus de haine que de sympathie; elle le méprise, c'est tout. Ce sang-froid était indispensable pour arriver à démasquer l'imposteur. Elmire nous prouve quels sont les avantages d'une honnête femme qui demeure insensible sur la passion du plus rusé des hommes, de Tartufe. » Considéré au point de vue de la morale sociale ou religieuse, Tartufe a été l'objet de vives et nombreuses attaques. Nous al lons, au moyen de quelques extraits, donner une idée aussi exacte que possible des critiques dont il a été l'objet, depuis le dix-septième siècle jusqu'à nos jours.

Ce fut le curé de Saint-Barthélemy, Roullès, qui ouvrit le feu par un écrit anonyme : le Roi glorieux au monde. Roullès, dans cet écrit, appelle Molière « un démon vêtu de chair, habillé en homme; un libertin, un impie digne d'être brûlé publiquement. »> L'auteur d'un libelle intitulé: Observations sur une comédie de Molière intitulée : le Festin de Pierre', enchérit encore sur le curé de Saint-Barthélemy:

<< Certes, il faut avouer que Molière est lui-même un Tartufe achevé et un véritable hypocrite... Si le dessein de la comédie est de corriger les hommes en les divertissant, le dessein de Molière est de les perdre en les faisant rire, de même que ces serpents dont les piqûres mortelles répandent une fausse joie sur le visage de ceux qui en sont atteints...

>> Molière, après avoir répandu dans les âmes ces poisons funestes qui étouffent la pudeur et la honte; après avoir pris soin de former des coquettes et de donner aux filles des instructions dangereuses, après des écoles fameuses d'impureté, en a tenu d'autres pour le libertinage...; et, voyant qu'il choquait toute la religion et que tous les gens de bien lui seraient contraires, il a composé son Tartufe et a voulu rendre les dévots des ridicules ou des hypocrites... Certes, c'est bien affaire à Molière de parler de la religion, avec laquelle il a si peu de commerce et qu'il n'a jamais connue, ni par pratique ni par théorie.....

'A la date où parurent ces Observations, le Tartufe n'avait encore été joué que chez Monsieur, frère du roi.

« PrécédentContinuer »